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Le lagon de Teahupoo sous l'œil des hydrographes pour les JO 2024


Tahiti, le 28 juin 2021 –Forte de ses nouveaux sondeurs multifaisceaux, la base hydrographique de Polynésie française (BHPF) sillonne le lagon de Taiarapu-Ouest sur la zone de Vairao-Teahupoo pour faire des relevés topographiques du relief sous-marin. Il s'agit d’écarter tout “risque d’obstruction” afin d'être “au rendez-vous des JO 2024” avec des cartes marines et des produits nautiques à jour.
 
“Développer des voies recommandées de navigation sur la presqu’île de Taiarapu en vue des JO 2024”: le projet est inscrit au programme de la commission mixte maritime. La BHPF (base hydrographique de Polynésie française),sise à la base navale de Motu Uta, est d'ailleurs déjà sur le coup. Rattachée à la Shom(Service Hydrographique et Océanographique de la Marine) au sein du groupe océanographique du Pacifique (GOP) au même titre que Nouméa, ce service de l'État a commencé à sillonner en mai la côte de Tairapu-Ouest, sur la zone Vairao-Teahupoo, pour faire des levés bathymétriques”, soit des relevés topographiques du relief sous-marin.

Science de la mesure des profondeurs, la bathymétrie ou l’hydrographie, consiste à étudier et décrire les cours ou les étendues d'eau et leurs fonds marins afin d’apporter une meilleure connaissance de l'environnement océanique. Indispensable à la sécurité de la navigation, elle sert également d’appui à la gestion et au développement des zones côtières. “On va poursuivre cette campagne d’acquisition de données à la mer plus au sud vers la passe de Havae, de Puotoe, ou de Vaiau pour les jeux olympiques” indique l'ingénieur principal de la base, Julien Lagadec.

1967, 1974,1990, 2000,2010, 2012, 2017, etc. Si les éléments océanographiques existent sur ce secteur, ils méritent une petite mise à jour au regard de la fréquentation attendue en marge de l'événement, censé accueillir 48 surfeurs et pas moins de 1 500 spectateurs. “L'idée c'est d'être au rendez-vous des JO avec des cartes marines et des produits nautiques précis parce qu'il y aura du monde qui va naviguer dans le coin” souligne le responsable. Outre l’accueil des JO en 2024, les relevés répondront aussi aux besoins de la commune comme pour le transport scolaire à Tautira.

300 ans de relevés

Aucun risque cependant de soulever un lièvre. Bien que les connaissances sur cette zone ne soient pas tout à fait exhaustives, les relevés réalisés par leurs prédécesseurs laissent assez peu de place aux mauvaises surprises. “On hérite quand même de 300 ans de relevés” rappelle Julien, bien que les premiers relevés hydrographiques en Polynésie remontent aux années 40 - 50. “Il y a plus de choses reportées qui finalement n'existent pas, que des choses qui existent et qui ne sont pas représentées, c'est toujours vu dans le sens de la sécurité de navigation”, poursuit l'ingénieur.

Par ailleurs, les nouveaux sondeurs “multifaisceaux” réceptionnés le mois dernier, s'illustrent par leur haut niveau de précision et le gain d'efficacité qu'ils apportent par opposition aux sondeurs “monofaisceaux”. Fixé à la coque du navire, l’engin “insonifie” le fond marin suivant une large bande, avec une très grande résolution. “A chaque passage, l’appareil émet 512 faisceaux acoustiques qui touchent le fond et reviennent, ce qui donne une très haute définition et permet de voir tous les détails jusqu'à 150 mètres” développe Julien. “Ultraportable” et facilement déployable sur une embarcation légère, ce nouvel équipement permet de cartographier efficacement les passes, les chenaux, ou les accès aux ports, notamment dans les îles éloignées.

Déjà 144 cartes marines sur le fenua

Inauguré à Teahupoo justement, le nouveau joujou servira également à mettre à jour les observatoires de marée (Faratea, Tautira, Matavai, Pueu, Motu Ovini, Tehoro) et les passes de Raiatea, à ouvrir des voies recommandées de navigation dans les passes de Apataki, ou à mesurer le courant du côté de Motu Uta. Des besoins civils et militaires exprimés par les pilotes de navires, les communes, ou l’industrie touristique et priorisés en fonction de leur redondance. “Une telle précision nous permet de lever les doutes et d'écarter tout risque d’obstruction, comme les épaves ou les patates coraliennes. Si on ouvre une voie recommandée de navigation, on doit être sûr, il faut tout voir”, insiste l'ingénieur. Ce qui permet aussi d'être conforme aux normes internationales et “de pouvoir dire que la donnée étant acquise, elle peut entrer en base avec grande confiance”.

Centralisées à Brest, siège de la Shom, les informations intègrent ensuite la base de données nationale, qui produit à son tour les cartes marines ou électroniques. On ne fait que collecter la donnée” rappelle Julien Lagadec. Si la BHPF s’attaque aux relevés trois ans avant les JO, c’est bien parce qu’il faut prévoir le temps de produire les documents nautiques qui viendront s’ajouter au portefeuille déjà très nourri du Shom : soit 870 cartes marines papier et 750 cartes électroniques de navigation, dont 144 représentent la Polynésie. Premier État à se doter d'un service hydrographique national le 19 novembre 1720, la France possède avec ses 11,6 millions de kilomètres carrés l’un des portefeuilles les plus denses du monde.

Missions hauturières plus loin dans la ZEE

Vague, profondeur, marée, courant : le groupe océanographique du Pacifique (GOP) (Nouméa, Papeete) est dédié à l’acquisition de mesures dans ces territoires insulaires. A l’aide de capteurs, de sondeurs, et de bouées GPS, il réalise des mesures de bathymétrie pour combler le déficit de données dans cette région, mais aussi des mesures de niveau de la mer grâce au réseau de marégraphes côtiers permanents installés dans le Pacifique depuis 2008 sur les sites de Vairao, Tubuai, Rikitea et Makemo, en lien avec l'observatoire de géodésique de l'UPF, pour analyser et comprendre les aléas des tsunamis.

A Tahiti, le service de l’État compte huit personnes au sein d’une petite unité d'acquisition des données à la mer par petits fonds (200 mètres). “On fait les passes et les voies recommandées dans les lagons, on n'a pas les moyens d'aller en haute mer”, précise l’ingénieur principal de la BHPFAinsi, tous les quatre à cinq ans, des missions hauturières de la flotte océanographique française de métropole s’aventurent un peu plus loin dans la ZEE polynésienne. Leurs navires océanographiques et leurs drones sous-marins scannent les zones profondes autour des îles habitées ou des volcans sous-marins. Nature des sédiments, magnétisme terrestre, courants marins, température et salinité de la mer :“La connaissance de l'environnement est devenu un enjeu de supériorité dans les opérations militaires, comme les variations de la température et de la salinité de la mer pour la propagation des ondes acoustiques” souligne le responsable. Mais ces activités s’intéressent aussi aux nouvelles causes environnementales, comme les risques de submersion marine, la protection et l’aménagement du littoral ou les énergies marines du futur.
 

Rédigé par Esther Cunéo le Mercredi 30 Juin 2021 à 18:21 | Lu 3004 fois