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Le festival des Australes a rendez-vous à Rimatara en 2026


Tubuai, le 13 novembre 2022 - Le festival des Australes s’est terminé vendredi soir par un feu d’artifices après des prestations très remarquées de Rimatara et Rapa. Les délégations ont pris le chemin du retour, laissant derrière elles le souvenir d’un événement qui a tenu toutes ses promesses.
 
C’est terminé. Les délégations des îles de l’archipel des Australes réunies à Tubuai pour le festival ont tiré leur révérence. L’événement s’est achevé tard dans la nuit de vendredi à samedi par un feu d’artifices et un grand repas offert au public. Pour le tāvana Fernand Tahiata, c’est “une grande réussite”. Il est particulièrement satisfait de l’organisation et de l’investissement de chacun. “Grâce à tous les bénévoles, on a réussi à répondre à toutes les demandes”, se réjouit-il.
 
Par exemple, pendant le festival, et précisément du 2 au 13 novembre, 500 repas ont été préparés trois fois par jour. Jessie Tehevini, secrétaire du comité organisateur, précise à ce propos qu’une cinquantaine de personnes a été mobilisée pour ce seul poste : “Ils ont découpé, fait cuire, servi, nettoyé…”, détaille-t-elle.
 
Les frais d’organisation du festival ont été évalués à plus de 29 millions de Fcfp. Des subventions ont été octroyées par le Pays (15 millions), l’Outre-mer (3 millions), l’État (1,2 million), les communes (1 million pour Rimatara, de même que Rurutu, Rapa et Raivavae et 6 millions pour Tubuai). Au final, le spectacle, d’un avis commun, a été à la hauteur. Le rendez-vous est déjà donné en 2026 à Rimatara.
 
Pour que la fête soit totale, les îles se sont entraidées. Notamment pour la bonne tenue des ahimā’a. Car en raison des saisons, mais aussi des restrictions sanitaires, il a fallu compter les uns sur les autres. Les noix de coco ont été fournies par Rimatara et Rurutu, Rapa s’est occupée du bœuf et Raivavae a prévu le pāhua pour ses besoins et ceux de Rurutu. Les deux îles se sont occupées du umu ahimā’a le jeudi midi. “On a suivi le thème”, s’est amusée Tera de la délégation de Raivavae, “à savoir le lien et le partage”.

Standing ovation pour Rimatara

Les dernières représentations ont été très fort appréciées. Mercredi soir, la délégation de Raivavae a offert ses chants en spectacle. Rimatara a pris le relai avec sa troupe de danse. Une prestation acclamée par le public. La soirée s’est achevée sur une standing ovation. Le passage des danseuses et danseurs avec un 'āfata, une sorte de petite assise d’à peine quelques centimètres, a été remarqué. “C’est une danse de chez nous”, a décrit Ioana Hauata Boniface, l’un des responsables de la troupe. “C’est le tau manimani tau vae vae, les danseuses et danseurs tournent autour du 'āfata, posent les pieds dessus, en descendent, y prennent appui avec leurs mains...”
 
Autre particularité de l’île : le feu. La coutume veut qu’en arrivant à Rimatara, les visiteurs passent dans un nuage de fumée purificatrice. Cette fumée émane d’un feu à base de bourre de coco et de feuilles de pūrau. “Ce feu n’est jamais fait ailleurs que sur l’île”, a expliqué la délégation. “Mais pour vous, ce soir, nous avons décidé de le préparer”, a-t-elle annoncé. Le passage des danseuses et danseurs sur scène a été précédé par l’allumage du feu.
 
Pour préparer son passage au festival, la troupe s’est retrouvée deux mois durant, tous les soirs de la semaine, de 19 à 22 heures. Rimatara a eu besoin de deux containers de dix pieds pour transporter ses costumes, accessoires, colliers de pūpū, coiffes... Dans le public, les commentaires sont allés bon train. “C’est beau”, “je n’avais encore jamais vu ça”, “les costumes sont incroyables”, “la chorégraphie est vraiment très recherchée”.

Élisa, 88 ans, a fait le déplacement de Tahiti pour Tubuai. Elle est venue pour fêter son anniversaire et, à cette occasion, profiter du festival. Pour elle, chaque soirée était une découverte supplémentaire. Richard et Maryse, de passage eux aussi à Tubuai, ont apprécié l’accueil tout au long du festival, mais aussi les démonstrations et spectacles en soirée. “Chaque île a vraiment sa particularité, tout était très beau, même si j’ai eu, peut-être, un petit faible pour Rimatara”, a avoué Maryse. Tihoti, originaire de Tubuai, n’a pas raté une seule soirée. Il a souhaité profiter au maximum de “cette fête peu ordinaire”. “C’est quand même exceptionnel que l’on puisse discuter avec tous nos cousins des îles de l’archipel.”
 
Paki paki !

Rapa, qui a animé la soirée de jeudi soir, a, à sa manière, fait sensation. Pierrot Faraire, auteur-compositeur, a annoncé avant de laisser place à la troupe de danse : “Nous vous emmenons en voyage sur notre île deux siècles plus tôt. Un jour, un bateau péruvien a accosté chez nous. Il parcourait le Pacifique pour ramasser des esclaves sur les îles, il est venu à Rapa avec la même intention, pour prendre nos habitants. Nous avons réussi, nous, à prendre le bateau. Les prisonniers qui étaient à bord sont restés à Rapa, se sont mariés avec des femmes de chez nous. La moralité de notre spectacle est un appel à vous tous. Protégeons nos îles, nos coutumes, notre identité, nos langues, tout ce qui est à nous car sans cela, un jour, cela disparaîtra.” Il a marqué un temps d’arrêt avant de lancer les festivités, tandis que la musique montait en puissance. “Voilà donc à présent notre danse, la danse Rapa car le 'aparima, ce n’est pas à nous !” C’est alors que femmes et hommes ont investi la scène, arborant costumes en rafia naturel et peintures corporelles, lançant des cris guerriers et des regards provocateurs. “Paki paki !”, a répété Pierrot Faraire en langue Rapa, ce qui signifie, en français, “applaudissez !”.
 
Navigation et histoire

Tout au long de la semaine, en plus des démonstrations, spectacles et cérémonies, le public a été encouragé à faire différentes visites sur l’île dont celles de la pirogue Faafaite et du Fort Georges.
 
L’équipage de Faafaite est monté sur la scène du festival jeudi soir et vendredi soir, il a animé quelques ateliers et fait visiter le navire à ceux qui souhaitaient en savoir plus. Il a largué les amarres samedi matin direction Papeete. Le voyage était estimé à trois jours. Dès vendredi, l’équipage a fait le plein de vivres, de la nourriture et de l’eau, pas moins de 60 litres ont été stockés en prévision. Car les temps de voyage restent approximatifs.
 
Interrogé à propos de la navigation traditionnelle, le président de l’association Faafaite, Maui Meri, a expliqué que le plus compliqué n’était pas de mémoriser les astres ou encore l’orientation. “Le plus dur, ce sont les courants, la houle, les vents.” Ils changent et demandent une certaine expérience pour les appréhender.
 
À bord de Faafaite se trouvait vendredi Sabrina Blanchard. Membre de l’équipage, elle s’apprêtait à vivre sa première navigation. “J’en rêve depuis toute petite et j’ai vraiment hâte de partir.” Au-delà du plaisir d’être sur l’eau en compagnie des autres membres, Sabrina Blanchard se réjouissait de l’apprentissage dont elle allait pouvoir bénéficier. “Cela ne finit jamais, même les plus expérimentés à bord continuent à apprendre.” Pour elle, la pirogue avait toute sa place au cœur du festival Te Farereira (le lien), “car Faafaite sert de lien entre les peuples. Elle a déjà rallié Hawaii, les îles Salomon, la Nouvelle-Zélande, les Fidji et de nombreuses îles de Micronésie”, a-t-elle rappelé.

Non loin de la pirogue, le Fort George a lui aussi accueilli des visiteurs tout au long de la semaine de festival. Inauguré en juillet, cet espace, construit à l’emplacement du Fort Georges originel érigé par les mutins du Bounty, est un outil pédagogique. La visite guidée de ce qui se veut être un petit musée est assurée par Stéphanie Cairetetauru. Professeure de lettres, elle est également membre de l’association familiale Bounty Fort George. Elle raconte avec passion l’histoire de son île et de ses ancêtres, s’appuyant sur deux années de recherches et lectures attentives des archives, mémoires et traces documentaires laissées aux quatre coins du monde.
 
Elle décrit en détail les deux passages des mutins du Bounty en 1789, la répartition des terres de l’époque entre les trois chefferies de l’île, l’arrivée du Bounty avec à son bord pas moins de 400 bêtes (chèvres, vache, cochons, chats et chiens). “Ce que l’on veut, c’est vulgariser l’histoire auprès d’un public le plus large possible”, explique Stéphanie Cairetetauru. “Il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce qui a été dit dans les fictions, les livres, les films, bande-dessinées…”
 
Les liens tissés tout au long de ce festival l’ont été à différents niveaux, dans l’espace et dans le temps. Pour les organisateurs, c’est une dynamique qui a été lancée et qui doit désormais être entretenue à l’échelle des îles mais aussi de l’archipel.


Rédigé par Delphine Barrais le Dimanche 13 Novembre 2022 à 13:30 | Lu 1442 fois