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Le Covid-19 change la donne sur le travail


Le texte initialement consacré au CSE, examiné à l’assemblée jeudi, instaure des mesures de sauvegarde des emplois, tout en offrant aux employeurs une flexibilité nouvelle dans la gestion du temps de travail des salariés. (Photo d'archives).
Le texte initialement consacré au CSE, examiné à l’assemblée jeudi, instaure des mesures de sauvegarde des emplois, tout en offrant aux employeurs une flexibilité nouvelle dans la gestion du temps de travail des salariés. (Photo d'archives).
Tahiti, le 25 mars 2020 - L’examen de deux dispositifs exceptionnels de sauvegarde de l’emploi et d'une mesure de flexibilité pour les employeurs dans la gestion du temps de travail des salariés, sont aussi au programme de la session extraordinaire de l’assemblée réunie en urgence jeudi pour voter le financement des mesures du plan de sauvegarde économique face à la crise du coronavirus. Précisions.
 
A la guerre comme à la guerre. Les représentants polynésiens sont convoqués en urgence aujourd’hui pour une session extraordinaire marathon de l’assemblée dont la brièveté de l’ordre du jour reflète mal la densité des textes qui doivent être examinés. 
 
A l’ordre du jour, le vote de près de 30 milliards de Fcfp  de modifications d’écritures imposées, sur le budget général de la collectivité et sur celui de la troisième institution du Pays, par le financement du plan de sauvegarde économique décidé en urgence, il y a moins d’une semaine, pour amortir les effets de la crise du coronavirus sur les emplois, la cohésion sociale et les entreprises polynésiennes. Une part importante de ce collectif budgétaire doit concerner le financement du Revenu exceptionnel de solidarité. Cette allocation de 100 000 Fcfp mensuels pour une durée ne pouvant excéder trois mois est destinée à offrir un revenu aux salariés en suspension de travail et aux patentés dont l’activité est arrêtée suite aux mesures de confinement général imposées depuis le 21 mars.
 
Les circonstances étant celles d’une crise qui s’annonce profonde, l’ordre du jour prévoit aussi l’examen d’un texte visant à instaurer des mesures de sauvegarde et de sécurisation des emplois, tout en offrant aux employeurs une flexibilité nouvelle dans la gestion du temps de travail des salariés. 
 
La donne changée par amendements 
 
Pour ce dernier texte, l’essentiel du contenu a été introduit sous forme d’amendements au projet de loi portant modification du Contrat de soutien à l’emploi (CSE), mardi. Dans sa mouture originelle avant la crise, ce projet de loi s’intéressait exclusivement à des aménagements sur le CSE. Il avait été présenté aux partenaires sociaux, débattu et approuvé à l’occasion de la Concertation globale tripartite réunie le jeudi 16 janvier dernier. Deux semaines plus tôt, début mars, le Conseil économique, social, environnemental et culturel avait émis un avis favorable unanime sur ce projet de loi du Pays. Mais les conseillers du Cesec n’auront pas eu l’opportunité de l’examiner dans toute sa plénitude. Notamment concernant la flexibilité nouvelle donnée aux employeurs, dans le cadre de la gestion du temps de travail salarié.
 
Mardi, ce projet de loi s’est en effet forgé une nouvelle portée à la faveur de neuf amendements adoptés à l’unanimité par les élus de la commission de la santé, de la solidarité, du travail et de l'emploi. Le projet de loi intègre dorénavant aussi deux mesures phares destinées à préserver l’emploi des Polynésiens dans la perspective d’une crise économique post crise sanitaire, et en tout état de cause en cas de “circonstances exceptionnelles”.  

Nouvelles mesures de sauvegarde de l’emploi

  • Dispositif Exceptionnel de Sécurisation de l’Emploi (Diese)
Le Diese a pour objectif de garantir à chaque salarié un revenu minimum mensuel, en cas de diminution du temps de travail imposée par l’employeur. Jusqu’à 50% de réduction du temps de travail, les modalités de prise en charge seront identiques à celles de la CSE.
Durant cette période exceptionnelle, le Pays compensera la perte de revenu subie par le salarié, dans la limite d’un montant et des conditions fixés par arrêté sur la base d’un temps plein. Pour les salariés à temps partiel, la compensation sera calculée au prorata du temps de travail effectif du salarié.
La compensation financière versée au titre du Diese sera versée par l’employeur au salarié à la date normale de paie.
 
  • Dispositif Exceptionnel de Sauvegarde de l’Emploi des Travailleurs Indépendants (Deseti)
Le Deseti est conçu pour venir en aide aux travailleurs indépendants contraints de cesser temporairement leur activité du fait de circonstances exceptionnelles. 
Il prendra la forme d’une aide forfaitaire mensuelle dont le plafond et les modalités de versement seront précisés par un arrêté pris en Conseil des ministres.

​Nouvelles souplesses sur le temps de travail

L’article 8 introduit par amendement au projet de loi sur la Convention de soutien à l’emploi donne, pour les deux prochaines années, une flexibilité nouvelle aux employeurs dans le cadre de la gestion du temps de travail. Le projet de texte stipule : “En raison des circonstances exceptionnelles résultant de la crise sanitaire liée au covid-19, l’application des dispositions de l’article Lp. 3332-6 du code du travail est suspendue pour une durée de deux ans (…).” Cet article Lp. 3332-6 encadre le paiement des heures supplémentaires et interdit leur remplacement par une prime, majoration sur salaire forfaitaire ou autres accessoires de rémunération ou avantages en tenant lieu.
La mesure de suspension pour deux ans de cette interdiction est justifiée “afin de favoriser la conclusion d’accords de répartition de la durée du travail sur tout ou partie de l’année”. Cette flexibilité nouvelle pour la répartition du temps de travail est donnée aux employeurs sans qu’il s’agisse pour autant d’une modification du contrat de travail, pour les salariés à temps complet. 
 
Mais l’accord “doit avoir pour objet de limiter les difficultés économiques rencontrées par l’entreprise du fait de la crise sanitaire liée au covid-19 et de permettre un maintien total ou partiel des niveaux de rémunération des salariés pendant la durée d’application prévue par l’accord”, souligne aussi le projet de texte. “Cet accord est conclu à tout moment à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi et pour une durée qui ne peut excéder deux ans.” et “Pendant la période de suspension de l’application des dispositions de l’article Lp. 3332-6 du Code du travail, la mise en place par accord d’un dispositif de répartition de la durée du travail sur tout ou partie de l’année ne constitue pas une modification du contrat de travail pour les salariés à temps complet.”

​Le CSE devient la Convention de soutien à l’emploi

Depuis 2014, le Contrat de soutien à l’emploi (CSE) permet à la Polynésie française de compenser partiellement la perte de salaire subie par un travailleur du fait de la réduction de son temps de travail. 
Ce dispositif est rebaptisé Convention de soutien à l’emploi. Il conserve son objet premier qui est d’offrir aux entreprises en difficultés, avec un accompagnement financier du Pays, une alternative aux licenciements pour motif économique, lorsqu’elles sont contraintes de réduire le temps de travail de leurs salariés, compte tenu d’une conjoncture économique ou d’un sinistre à caractère exceptionnel.
Dans ce cas, la réduction du temps de travail (RTT) ne peut être supérieure à 50% ou ni réduire l’activité du salarié à moins de 80 heures par mois. L’intervention du Pays est limitée à 20% de la RTT et le montant de la CSE est plafonné 61 165 Fcfp.
 
Jusqu’à présent, la CSE était conclue pour une durée de trois mois entre l’employeur et le service de l’emploi, de la formation et de l’insertion professionnelles (Sefi), et renouvelable jusqu’à deux ans maximum. 
 
La durée des conventions est allongée de trois à six mois renouvelables avec la possibilité de les renouveler pendant trois ans au lieu de deux actuellement.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 25 Mars 2020 à 18:07 | Lu 10059 fois