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Le Pays injecte 282 milliards de francs dans les îles en cinq ans


Tahiti, le 8 octobre 2023 - Pour la première fois, la Chambre territoriale des comptes (CTC) s'intéresse aux îles éloignées. Elle vient de rendre son rapport d'observations définitives sur la territorialisation des aides du Pays par archipel entre 2017 et 2021. Malgré un travail de recensement compliqué, la CTC estime à 282 milliards de franc l'ensemble des aides et financements en faveur des archipels sur cinq exercices. Les Tuamotu-Gambier, les Australes et les Marquises sont les mieux dotés, mais la décentralisation n'est pas encore pour demain.
 
C'est une première. La Chambre territoriale des comptes (CTC) a choisi de dresser le panorama des financements et aides en faveur des archipels éloignés de Tahiti ainsi que leur poids financier. Le choix du “périmètre pertinent de ce contrôle est en lui-même un enjeu tant les aides versées sont diverses”, note la CTC. En effet, certaines aides du Pays transitent par les communes dans les archipels et d'autres sont mises en place dans le cadre d'un partenariat État-Pays.
 
Entre les opérations réalisées directement par le Pays et les subventions accordées aux communes au titre de cofinancement d'opérations, et le fonds intercommunal de péréquation (FIP), les cinq archipels se partagent un gâteau de 282 milliards de francs sur cinq exercices (entre 2017 et 2021).
 
Une part de “l'ordre de 49 milliards – soit 30% du montant des opérations en investissement retenues par la CTC – est identifiée ‘pour tous’, la collectivité n'ayant pas été en mesure d'en communiquer la répartition par archipel”, souligne la Chambre qui recommande d'ailleurs vivement au Pays “de s'engager dans la voie de l'amélioration de la traçabilité des dépenses mobilisées au profit des archipels”.
 
Les Tuamotu-Gambier les mieux aidés
 
Malgré tout, la CTC est parvenue à appréhender les volumes financiers en jeu et estime que sur ces 282 milliards, 140 milliards de francs ont été consommés en matière d'investissement sur la période 2017-2021, 88,7 milliards au titre du FIP et 55,3 milliards au titre des dispositifs en matière de fonctionnement.
 
Au niveau de la ventilation de ces crédits par archipel, la juridiction administrative constate que “les archipels éloignés, faiblement habités, sont proportionnellement bien dotés même si des disparités demeurent”. C'est ainsi que le montant total des aides au bénéfice d'un habitant des îles Sous-le-Vent est supérieur de 33% à celui d'un habitant des îles du Vent, 102% aux Australes, 172% aux Marquises, et 173% aux Tuamotu-Gambier.
 
Le soutien financier du Pays pour les archipels s'oriente principalement vers la réalisation des routes, ports, aéroports et des voies de communication numérique, et le concours direct aux investissements communaux s'élève à 7,4 milliards de francs sur la période examinée (dont 36% pour les Tuamotu-Gambier). Une grosse part du FIP (74%) a quant à elle été consacrée aux constructions scolaires à hauteur de 11 milliards et demi de francs.
 
Coprah, évasans et fret maritime
 
Concernant les “dispositifs spécifiques” observés par la Chambre, notons le soutien à la filière coprah qui représente 8,4 milliards de francs entre 2017 et 2021, 5 milliards de francs pour la prise en charge du fret maritime de certains produits, 10 milliards pour la prise en charge des évasans inter-îles (réglées par la CPS aux prestataires) et 10 milliards également pour les mesures de soutien à l'emploi dans les archipels.
 
La décentralisation prônée et souhaitée par les différents gouvernements n'est pas pour tout de suite. En effet, “l'irrésistible attraction de la population des archipels éloignés vers Tahiti est toujours à l'œuvre en dépit des dispositifs variés et déployés par le Pays”, souligne ainsi la CTC qui fait cinq recommandations au Pays.
 
En plus d'une meilleure disponibilité et traçabilité des données évoquées plus haut, la Chambre invite le Pays à “rénover le régime actuel des aides” avec notamment un “portage interministériel (...) qui fait aujourd'hui défaut”.
 

Déficit global du solde migratoire

Ce n'est pas un scoop, les îles du Vent, et particulièrement Tahiti, concentrent l'essentiel de la population polynésienne – 74,8% au recensement de 2017 –, et donc des emplois et des services. 12,9% aux îles Sous-le-Vent, 6,2% aux Tuamotu-Gambier, 3,5% aux Marquises et enfin, 2,6% aux Australes. Cette inégale répartition de la population “a tendance à s'accentuer” ces dernières années, note la Chambre territoriale des comptes. Et ce, malgré les dispositifs incitatifs mis en place par le Pays pour que les habitants des archipels éloignés ne succombent pas au chant des sirènes de l'île de Tahiti. Plus inquiétant, “certains archipels éloignés enregistrent même un taux d’évolution négatif de leur population entre 2017 et 2022”, souligne la Chambre, notamment aux Australes (-5,3% sur cette période) et aux Tuamotu (-0,9%). Les îles du Vent, les îles Sous-le-Vent et les Marquises connaissent quant à elle une “progression relative”, avec respectivement +1,3%, +1,7% et +1,4%. C'est ainsi que “le déficit du solde migratoire global est un peu plus fort que sur la période précédente (solde négatif de 6 500 personnes)”. Malgré le retour des touristes dans nos îles, le contexte de perte d'emplois dans ce secteur pendant la crise sanitaire et le coût de la vie encore plus important dans les archipels restent des facteurs qui “entretiennent, voire risquent d'accentuer cette tendance”.

Les cinq recommandations de la CTC au Pays

1. Améliorer, dès à présent, la disponibilité des données financières relatives aux dépenses réalisées dans les archipels.
2. Favoriser, dès 2024, le portage interministériel des aides en faveur des archipels.
3. Participer, dès à présent, au renforcement de l'accompagnement des communes dans la réalisation de leurs projets d'investissement.
4. Identifier, dès 2024, des indicateurs de résultats afin de mesurer les effets des actions entreprises en matière d'offre de soins pour les publics des îles éloignées.
5. Renforcer, dès 2024, les outils destinés à l'évaluation et au suivi des aides.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Dimanche 8 Octobre 2023 à 18:59 | Lu 4473 fois