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Le COSR tarde à rendre sa copie


Tahiti, le 22 juillet 2020 - Tenu de livrer son rapport annuel sur l'évolution du système de retraite, le COSR, créé il y a tout juste un an, n'a pas pu honorer la deadline fixée au 15 juin dernier. Pour sa défense, le conseil évoque le confinement, le manque de moyens d'investigation et la difficulté à se procurer des données chiffrées.

Même pas un an et déjà du plomb dans l'aile. Créé en mai 2019, sous l'insistance des partenaires sociaux, le Conseil d’orientation et de suivi des retraites (COSR) peine à livrer son premier rapport annuel et public sur l'évolution du système de retraite. Chargé de surveiller l'évolution des régimes de retraites, le COSR cristallisait déjà certaines des plus vives revendications des syndicats de salariés pendant le vote de la réforme. Et il avait ensuite vu le jour, l'an dernier, sur fond de lutte de pouvoir. Sa première présidente, Manuia Maiti, ayant été poussée à démissionner au profit du syndicaliste de A Ti'a i Mua, Dimitri Pitoeff, trois jours après son élection. Tenu de rendre sa copie avant le 15 juin - comme le veut la loi de pays portant réforme des retraites -, le COSR a demandé ces derniers jours au ministère de la Santé une rallonge de quelques mois. Autorisation accordée, mais jusqu'au 1er septembre.

"Absence de moyens"

Une deadline qui sera cette fois honorée, assure-t-on au COSR, mais qui portera essentiellement sur l'exercice 2019. C'est-à-dire avant l'arrivée de la crise sanitaire. "Il va nous manquer des données actualisées sur les derniers mois, nous n'avons pas de visibilité à 2021 pour faire des prévisions", se défend Dimitri Pitoeff, président de l'instance permanente, chargée d'élaborer des projections au moins tous les cinq ans. Voilà pourquoi le COSR envisage de produire un "complément", malgré "l'absence de moyens d'investigation humain et matériel". "On ne nous facilite pas la vie", déplore le président du conseil. "Vous ne créez pas un service qui a une mission de prévision et d'analyse, sans lui donner un minimum de moyens." Dimitri Pitoeff réclame notamment un chargé d'étude, une secrétaire, un bureau, un ordinateur, l'accès à internet et une salle de réunion attitrée.

Mais à ce problème de moyens s'est ajoutée l'arrivée de la Covid-19. Le confinement a mis un coup d'arrêt aux réunions de travail. Ce que le Pays concède. En revanche, sur la question des moyens, "l'excuse" laisse perplexe. Du côté du Pays, on rappelle que le secrétariat du COSR est non seulement assuré par l'Agence de régulation de l'action sanitaire et sociale (Arass), mais que le conseil est libre de se servir dans les bases de données de la CPS et de solliciter ses équipes techniques. Le Pays cite notamment la contribution le 16 juin dernier de la Caisse à ce rapport annuel : "des prévisions d'atterrissage de la branche retraite pour l'année 2020, et des "projections pour l'année 2021".

"Vieilles querelles"

Aucun doute pour le Pays, la base de données de la CPS et son logiciel de paramétrage devraient suffire à faire ne serait-ce qu'un "diagnostic factuel". Reste à se mettre d'accord autour d'un projet commun. Le Pays renvoyant ainsi la balle dans le camp des partenaires sociaux, pointant du doigt de "vieilles querelles" au sein du COSR. Dimitri Pitoeff reconnaît un clivage entre les anti et les pro réforme… En attendant, l'horloge tourne.


​Dimitri Pitoeff, président du COSR : "La CPS nous a fourni des éléments, mais pas ceux qu'on a demandés"

Le COSR livrera son rapport en septembre au lieu de juin, comment justifier un tel retard ?

"Depuis début mars, nous n'avons pas eu de réunion. Le COSR a été créé en mai 2019, mais il a fallu attendre février pour avoir un bureau, et le mois suivant il y a eu le confinement qui a duré deux mois. En parallèle, on attend toujours un certain nombre de documents de la CPS."

Le Pays pourtant assure que la CPS vous a déjà transmis un grand nombre d'éléments ?

"Non, la CPS nous a fourni des éléments mais pas ceux qu'on a demandés. On a demandé des documents en format Word pour modifier les présentations, nous avons reçu trois documents en PDF, que voulez-vous qu'on en fasse ? L'arrêté de fonctionnement du COSR ne prévoit même pas qu'il a la capacité de demander les chiffres qu'il veut à la CPS, à l'ISPF, à l'IEOM, ou aux services fiscaux. Nous n'avons pas ce pouvoir réglementaire et on l'a demandé. La réponse qu'on nous donne c'est "l'ARASS a cette capacité, elle assure le secrétariat, débrouillez-vous"."

En tant qu'administrateur de la CPS, n'avez-vous pas déjà accès à ces données ?

"Le COSR n'a pas la capacité par lui-même d'accéder aux infos de la Caisse, il a fallu une instruction du ministre et l'accord du CA pour que la CPS nous donne des chiffres. Il y a une sorte d'étanchéité entre la CPS et le COSR."

On refuse de vous donner les chiffres ?

"Ce n'est pas qu'on refuse de nous donner les chiffres, c'est que ce n'est pas prévu dans les textes. C'est pareil pour les moyens. On a un ordinateur mais on n'a pas internet, ni de téléphone. J'ai donc écrit au ministre pour lui demander des moyens. Il m'a rappelé que la loi de pays prévoit que l'ARASS assure le secrétariat. Alors certes elle assure le secrétariat des séances plénières, mais c'est tout.
De plus on n'a pas de moyen de travailler, donc c'est très compliqué. Nous n'avons même pas de salle attribuée. Il y en a une à l'ARASS, mais elle n'est pas toujours libre et quand elle l'est, il faut demander l'autorisation."


Pourquoi ne pas solliciter les moyens humains et techniques de la CPS ?

"On ne met pas à notre disposition les données recueillies par les services, c'est à nous de faire des demandes calibrées, précises, à laquelle ils répondent comme ils l'entendent. Les membres du COSR ne sont pas des techniciens, ni des statisticiens. Sur la base de quoi peuvent-ils monter un tableau ? J'ai demandé à la CPS de me communiquer les départs en retraite, avec tous les cas. Ceux qui sont en tranche A mais qui cotisent en tranche B, ceux qui ont bénéficié de la retraite anticipée pour travaux pénibles, les reversions… Je n'ai pas tout ça ! On nous a donné des tableaux bruts et dit de nous débrouiller."
 

Rédigé par Esther Cunéo le Jeudi 23 Juillet 2020 à 10:35 | Lu 1825 fois