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Le débat budgétaire occulté par l’obligation vaccinale


Tahiti, le 23 septembre 2021 - Gaston Tong Sang a saisi l’opportunité de son allocution en séance d’ouverture de la session budgétaire pour appeler à mettre fin à la radicalisation du débat public et proposer une réflexion pour redéfinir le périmètre d'application de la loi relative à l’obligation vaccinale. Proposition balayée par Édouard Fritch avec le soutien de la majorité Tapura. La loi sur l’obligation vaccinale restera inchangée jusqu’à ce que la couverture vaccinale ait atteint 70% de la population éligible.
 
Habituellement, la séance d’ouverture de la session budgétaire est l’occasion pour le président de l’assemblée de faire le bilan des travaux accomplis par son institution et d’esquisser les grandes lignes des chantiers futurs. C’est un moment que le président du Pays choisit traditionnellement pour poser le bilan de l’exercice en cours, définir devant la représentation polynésienne les enjeux de celui à venir. La session budgétaire s’ouvre pour les 12 prochaines semaines, mais jeudi, les deux discours n’ont fait que souligner les divergences de vues sur l’obligation vaccinale qu’ont le président du Pays et celui de la troisième institution de Polynésie.
Le 20 août dernier, c’est un amendement de la représentante Tapura Romilda Tahiata qui avait considérablement élargi le périmètre de cette règlementation en proposant son application à “toutes les personnes au contact du public dans les services, établissements et organismes exerçant une mission de service public, les commerces et activités de prestation de service”. La proposition d’amendement avait été adoptée par 48 voix pour.
 
Redéfinition du périmètre ?
 
S’il a voté pour cet amendement et pour la loi dans son ensemble avec une “logique de parti”, c’est pour assumer son statut de non-vacciné que s’est exprimé le président de l’assemblée, jeudi. L'élu Tapura a expliqué avoir “la conviction profonde que les divergences d’opinions nourrissent la démocratie”. Gaston Tong Sang a bien assuré que sa position n'était “pas une posture d’hostilité à l’égard de la vaccination”, mais souligné qu'il souhaitait surtout “réconcilier les hommes”, “appeler à l'unité” ou encore être “respectueux de la majorité mais néanmoins attentif aux minorités”. “Il faut avoir un discours audible vis-à-vis du grand public”, justifiait Gaston Tong Sang interrogé sur cette prise de position, en suspension de séance. “Il faut avoir un vocabulaire partagé et envoyer le bon message”.
Mais, bien que présenté comme un message “de rassemblement”, ce discours devait finalement conduire le président de l’assemblée à conclure à contre-courant de sa majorité. Il propose “que des discussions reprennent activement, dans les plus brefs délais, pour mettre fin à la radicalisation du débat public et pour apaiser les tensions” : “Il s’agira d’envisager, à la lumière des dernières données scientifiques et des dernières statistiques vaccinales, une conciliation des notions d'immunité naturelle et d’immunité vaccinale, mais aussi une redéfinition du périmètre d'application de la loi relative à l’obligation vaccinale”.
 
Le Tapura dit niet
 
Une proposition qu’a balayée Édouard Fritch lors de son intervention. “Je vous le dis : il n’y a pas d’autre choix”, a martelé intransigeant le président du Pays à propos de la vaccination anti-Covid. En s’adressant aux Polynésiens, c’est aussi pour le locataire du perchoir de l’assemblée que le message était taillé : “J’appelle de mes vœux à plus de cohésion et de raison afin de faire bloc. Je vous demande de nous unir pour poursuivre le combat que nous menons contre le virus et ses variants. (…) Je demande donc à ceux qui doutent et qui résistent encore, qu’au-delà de leurs convictions ou de leurs croyances, seule la protection de notre communauté doit dicter leur choix”. Pour l’instant, comme l’a rappelé Édouard Fritch, les conditions sanitaires ne permettent pas de suspendre tout ou partie de la loi sur l’obligation vaccinale, “et encore moins l’annuler”.
 
Réuni en comité de groupe un peu plus tard dans la journée, le Tapura est venu conforter cette position en validant une position commune : la loi sur l’obligation vaccinale restera inchangée jusqu’à ce que la couverture vaccinale ait atteint 70% de la population éligible. Ce n’est qu’à partir de là que la portée du texte pourra être modifiée, voire la règlementation suspendue par arrêté du conseil des ministres, comme le prévoit l’article 6 de la loi du Pays. “Il faut que l’on reste cohérent”, déclarait jeudi Tepuaraurii Teriitahi, la présidente de groupe. “Il y a une date d’application qui est fixée au 23 octobre. Bien sûr qu’elle peut être repoussée. Mais cela doit faire l’objet d’une discussion dans la majorité et avec le gouvernement. Une chose est sûre, c’est que l’obligation vaccinale est indispensable à nos yeux”.
 
A la mi-journée, la promesse d’une réflexion avec les présidents de groupe a été faite pour apaiser la délégation des 500 manifestants qui faisaient le siège de Tarahoi. Sous quinzaine, le président de l’assemblée estime pouvoir porter une proposition commune d’assouplissement de la loi. Mathématiquement, elle ne recueillera au mieux 20 voix, incluant la sienne.  

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 23 Septembre 2021 à 20:41 | Lu 3042 fois