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Le BTP résiste à la crise et appréhende 2021


Tahiti, le 11 janvier 2021 - Si selon le dernier bulletin de l'ISPF tous les indicateurs du BTP sont au vert en 2019, le secteur soutenu par le plan de relance semble avoir absorbé le choc de la crise en 2020, mais appréhende 2021 avec méfiance. Les professionnels s'interrogent notamment sur les capacités de financement des commandes publiques, face à la baisse des recettes fiscales.

"Il faut le dire, 2020 n'a pas été si catastrophique que ça pour nous" insiste Heirangi Nouveau, directeur général de Interoute et président de la chambre syndicale du Bâtiment et travaux publics (BTP). Bien conscients que le secteur n'a pas autant souffert que le tourisme, le transport ou la perle, les professionnels refusent de vouloir faire pleurer dans les chaumières. Au contraire, on affiche même une certaine reconnaissance envers les autorités, dont les efforts dans le cadre du plan de relance ont permis de limiter la casse.

"Le bâtiment pur et le second œuvre se sont maintenus, parce qu'il y a des programmes de soutien et une certaine inertie" abonde Thierry Chansin, président de la chambre syndicale des entrepreneurs (CSE) du BTP. Le guide de sécurité sanitaire pour les activités de construction diffusé par la présidence avait déjà permis aux entreprises de retrouver rapidement le chemin des chantiers. "On a pu reprendre deux semaines après le début du confinement grâce au guide, ce qui nous a permis de ne pas arrêter complètement" indique son homologue du secteur public.


57,8 milliards de chiffre d'affaires en 2019

La prospérité des années précédentes a notamment permis d'amortir le choc à venir. "Depuis 2012, la croissance s'est confortée d'année en année, portée par une volonté politique de développer la commande publique, ce qui a permis de tirer derrière les projets privés qui, à cette époque, ont engagé des études" poursuit Heirangi Nouveau. Faisant ainsi "tâche d'huile", la dynamique a débouché, selon les professionnels du secteur, sur les chiffres merveilleux de 2019, avec un chiffre d’affaires de 57,8 milliards de Fcfp, en hausse de 6,4 % par rapport à l’année précédente selon le dernier bulletin de l'Institut de la statistique de Polynésie française (ISPF).

En lien avec la progression de l’activité, l’emploi avait également marqué une progression de 7% sur un an, s’établissant à 4 993 salariés. Les mandatements avaient atteint 19,4 milliards de Fcfp, répartis pour 52% en produits des travaux publics et 48% en produits du bâtiment. Enfin, le montant des importations des principaux matériaux de construction avait atteint 36,6 milliards de Fcfp, soit 19% du total des importations courantes de l’année.

Mais la perturbation des ports et des aéroports provoque depuis l'année dernière des ruptures d'approvisionnement en matériaux. "C'est un problème mondial qui nous touche particulièrement parce qu'en Polynésie, on est loin de tout" déplore le responsable. L'impact sur les chantiers a d'ailleurs poussé les professionnels à réfléchir à des pistes, comme celle de prolonger les délais de livraison des chantiers.


"Entre la théorie et la pratique, il y a souvent un décalage"

Ce n'est pas tout. Dépendant de la commande publique, le secteur doute également des capacités de financement du gouvernement en 2021 et 2022 face aux "baisses avérées des recettes fiscales" en 2020.

"Moteur de la relance à court terme" pour reprendre les termes d'Édouard Fritch, président du Pays, le BTP avait fait l'objet d'une attention particulière en juillet dernier. Le gouvernement avait alors détaillé les chantiers en cours et à venir, annonçant 21 à 30 milliards de liquidations de là à la fin de l'année 2020. "Le gouvernement a listé pas mal d'opérations qui donnent une lueur l'espoir au secteur. La crainte est plus au niveau de la manière et de la vitesse de déploiement, parce qu'entre la théorie et la pratique, il y a souvent un décalage" nuance Thierry Chansin. Dans les rangs du Medef, la question est sur toutes les lèvres : le gouvernement aura-t-il les moyens de ses ambitions ?

"Pour 2021 on n'est pas dans le catastrophique, ni dans la réjouissance" commente le président de la CSE du BTP. Par ailleurs, les professionnels ont bien intégré le caractère imprévisible du Covid qui contraint les autorités, et de manière générale tous les secteurs, à piloter à vue. "Rien que pour la route du Sud, on a eu 36 000 versions annoncées, pour ne finalement pas se faire... Au final, dans trois mois, ça se fera peut-être" ironise le responsable.


Rédigé par Esther Cunéo le Lundi 11 Janvier 2021 à 19:11 | Lu 15437 fois