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Le Pays veut suspendre la surtaxe à 1 000% pour les non-résidents


Tahiti, le 5 juillet 2022 – La majorité Tapura va proposer jeudi à l'assemblée un amendement destiné à suspendre l'application de la fameuse loi du Pays sur la surtaxe à 1 000% pour les acquisitions immobilières des non-résidents. Un rétropédalage unanime des élus de la majorité et de l'opposition en commission, deux mois après un vote du texte qui l'était tout autant en séance…
 
Deux mois après son vote à l'assemblée, et surtout une fois les élections passées, la majorité a finalement décidé de faire machine arrière sur sa loi de Pays instaurant une surtaxe à 1 000% pour les acquisitions immobilières des résidents de moins de 10 ans. Déjà, lors du vote du texte –à l'unanimité des élus de la majorité et de l'opposition, faut-il bien souligner– certaines voix s'étaient –d'abord timidement– élevées chez les professionnels du secteur immobilier pour dénoncer un texte à visée plus électoraliste qu'économique ou sociétale. Le résultat des urnes, depuis, n'aura d'ailleurs pas vraiment prouvé la justesse électorale de la démarche.
 
“On s'est trompé”
 
Le président du Pays, Édouard Fritch, avait déjà préparé le terrain il y a une semaine sur le plateau de TNTV. “La question qui se pose, c'est : est-ce qu'il ne faut pas suspendre momentanément cette taxe de 1 000% ? Afin d'abord de solder ce qui est en cours. Parce que certaines personnes qui étaient en cours d'acquisition sont privées de ces droits d'acquisition compte-tenu de l'augmentation des prix naturellement. Mais je crois qu'il faut attendre les recours qui vont nous arriver, pour ensuite prendre des mesures qui ne soient plus attaquables à l'avenir”, avait concédé le président du Pays, remettant déjà largement en cause la méthode choisie sur la loi de Pays portée par son ministre en charge du Foncier, Tearii Alpha.
 
Mardi matin, le ministre de l'Économie, Yvonnick Raffin, a embrayé sur Radio 1 en annonçant encore plus directement : “J'ai aucune honte et j'ai l'honnêteté de dire qu'on s'est trompé sur cette taxe à 1 000%.” Et le ministre d'annoncer un amendement destiné à “suspendre cette mesure” le temps que le Conseil d'État se prononce sur sa légalité. “On s'est trompé sur la cible, il faut le reconnaître. Maintenant nous allons venir réorienter et apporter des solutions pour ne pas léser les Polynésiens et les Polynésiennes. Parce qu'en fait, ceux qui sont lésés aujourd'hui, ce sont bien les Polynésiens qui montent au créneau parce qu'ils cherchent à vendre leurs biens à des étrangers ou pas”, a conclu le ministre.
 
Et pourtant, lors du vote du texte, le 26 avril dernier, ce point spécifique avait bien été soulevé par la représentante de l'opposition Nicole Sanquer. “Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer, avez-vous procédé aux consultations nécessaires qui pourraient entraver des ventes déjà négociées et êtes-vous certain que ce dispositif ne touchera pas des Polynésiens ?”, interrogeait à l'époque l'ex-députée.
 
Suspension jusqu'en 2023
 
Ces interrogations étaient également partagées par le Tavini sur la compétence pour la Polynésie française de prendre ce type de réglementation portant atteinte au principe d'égalité d'accès des citoyens devant l'impôt. Le parti indépendantiste soulevant surtout à l'époque l'incapacité pour le Pays de prendre de telles dispositions, différenciant les Polynésiens et les Métropolitains, dans le cadre du statut d'autonomie. Des interrogations qui n'avaient pas empêché la totalité des élus de l'opposition de voter “pour” le texte à l'époque.
 
Depuis, le haut-commissaire a contesté la loi du Pays devant le Conseil d'État. Dix autres recours distincts ont également été déposés, reposant notamment sur de fameux exemples de “ventes bloquées” par la procédure. Pour y remédier, la majorité a donc choisi d'introduire un amendement, le 24 juin dernier en commission de l'économie, à un texte portant modification du code des impôts qui sera examiné ce jeudi en séance à l'assemblée. C'est l'élu Tapura, Antonio Perez, qui est à la manœuvre sur cet amendement. Il propose de repousser l'entrée en application du texte au “1er janvier 2023”. Un amendement qui a reçu un avis favorable, là-aussi à l'unanimité des élus de la majorité et de l'opposition… Deux mois après un vote unanime, le rétropédalage l'est donc tout autant.
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mardi 5 Juillet 2022 à 21:02 | Lu 5496 fois