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Le Covid-19 écorne démocratie et libertés dans six pays sur dix, selon un rapport


Stockholm, Suède | AFP | mercredi 09/12/2020 - De l'Inde aux Etats-Unis, de la Chine à la Bulgarie, six pays sur dix ont pris des mesures problématiques pour les droits humains ou le respect des règles démocratiques pour combattre la pandémie, s'inquiète une organisation intergouvernementale mercredi.

Dans un rapport portant sur la quasi-totalité du monde, International Idea conclut que 61% des pays ont pris des mesures "illégales, disproportionnées, sans limite de temps ou superflues".

Si 90% des régimes autoritaires sont pris en défaut, 43% des pays considérés démocratiques sont aussi pointés du doigt par l'organisation, basée à Stockholm, spécialisée dans l'état de la démocratie dans le monde.

"Il était prévisible que les régimes autoritaires avec moins de garde-fous prennent l'excuse de la pandémie pour accroître leur emprise sur le pouvoir", affirme le secrétaire général d'International Idea, Kevin Casas-Zamora, dans un entretien à l'AFP. "Ce qui est plus surprenant est que tant de démocraties aient pris des mesures problématiques".

L'Inde occupe la première place peu flatteuse du classement mondial, avec des mesures jugées "inquiétantes" dans neuf des 22 domaines analysés (liberté de mouvement, d'expression, de la presse, etc), devant l'Algérie et le Bangladesh (huit domaines problématiques).

Suivent la Chine, l'Egypte, la Malaisie et Cuba (sept domaines). La Russie est la première nation européenne, avec six domaines d'inquiétude, tout comme l'Arabie Saoudite, la Birmanie, la Jordanie, le Sri Lanka et le Zimbabwe.

L'ONG a passé au crible les différentes mesures prises sur la planète pour déterminer si elles étaient problématiques, du seul point de vue démocratique et sans prendre en compte l'efficacité sanitaire.

Avec l'Inde, la Malaisie, la Birmanie, le Sri Lanka et l'Irak, cinq pays classés comme "démocratiques" - bien que "fragiles" - figurent dans les 15 pays les moins bien classés.

"La pandémie a été un accélérateur de tendances qui étaient en place avant le virus. Les pays fortement autoritaires dans la plupart des cas le sont devenus encore plus, et les démocraties qui faisaient face à des vraies difficultés pour maintenir l'Etat de droit et les droits de l'homme ont vu ces difficultés s'accroître", juge M. Casas-Zamora.

Dans l'Union européenne, cinq pays sont critiqués: la Bulgarie (trois domaines d'inquiétude), la Hongrie (deux), ainsi que la Pologne, la Slovaquie et la Slovénie (un).

Les Etats-Unis épinglés 

Parmi les grandes démocraties occidentales, seuls les Etats-Unis sont épinglés - dans deux domaines. Israël (cinq) et l'Argentine (2) sont également considérés comme des mauvais élèves.

Restrictions à la liberté de la presse au nom de la lutte contre la désinformation, usage excessif de la force (déploiement de militaires pour appliquer les règles, camps d'internement de personnes malades...), corruption dans les contrats d'approvisionnement en urgence ou encore incrimination des migrants dans l'épidémie figurent parmi les mesures problématiques les plus souvent rencontrées.

Dans la même ligne que le rapport, la Haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU, Michelle Bachelet, a estimé mercredi depuis Genève (Suisse) que la pandémie avait "mis à nu les fissures et les fragilités de nos sociétés" et mis à mal les droits humains.

Pour M. Casas-Zamora, le prochain défi sera désormais l'impact de la crise économique majeure en cours sur l'état de la démocratie. 

L'étude loue aussi des modèles ayant obtenu des bons résultats sanitaires tout en ayant respecté les règles démocratiques: l'Islande, la Finlande, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, la Corée du Sud, Taïwan, l'Uruguay, Chypre, le Japon, le Sénégal et la Sierra Leone.

La France, l'Italie, le Canada, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Espagne ne sont pas cités parmi les meilleurs élèves, mais ne soulèvent d'inquiétude dans aucun domaine.

L'étude réfute aussi l'idée que les pays non démocratiques auraient été plus efficaces face à la pandémie. 

"Nombre d'entre eux utiliseraient volontiers l'argument", affirme M. Casas-Zamora. "Mais pour chaque Chine, il y a une Nouvelle-Zélande, pour chaque Cuba, il y a une Finlande".

Les bons résultats sanitaires affichés par Pékin et La Havane "ont été obtenus à un coût élevé pour la démocratie et les droits de l'homme", dénonce le rapport.

Selon International Idea, 55% de la population mondiale vit actuellement dans une démocratie. Dans les 162 pays analysés, elle recense 99 démocraties, 33 régimes autoritaires et 30 régimes "hybrides".

le Jeudi 10 Décembre 2020 à 02:54 | Lu 198 fois