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Le Père Auméran et le notaire Clémencet en garde à vue dans le dossier Actéon


Tahiti, le 25 janvier 2023 – L'ancien vicaire général de l'Archidiocèse de Papeete, le père Joël Auméran, ainsi que le notaire de Papeete, Me Philippe Clémencet, ont été placés en garde à vue la semaine dernière dans le cadre de l'information judiciaire ouverte pour faux et escroquerie dans la procédure de "prescription acquisitive" des îles Actéon par le Camica, rapporte mercredi le quotidien national Le Parisien.
 
C'est le journal Le Parisien qui révèle l'information ce mercredi à Paris, l'ancien vicaire général de l'Archidiocèse de Papeete, le père Joël Auméran, ainsi que le notaire de Papeete, Me Philippe Clémencet, ont été placés en garde à vue par les enquêteurs de la section de recherches de la gendarmerie la semaine dernière à Papeete. Les deux hommes ainsi qu'un troisième "bénévole laïc du Camica", indique le journal, ont été entendus sur commission rogatoire du juge d'instruction Laurent Mayer, dans le cadre de l'information judiciaire ouverte pour "escroquerie aggravée, faux en écritures authentiques et usage, fausses attestations et usage" après la procédure de prescription acquisitive des îles Actéon aux Tuamotu qui défraie la chronique depuis deux ans au fenua.
 
Après la perquisition déjà menée en mars de l'année dernière à l'Archevêché de Papeete, le quotidien national précise que l'instruction du dossier porte sur "la sincérité d’attestations et de témoignages fournis par le Camica, pour mettre en avant le rôle qu’il a pu jouer sur les îles Tuamotu durant les trente dernières années".
 
Une affaire de "prescription acquisitive"
 
Dans cette affaire, révélée par Tahiti Infos en mars 2021, le Conseil d'administration de la mission catholique en Polynésie française (Camica) tente depuis 2015 de faire reconnaître son droit de propriété sur les sept atolls de Vahanga, Tenarunga, Matureivavao, Tenararo, Tematangi, Vanavana et Maria. Les fameuses "îles Actéon" situées au sud de l'archipel des Tuamotu. Pour contextualiser, il faut rappeler qu'initialement la propriété de ces sept atolls avait été cédée par le territoire aux associés de deux SCI dans les années 1960 et 1970. Des SCI destinées, selon les actes du Pays, à permettre "aux descendants des habitants de Tematangi" de développer l'activité agricole sur leurs terres.
 
L'église catholique, représentée dans ces SCI par Guillaume Vallons, plus connu sous le nom religieux de "Père Victor", a longtemps joué un rôle de coordinateur pour la planification de ces travaux agricoles sur les différents atolls des îles Actéon. Ceci à tel point qu'en 2015, le Camica a saisi une première fois la commission de conciliation obligatoire en matière foncière (CCOMF) pour demander de faire reconnaître son droit de propriété sur les îles Actéon. Le Pays a refusé et la procédure a été abandonnée. Mais le Camica n'a pas renoncé à son projet. Quatre ans plus tard, le 12 novembre 2019, le Père Joël Auméran a fait établir par Me Philippe Clémencet un acte notarié lui permettant de faire jouer la "prescription acquisitive" sur les îles Actéon. Une procédure permettant de faire reconnaître la propriété d'une emprise foncière en justifiant, notamment à travers des témoignages, d'au moins trente années d'occupation "paisible" d'un lieu.
 
Une plainte déposée par Édouard Fritch
 
Problème, cette opération réalisée en toute discrétion par le Camica et son notaire a été découverte et largement contestée depuis par plusieurs ayants-droits des deux SCI et habitants des atolls concernés. Le Pays s'est également fortement élevé contre cette action, contestant à la fois les témoignages produits par le Camica, la confusion entretenue par l'église catholique sur son lien avec les SCI propriétaires des atolls ou encore le fait que la personne morale du Camica n'apparaisse pas dans la procédure de notoriété acquisitive établie aux seuls noms des archevêques Cottenceau et Coppenrath et du vicaire Auméran. Le Pays a d'ailleurs déposé un recours devant le tribunal foncier contre la procédure intentée par le Camica et appelé les ayants-droits lésés à se manifester.
 
Dans son article publié mercredi, Le Parisien évoque d'ailleurs en détails certains des "éléments troublants sur l'authenticité de certains témoignages" produits par le Camica. Il dévoile notamment l'existence d'une attestation datée de mars 2021 et rédigée en français par un témoin ne parlant pourtant que le tahitien. "J’ai été convoqué par le père Joël afin de le rencontrer et signer ces documents faits au bureau du notaire, sans aucun éclaircissement. J’ai signé sans rien y comprendre", a déclaré le témoin aux services du Pays. Toujours selon Le Parisien, c'est à la suite de ce témoignage que le président du Pays, Édouard Fritch, a déposé plainte au pénal au nom de la collectivité contre le Camica et le notaire qui aurait dû émettre des doutes sur les prétentions de l'église catholique.
 
C'est cette plainte qui a conduit le parquet de Papeete à diligenter l'enquête préliminaire qui a débouché en juillet dernier sur l'ouverture d'une information judiciaire. Toujours selon les informations du Parisien, les trois personnes placées en garde à vue la semaine dernière doivent maintenant être convoquées par le magistrat instructeur "en vue d'être mises en examen".
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 25 Janvier 2023 à 08:31 | Lu 8510 fois