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Le Conseil d'Etat appelé à rétablir le droit de manifester, "angle mort" du déconfinement


Paris, France | AFP | jeudi 11/06/2020 - "Le droit de manifester n'est pas un luxe" : des syndicats, dont la CGT, ainsi que la Ligue des droits de l'Homme (LDH) ont demandé jeudi au Conseil d'Etat de rétablir en urgence cette liberté fondamentale, toujours suspendue pour cause d'épidémie, alors que le pays poursuit son déconfinement.

"On explique aux Français qu'ils peuvent aller au café et à la messe, mais pas manifester. C'est difficilement compréhensible", déplore l'avocat de la LDH Patrice Spinosi. "Même les parcs d'attraction ont rouvert. Aujourd'hui c'est le Puy du Fou !", renchérit Michaël Ghnassia, qui défend SOS Racisme.

Depuis la fin du confinement le 11 mai, les Français ont retrouvé en partie leur vie d'avant l'épidémie, mais ne peuvent toujours pas se rassembler à plus de dix.

Le décret du 31 mai le réaffirme: "Tout rassemblement, réunion ou activité sur la voie publique (...), mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes, est interdit sur l'ensemble du territoire de la République". 

C'est une "interdiction générale et absolue" de manifester, s'insurge Me Paul Mathonnet, qui représente les syndicats CGT, FSU, le Syndicat de la magistrature (SM) et le Syndicat des avocats de France (SAF). Or "le droit de manifester n'est pas un luxe. Il est au centre de la vie démocratique", plaide-t-il.

"Un piquet de grève à douze est interdit. A dix, il ne l'est pas", répond le représentant du gouvernement, Charles Touboul, directeur des affaires juridiques au ministère de la Santé. "On s'est posés la question le 31 mai de maintenir cette jauge de dix. Mais elle était absolument indispensable".

On est dans "le dernier carré des interdictions", ajoute Charles Touboul. Le gouvernement doit trouver, dit-il, "l'équilibre le plus juste" entre le respect des libertés et la situation sanitaire. 

Il demande au Conseil d'Etat "quelques jours" : le président Emmanuel Macron doit s'adresser aux Français dimanche. "Tout ça va être réexaminé, vraisemblablement dans le sens de l'allègement", déclare le représentant du gouvernement. "La temporalité est commandée par le rythme de l'épidémie".

"Une situation absurde"

Sans attendre la levée de l'interdiction, des rassemblements ont eu lieu aux quatre coins de la France. Mais des manifestants ont été verbalisés, déplore Me Mathonnet. 

Mardi, quelques milliers de personnes étaient rassemblées à Paris en mémoire de Georges Floyd, cet Afro-Américain tué par un policier blanc à Minneapolis. Mais quelques heures avant, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait expliqué que bien qu'interdite, cette manifestation serait tolérée et ne donnerait pas lieu à des "sanctions". 

"C'est une situation absurde", dénonce Me Spinosi, pour qui "Il faut que le droit soit dit". Les sanctions "sont appliquées dans des conditions totalement arbitraires", critique aussi Me Mathonnet.  

Pour ces avocats, qui ont saisi le Conseil d'Etat en urgence, il ne faut plus attendre pour rétablir le droit de manifester, qui est selon l'avocat de la CGT, "l'angle mort de sortie du confinement". "En cette période, cela arrange plutôt le gouvernement que les manifestations soient interdites", note Me Spinosi.

Or les gestes barrière pourraient tout à fait être respectés dans les cortèges, selon eux. 

Paul Mathonnet note d'abord "un énorme avantage" : les manifestations ont lieu en plein air, ce qui réduit le risque de propagation. Il faut, suggère-t-il, choisir des lieux suffisamment grands. "Des habitudes, comme la banderole de tête, peuvent être supprimées" pour maintenir la distance entre les manifestants.   

"Le rôle des organisateurs est essentiel", poursuit l'avocat. Ils peuvent encourager le port du masque, en mettre à disposition. "Il n'y a pas plus risques que dans les parcs ou les rues commerçantes", affirme-t-il.  

Mais le représentant du gouvernement continue de mettre en garde. "Il y a un effet de masse : vous ne pouvez pas tout contrôler", dit-il aux requérants. "On est face à un virus, pas face à des casseurs. Un contact de quelques secondes, c'est un cluster". 

Le Conseil d'Etat rendra son ordonnance "au plus tard en tout début de semaine prochaine".

le Jeudi 11 Juin 2020 à 05:13 | Lu 170 fois