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"Le Passage du cyclone", un livre hommage à Tahiti


© Ph. Matsas / Stock
© Ph. Matsas / Stock
TAHITI, le 16 juin 2022 - Jennifer Lesieur signe un roman intitulé Passage du cyclone paru aux éditions Stock. Inspiré des quatre années passées en Polynésie alors qu'elle était encore adolescente, cet ouvrage met à mal les clichés et rend hommage aux Tahitiens et surtout aux Tahitiennes.

Pourquoi avoir voulu rédiger ce roman ? Vous avez, avant cela, signé plusieurs ouvrages, qu'est-ce qui vous a poussé à écrire Passage du cyclone ?
"Je savais depuis longtemps que j’allais écrire un jour sur la Polynésie, sans savoir sous quelle forme. De plus, c’est un thème très rarement abordé en littérature contemporaine. Mon éditrice, chez Stock, me poussait à franchir le cap du roman ; au début, je ne m’en sentais pas capable car je n’ai pas d’imagination. C’est pour ça que j’écris des biographies, ou des récits basés sur mes enquêtes de terrain. Je lui avais alors raconté les grandes lignes de ce que j’avais vu et vécu à l’époque, et mon éditrice m’a encouragée à écrire tout cela, mais du point de vue de la gamine que j’étais alors. Ça m’a permis d’avoir le recul et la liberté que permettent la fiction, tout en racontant des faits réels, que je n’ai (presque) pas eu à inventer."

Quand avez-vous vécu à Tahiti et combien de temps ?
"J’ai vécu à Tahiti de 1988 à 1992. C’est relativement court, mais 4 ans comptent double à l’âge que j’avais alors, avec ce moment ténu, crucial, de la pré-adolescence. La gamine de 10 ans qui a découvert l’île était assez différente de l’ado de 14 ans qui l’a quittée ! Retourner en métropole a été un arrachement, et j’en aurais encore plus souffert si on m’avait dit à l’époque que je n’y retournerais pas avant… 16 longues années. Depuis, j’ai effectué quatre séjours, d’abord en famille, pour un émouvant pèlerinage, puis accompagnée d’êtres chers à qui je tenais à faire partager mon amour du Fenua."

Que gardez-vous de la Polynésie à titre personnel ? Comment votre séjour ici vous a-t-il marquée ?
"Ces années tahitiennes ont été fondamentales dans ma vie. Elles m’ont façonnée, rendue hypersensible aux odeurs, aux couleurs, aux sons. Grandir à Tahiti a fait que je me suis toujours sentie, depuis, en léger décalage par rapport à la vie en métropole. J’ai un peu gardé le côté 'aita pe'a pe'a', et je sais très bien distinguer le fiu de la banale flemme ! Plus sérieusement, ce qui m’a le plus marquée en Polynésie, c’est sans aucun doute ses habitants. J’aime sans réserve ce peuple si souriant, si courageux, si généreux : Je n’ai jamais trouvé ailleurs une telle gentillesse désintéressée. Alors que derrière les sourires se cachent parfois –souvent– des souffrances, des malheurs. Aujourd’hui encore, entendre quelqu’un parler avec l’accent tahitien me serre le cœur. C’est comme si je respirais une fleur de tiare : Je suis immédiatement transportée aux antipodes, et je redeviens la gamine de 13 ans de mon roman."

Le regard posé sur la société polynésienne est celui d'une adolescente, toutefois ce regard prend de la hauteur au fil des pages, comment l'avez-vous nourri pour y parvenir ?
"En puisant dans différentes sources : certaines, intangibles, comme ma mémoire, qui reste très vive concernant cette période. D’autres, plus concrètes, consistent en de nombreuses coupures de presse que ma famille et moi avions collectées à l’époque. Les albums photo et mes journaux intimes d’alors m’ont également aidée à retrouver mon regard d’ado et des détails qui m’échappaient. J’ai approfondi les thèmes plus « adultes » par la lecture d’essais sur la société polynésienne, dont La domination des femmes à Tahiti de Patrick Cerf, et Tahiti Côté montagne de Marc Cizeron et Marianne Hienly. Sans oublier mes longues conversations avec mes contacts sur place : amis, mais aussi médecins, enseignants, psychologues."

Quel(s) message(s) avez-vous souhaité passer ?
"Dans ce roman, j’ai tenu à rectifier beaucoup de clichés qui collent à Tahiti et à la Polynésie. Oui, sa nature est paradisiaque, mais non, la vie n’y est pas toujours douce sous les cocotiers... J’ai voulu montrer que cette société extrêmement insulaire concentrait beaucoup de problèmes propres à cet isolement et à cette incompréhension venue de l’extérieur. Et puis, j’ai voulu rendre hommage aux Tahitiens, et surtout aux Tahitiennes, victimes de tant de mauvaises interprétations, alors qu’elles sont, comme je le disais, si attachantes et courageuses."

Enfin, ce roman est un peu ma lettre d’amour au Fenua, mon remerciement pour tout ce qu’il m’a offert et continue de m’offrir les rares fois où je peux y retourner. L’écrire m’a permis de partager mon lien profond à cette île à des lecteurs qui n’y sont jamais allés.
"


Quelque chose chuchote…

Tahiti est un paradis soumis à des cyclones soufflant parfois à plus de 200 km/h. Et tout le monde en a peur : peur des bourrasques qui arrachent les toits, les arbres, les voitures, le foyer soudain envolé. Cette peur n’échappe pas à la préadolescente de ce roman. Dans ce qu’elle voit et ce qu’elle entend, elle ressent cette stupeur du paradis ravagé, cette violence touchant ce peuple si attachant.

Pourtant, lorsque passe le cyclone, elle se sait protégée par son statut privilégié de métropolitaine expatriée, abritée dans une maison solide. Tout est en ordre, ses affaires de classe reposent dans sa chambre et les provisions d’eau attendent dans la cuisine. Mais quelque chose chuchote au dehors et à l’intérieur d’elle-même.



Pratique

Pour lire un extrait ou commander l’ouvrage, rendez-vous sur le site de la maison d'édition.
Disponible chez Odyssey.

Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 16 Juin 2022 à 21:06 | Lu 3633 fois