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Le silicium noir, un barbelé nanométrique fatal aux bactéries


PARIS, 26 novembre 2013 (AFP) - Matériau de synthèse jugé très prometteur pour les panneaux solaires, le silicium noir peut aussi accomplir des miracles contre les infections grâce à ses barbelés nanométriques capables d'empaler les bactéries et de tuer même les plus résistantes d'entre elles.

Utilisés dans les domaines médicaux ou alimentaires, de tels matériaux pourraient constituer une Ligne Maginot impénétrable, à même de stopper toute invasion microbienne.

Une équipe de chercheurs australiens a récemment découvert que les ailes d'une cigale des antipodes avaient un effet bactéricide très puissant contre le "bacille du pus bleu" (Pseudomonas aeruginosa), une bactérie résistante impliquée notamment dans des infections nosocomiales.

Une propriété indépendante de toute substance biologique ou chimique, liée uniquement à la présence d'un réseau de minuscules "piliers" à la surface de ces ailes.

Forts de cette découverte, les chercheurs se sont donc mis à la recherche d'autres matériaux dotés de surfaces semblables pour vérifier s'ils présentaient les mêmes vertus bactéricides.

Dans le vaste catalogue de Dame Nature, ils ont trouvé une petite libellule australienne (Diplacodes bipunctata), dont les ailes sont ornées de protubérances nanométriques. Et ils se sont rendu compte qu'un matériau de synthèse, le "silicium noir" créé presque par hasard dans un labo de Harvard à la fin des années 1990, présentait des caractéristiques très proches.

Principale différence entre les ailes de libellule et le silicium noir: les "piliers nanométriques" recouvrant le silicium sont plus pointus et environ deux fois plus hauts que celles de la libellule.

Mais les deux surfaces font merveille pour piéger et tuer différents types de bactéries, qu'il s'agisse de la Pseudomonas aeruginosa, du redoutable staphylocoque doré ou même des spores ultra-résistants de Bacillus subtilis, révèle l'étude, publiée mardi dans la revue Nature Communications.

"L'intégrité cellulaire de toutes les espèces (de bactéries, ndlr) semble avoir été perturbée de manière significative par les nanopiliers présents sur ces deux surfaces", écrivent les chercheurs.

Autrement dit, ces piques nanométriques agissent comme un réseau de fils de fer barbelés qui piègent les bactéries et font subir à leur enveloppe des tensions si fortes qu'elles les brisent, entraînant leur mort.

Malgré leur architecture différente, les performances du silicium noir et de l'aile de libellule sont à peu près comparables, tuant environ 450.000 cellules bactériennes par minute et par centimètre carré au cours des trois premières heures d'exposition.

Comparée à la "dose infectieuse", c'est-à-dire le nombre minimum de cellules pathogènes requis pour infecter un individu, ces matériaux feraient "des surfaces antibactériennes hautement efficaces", assurent les auteurs de l'étude.

A titre d'exemple, un centimètre carré de silicium noir serait capable de tuer en l'espace de trois heures 810 fois la "dose infectieuse" du staphylocoque doré, et 77.400 fois celle du "bacille du pus bleu", écrivent-ils.

Même si la fabrication du silicium noir nécessite des procédés complexes, "des nanomatériaux antibactériens synthétiques" dotés d'une architecture similaire à celle des ailes de libellule "peuvent aisément être fabriqués sur de grandes surfaces", indépendamment de leurs propriétés chimiques, conclut l'étude.

Rédigé par () le Mardi 26 Novembre 2013 à 06:19 | Lu 1215 fois