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Le Cluster maritime attend les premières décisions


Tahiti, le 7 août 2023 - Une note de synthèse publiée par le Cluster maritime, intitulée “L'économie maritime en Polynésie française : Levier de transition et enjeu culturel” a été livrée le mois dernier. Cette dernière a été rédigée peu de temps avant la tenue des élections territoriales d'avril dernier.
 
 
Le rapport de 57 pages, écrit sous la coordination de Meti slab, du Nimec, de la Normandie Business School, de l'IUT d'Evreux et de l'Université de Rouen, revient sur les projets qui pourraient être portés, et surtout qui pourraient être porteurs, autour de l'océan en Polynésie française.
“La Polynésie française pourrait aujourd’hui proposer une vision unifiée du développement de l’économie bleue, déclinée segment par segment et s’appuyant sur une planification spatiale maritime” à l’échelle de sa zone économique exclusive, estime la note de synthèse. “L’attention doit être portée à la préservation des espaces, à la résilience au changement climatique et à la durabilité d’activités ayant pour priorités l’emploi et la montée en compétences des populations ainsi que le maintien des populations dans les îles. Un tel modèle pourrait, par son exemplarité, rendre plus visibles les enjeux maritimes et valoriser, depuis l’Océanie, un modèle de développement inédit, significatif et inspirant”, poursuit l'auteur.

Agrandir le port

Après une longue présentation de la spécificité polynésienne en matière d'économie bleue (statut, décisions gouvernementales autonomes, etc.), la note de synthèse entre un peu plus en avant dans les propositions faites par le passé et que le Cluster maritime souhaite voir mises en œuvre.
Sur le transport international, cette note de présentation revient sur une évidence : “La destination Polynésie française, dépendante des importations, isolée au milieu du Pacifique et non stratégique pour les grandes compagnies maritimes, doit s’adapter à l’évolution du secteur.” À ce sujet, le Custer maritime rappelle l'importance pour le Port de Papeete de s'agrandir au risque de voir la destination se transformer en route secondaire pour les approvisionnements, mettant en péril la stratégie hôtelière. Le port doit aussi anticiper, selon la note, l'évolution des nouveaux carburants comme le GNL, le biofioul, le méthanol ou encore l’hydrogène, un sujet si cher à Oscar Temaru.

En retard sur la Calédonie

Du point de vue de l'investissement, comme pour de nombreux secteurs, l'économie bleue a pris un coup d'arrêt pendant les années Covid. Pour les constructeurs de bateaux, par exemple, la gestion de l’augmentation et la volatilité du prix des matières premières liée à la crise économique et aggravée par la guerre en Ukraine, principal fournisseur d’acier, sont problématiques. “Pour les unités commerciales, ces facteurs, auxquels s’ajoutent la lenteur du traitement des dossiers de défiscalisation nationale au titre de l’investissement productif, peut constituer un frein dont l’importance n’est pas réellement évaluée”, explique le rédacteur.
De plus, le pôle polynésien de réparation navale n'a pas dépassé la phase études, tandis que la Nouvelle-Calédonie a déjà entamé la mise en place de ce même projet. La question du renouvellement est posée régulièrement depuis 2007. Mais la question tourne en rond depuis que la CCISM a proposé d'y faire un pôle d'activités maritimes pour que finalement, le projet d'un dock flottant de 12 000 tonnes s'impose. D'études en demandes, le projet n'a toujours pas abouti, la faute à un désaccord avec la Marine nationale sur la proximité stratégique de l'emplacement privé. Ce ne sont pas les effets de la constitution de l'axe indo-pacifique qui vont améliorer les choses.

L'alternance et l'attente

Dans les conclusions de sa note de synthèse, le Cluster maritime de Polynésie française exprime ses attentes et ses craintes. La question de la gouvernance demeure centrale. L’alternance politique actée par le résultat des élections territoriales d’avril 2023 (…) n’offre pour l’instant pas de visibilité quant à la poursuite des programmes engagés ces dix dernières années. Les urgences liées à la résilience au changement climatique, au développement durable et au progrès social des Polynésiennes et des Polynésiens demeurent cependant, de même que le potentiel de l’économie bleue en leur faveur, sur un merritoire aussi vaste que l’Europe.”
Problème : le gouvernement ne comporte pas de ministre dédié à l'Économie bleue ou à la mer. Moetai Brotherson est ministre du Tourisme, Éliane Tevahitua est ministre de l'Environnement, Taivini Teai, après avoir été ministre du Secteur primaire est devenu ministre de l'Agriculture, et Jordy Chan est ministre des Transports maritimes.

 
La croisière, ça use
 
Pourtant très décrié par les haters fantômes de l'absurditosphère sociale, le tourisme de croisière lui aussi rebondit en Polynésie. La note du Cluster maritime souhaite que cette dynamique se poursuive. “La perception individuelle du tourisme en paquebot et le prisme déformant des réseaux sociaux, très employés en Polynésie française, ont ces dernières années pris le pas sur l’impact réel du secteur, qu’il convient d’évaluer de manière réaliste, sinon pragmatique”, explique la note de synthèse en forme de petit tacle aux élus de tous bords, souvent plus prompts à bercer l'électeur qu'à regarder la réalité du terrain.
“Largement décrié pour son impact environnemental, le secteur de la croisière s’inscrit dans le cadre et les réglementations du transport maritime international. Ce dernier est responsable, au niveau mondial, de 3% à 4% des émissions de gaz à effet de serre, soit autant que le numérique ou l’aérien, et significativement moins que le transport routier”, rappelle à ce titre la note.
"Malgré une volonté affichée du gouvernement de Polynésie de limiter l’accueil des paquebots aux unités embarquant maximum 3 500 passagers, aucune loi n’a été soumise au vote de l’assemblée de la Polynésie française sur ce point”, souligne aussi le Cluster.

Le problème de la FEPSM
 
Parent pauvre du sauvetage en mer, la Fédération d'entraide polynésienne de sauvetage en mer est définie dans la note de synthèse comme souffrant “d'un découragement progressif de ses bénévoles et d'un manque de moyens financiers”. En effet, les pêcheurs portant secours en mer ne bénéficient d’aucune assurance de leur personne ni de leur matériel pour leur engagement, ni de compensation pour la perte d’exploitation sur une journée de pêche à l’exception du remboursement du carburant. “La station de Raiatea, dans les îles Sous-le-Vent, a ainsi fermé en 2022, faute de volontaires restants”, rappelle le rédacteur de la note.
La FEPSM a entrepris la rédaction d'un livre blanc afin de faire connaître ses revendications et ses besoins en matière de sauvetage en mer.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Lundi 7 Août 2023 à 19:22 | Lu 2464 fois