Les années se suivent et se ressemblent malheureusement pour les agents de la Délégation de la Polynésie française à Paris. Après les années noires sous la direction de Caroline Tang, ponctuées par un rapport sévère de la Chambre territoriale des comptes et conclues par un rapport d’audit, tout aussi sévère, de la Direction de la modernisation et des réformes de l'administration (DMRA), la situation ne s’améliore guère et poursuit au contraire son lent pourrissement.
Se sentant seuls, pris en étau entre une nouvelle direction menée par Sarah Teriitaumihau et un délégué syndical, Olivier Champion (Syndicat de la fonction publique), les agents de la délégation à Paris se sont tous retournés vers le Syndicat des agents publics de Polynésie (SAPP) pour les défendre.
Dans un courrier daté du 12 février dernier que Tahiti Infos s’est procuré, envoyé au chef de l’Imprimerie officielle, à la directrice générale des ressources humaines, au président du Pays ainsi qu’à la ministre de la Fonction publique, et à la directrice de l’établissement, Sarah Teriitaumihau, le syndicat revient en détail sur les nombreux griefs relatifs à l’application du statut de la fonction publique et sur les situations conflictuelles au sein de la Délégation à Paris.
Un comité de recrutement illégal ?
À la directrice de la Délégation, le syndicat reproche la création d’un “comité de recrutement” qui étudiera les profils des agents qui souhaiteraient aller travailler à Paris, non prévu par les textes régissant la fonction publique du Pays. “Vous n’avez à ce jour reçu aucune délégation de signature pour établir un tel comité, qui n’a de toute façon pas de fondement juridique”, explique le courrier du syndicat. “Refuser une mutation au motif d’une décision d’un tel comité est la porte ouverte à ce que n’importe quel agent candidat à une affectation à Paris défère vos décisions auprès des juridictions”, prévient le syndicat qui voit déjà poindre les recours potentiels devant les tribunaux administratifs. “Cette position vicie donc toutes les mutations dans la fonction publique”, poursuit l’analyse.
Syndicalisme à géométrie variable
Celui qui, depuis 2021, cherche à obtenir la décharge d’activité malgré un poste clé au sein de la Délégation, est de tous les coups de canon. L’an dernier, il soutenait les changements effectués chez les chefs de service dans l’administration par le gouvernement Brotherson. Son combat contre Caroline Tang a laissé des traces sur les murs du bâtiment parisien. Il décrivait la dernière directrice de la Délégation comme une personne faisant “régner la peur”, quand cette dernière le renvoyait à son comportement “particulièrement agressif, déplacé et malveillant d’un agent qui occupe le second poste le plus important de la DPF”. Au milieu, les agents restants comptaient les points, et tentaient d’éviter les balles.
Olivier Champion s’est aussi impliqué dans le soutien au docteur ès chloroquine, Jean-Paul Théron, mais aussi pour la mise en place du télétravail, qu’il souhaite ardemment appliquer à lui-même.
Sa personnalité dérange au sein de la bâtisse parisienne et le Syndicat des agents de Polynésie, qui est une émanation du Syndicat de la fonction publique après une brouille entre Olivier Champion et Vadim Toumaniantz, le rappelle tout au long de son courrier.
Le syndicat pointe un agent “qui instrumentalise l’action syndicale pour la défense de ses intérêts personnels”, chargé de piloter une enquête psycho-sociale au sein de la Délégation après le départ de Caroline Tang. “Confier à un agent mettant en cause sa hiérarchie passée l’organisation d’une enquête sur ladite hiérarchie entre en contradiction” avec “l’action administrative qui se doit d’être neutre”, rappelle le courrier.
Le syndicat va même plus loin et se pose la question du détournement de fonds publics. “Il n’appartient pas à l’administration de financer des enquêtes psycho-sociales pour savoir s’il y aurait eu ou non harcèlement. En agissant ainsi, l’administration finance, de fait, l’action syndicale de M. Champion. On est là dans un domaine qui confine au détournement de fonds publics.”
Selon nos informations, la Délégation de la Polynésie françaises est aujourd’hui composée de neuf personnes. Sept sont affiliées au Syndicat des agents de la fonction publique. Les deux autres sont la directrice, Sarah Teriitaumihau, et Olivier Champion.
La dernière ligne du courrier en dit long sur le ressentiment des agents envers le secrétaire général du Syndicat de la fonction publique. S’adressant à Sarah Teriitaumihau, le courrier conclut : “Nous vous proposons de vous appuyer sur l’avis de vos collègues chefs de service, plutôt que sur celui d’un agent qui semble visiblement pressé de régler ses comptes personnels et d’organiser ses petits privilèges, en vous faisant au passage signer des documents au caractère contestable.”
Bonjour l’ambiance.
Une commission qui inquiète
De commission d’enquête sur les aspects psycho-sociaux, les agents font face désormais à une commission “qui inquiète”. Une liste des agents devant être auditionnés a été produite, incluant l’actuelle directrice, alors que cette dernière n’était pas en fonction à l’époque. Une incongruité qui a poussé les agents à refuser d’être auditionnés alors même qu’ils ignorent sur quels critères certains agents ont été convoqués, et pas d’autres, si l’anonymat sera respecté et si c’est une obligation de répondre à cette convocation.
Télétravail pour tous… ou presque
Dans une note de service, la direction a mis en place le télétravail, sans avoir consulté le comité technique paritaire, ce qui, au sens du Syndicat des agents publics, constitue une entorse à la loi. En effet, le syndicat pointe du doigt le fait que la loi sur le télétravail présentée en novembre 2022 n’a toujours pas d’arrêté d’application. Cependant, Olivier Champion, ardent défenseur du télétravail, a obtenu une “autorisation individuelle” à Paris alors que la loi de 2022 ne prévoit son application qu’en Polynésie française. Une disposition que le Syndicat des agents publics de Polynésie demande dans un souci d’équité entre les agents.
Des agents fliqués
En conclusion de cette longue lettre aux différents services du public, le Syndicat des agents publics de Polynésie pointe une dernière mesure qui ne s’apparente à rien d’autre que du flicage des agents. “Depuis peu, vous avez imposé aux agents placés sous votre autorité l’usage d’un fichier de reporting sur leurs activités quotidiennes”, explique le syndicat. Si la centrale convient que des objectifs puissent être fixés aux agents, ce nouveau mode de fonctionnement n’en demeure pas moins oppressant. “Depuis la mise en place de ce système, les employés de la Délégation se perçoivent comme faisant l’objet d’une défiance de la part de leur autorité de tutelle”, s’inquiète le syndicat.