Tahiti Infos

Le plan cancer de Polynésie sera achevé pour la fin de l’année


Le service d'oncologie du CHPF qui effectue environ 4 000 séances de chimiothérapie aux malades chaque année. Le cancer tue entre 250 à 300 personnes par an en Polynésie française.
Le service d'oncologie du CHPF qui effectue environ 4 000 séances de chimiothérapie aux malades chaque année. Le cancer tue entre 250 à 300 personnes par an en Polynésie française.
PIRAE, le 8 mai 2014. Avec plus de dix ans de retard, le premier plan cancer de la Polynésie française devrait être écrit et prêt à l’emploi à la fin de cette année 2014. Pas moins de dix ateliers de travail ont entamé depuis le mois d’avril des discussions pour cerner entre autres les besoins de la prévention, du parcours de santé des patients jusqu’aux soins palliatifs. «Après 11 ans de combat, on va avoir enfin un plan cancer : merci» a déclaré Eric Parrat, pneumologue du Centre hospitalier du Taaone, lors du premier séminaire consacré à l’élaboration du plan cancer qui se déroulait mardi soir, le 6 mai au CHPF. Les remerciements s’adressent à Béatrice Chansin, la ministre de la santé, mais ne cachent pas une certaine amertume, «on a 11 ans de retard sur la France» poursuivait ce spécialiste, alors que les discussions sur un plan cancer en Polynésie avaient débuté en 2003, pour ne mener à rien jusqu’ici qui coordonne les actions.

Parmi les médecins spécialistes rassemblés dans l’amphithéâtre du CHPF, beaucoup ont vécu, avec douleur et résignation, cette absence de prise en compte globale des cancers sur le territoire, alors qu’au cours de la dernière décennie, le nombre de patients a progressé de 15%, une progression qui va nécessairement s'accentuer avec le vieillissement sensible de la population polynésienne. Chaque année ce sont 600 nouveaux cas de cancer qui sont détectés en Polynésie française. «Ce plan cancer, ça fait des années qu’on le réclame» insiste le docteur Gilles Soubiran. Ce docteur de médecine générale au Taaone a «très souvent servi de roue de secours au camion de l’oncologie qui crevait» et il poursuit : en Polynésie «les cancers sont en augmentation mais pas les moyens. Aujourd’hui on a l’oncologie, la radiothérapie (depuis 2011) et la chimiothérapie, mais les unités sont rapidement saturées. Il va falloir réfléchir à faire plus avec moins, s’organiser pour traiter les patients dans de bonnes conditions».

Il rappelle entre autres la nécessité de traiter un cancer le plus rapidement possible après sa découverte : le délai ne doit pas être plus long que quatre semaines pour garantir une bonne efficacité. Entre les lignes, on comprend ainsi tout l’intérêt de ce futur plan cancer en Polynésie : organisation de la prévention, rationalisation des soins, encadrement des patients et de leurs familles.
Car depuis le début des années 2000, la prise en charge des cancers ou de leur prévention existe quand même sur le territoire, mais de manière isolée. Des programmes de dépistages gynécologiques ont ainsi commencé au début des années 2000 et la prise en charge des patients, à travers l’offre des soins, a été inscrite au plan santé de 2001-2005 et au schéma d’organisation sanitaire 2002-2012. Mais à entendre les médecins, il y manque encore un petit supplément d’âme. «Je suis au cœur du drame humain qui se joue tous les jours» indiquait encore le pneumologue Eric Parrat qui dirige le groupe de travail sur le parcours du patient. Selon un audit interne mené dans l’hôpital, 75% des professionnels de santé jugent que la situation en oncologie est «à peine acceptable voire même inacceptable».

Principal écueil jusqu’ici, l’absence en Polynésie, du dossier médical unique communicant, alors que le territoire est éclaté en cinq archipels, parfois très éloignés du CHPF où le patient atterrit avec sa pathologie. Il manque aussi une réelle prise en compte des soins palliatifs. Même en matière de dépistage, la Polynésie française se heurte à des difficultés. Ainsi, en dehors de Tahiti il n’existe de mammographes que sur deux îles à Bora Bora et Raiatea, mais il n’y a rien aux Marquises, aux Tuamotu Gambier ou aux Australes. «C’est un point capital, on ne peut pas laisser trois archipels dans l’oubli» indiquait Carole Lafargue, de la direction de la santé, en charge de l’atelier sur la prévention du cancer du sein. De son côté, la ministre de la santé Béatrice Chansin déclarait : «Le cancer n’est pas qu’une maladie ; il interrompt la vie professionnelle ; il bouleverse le rapport à l’autre. Aussi, l’objectif principal demeure de l’éviter, de le détecter le plus tôt possible et de le soigner le plus rapidement possible».


Le trio infernal : cancers des poumons, du sein, de la prostate

Les cancers sont la 2e cause de décès en Polynésie française, après les maladies cardio-vasculaires. Un quart des décès enregistrés chaque année sont dus à un cancer. Pour les hommes, le cancer de la prostate est le plus répandu, mais c’est le cancer broncho-pulmonaire (le cancer des fumeurs) qui est le plus fatal, comme partout ailleurs dans le monde. Ce même cancer broncho-pulmonaire cause autant de décès chez les femmes que le cancer du sein : environ 30 décès par an. Chaque année, environ 100 nouveaux cas de cancer du sein sont enregistrés, le plus souvent chez des femmes âgées de 55 ans. Le cancer colo-rectal qui arrive, en France en 3e position, comme cause d’hospitalisation d’origine cancéreuse, serait moins répandu pour l’instant en Polynésie française. 300 cancers colo-rectaux ont été enregistrés sur le territoire, ce qui donne une incidence de ce cancer deux fois plus faible qu’en France, probablement pour des raisons génétiques et d’habitudes alimentaires différentes.
Pour les cancers du sein, de l’utérus –très répandus également chez les femmes- ou les cancers colo-rectaux, l’intérêt d’un plan cancer réside particulièrement dans les opérations de prévention car il s’agit de pathologies dont on peut guérir, s’ils sont décelés et soignés dans les temps. A titre d’exemple, à peine la moitié des patients atteints d’un cancer colo-rectal disposent d’une espérance de vie à 5 ans.

Le calendrier d’élaboration du plan cancer

Le plan cancer de la Polynésie française devra dégager les priorités, les objectifs et les actions à mettre en œuvre durant les cinq années 2015-2020. Cinq axes sont actuellement à l’étude : la prévention primaire, le dépistage, l’organisation des soins, l’accompagnement du patient et l’observation de la pathologie cancéreuse. Dix groupes de travail dirigés par des médecins (publics ou libéraux) ou des responsables de la direction de la santé travaillent séparément entre mai et septembre prochain, mais pourront communiquer l’avancée de leurs travaux ou leur questionnement au travers d’une plateforme Internet dédiée. Au cours des mois d’octobre et novembre 2014, il faudra rédiger le document stratégique, le faire réviser par le comité de pilotage et valider par le ministère de la santé, le faire approuver en conseil des ministres, le promulguer via l’assemblée de la Polynésie française, le présenter en commission de santé élargie de la CPS. Le 1er plan cancer de Polynésie sera applicable à partir de 2015 pour cinq ans.

Rédigé par Mireille Loubet le Jeudi 8 Mai 2014 à 17:37 | Lu 79985 fois