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La situation papoue inquiète la communauté internationale


La situation papoue inquiète la communauté internationale
PORT-MORESBY, vendredi 25 mai 2012 (Flash d’Océanie) – La communauté internationale, dont l’Australie et le Commonwealth, a exprimé jeudi ses vives préoccupations concernant une nouvelle poussée de tensions en Papouasie-Nouvelle-Guinée, marquée ces dernières heures par l’arrestation, dans des circonstances trouble, du Président de la Cour Suprême, Salamo Injia.
Ce magistrat, qui avait participé en début de semaine à un pane ayant une seconde déclarée anticonstitutionnelle l’élection du Premier ministre actuel, Peter O’Neill, en remplacement de Sir Michael Somare, a été pris pour cible jeudi, dans les locaux de la Cour, par une dizaine de policiers et de soldats, menés par le Vice-Premier ministre papou, Belden Namah.
Ce dernier, à la tête de ce groupe, a fait irruption dans le bâtiment en vociférant à la vue du magistrat, rapporte la radio nationale.
Il était environ 14 heures et nous attendions le juge dans l’une des salles d’audience. C’est alors que nous avons entendu quelqu’un hurler à l’extérieur et nous nous sommes précipités dehors pour voir. Il s’agissait de policiers et de soldats, armés, dans les couloirs et la personne qui hurlait, c’était Belden Namah. Il hurlait (à M. Injia) ‘Je t’avais donné vingt quatre heures et maintenant ton temps est écoulé. Sors de là ! ‘ », a raconté jeudi un avocat qui déclare s’être trouvé sur les lieux.
M. Injia, qui avait d’abord réussi à trouver refuge dans ses bureaux, a finalement été interpellé, après deux heures de négociations menées de part et d’autre de la porte de son bureau.
S’en sont suivie plusieurs heures d’ « audition » et la relaxe du magistrat, sous caution, en attendant une comparution à venir et annoncée pour vendredi 25 mai 2012.
M. Injia devrait comparaître pour être notifié de chefs d’accusation de « sédition ».
Depuis un premier verdict similaire rendu en décembre 2011 par la Cour Suprême, l’appareil judiciaire papou et M. Injia en particulier ont fait l’objet d’attaques répétées de la part du gouvernement O’Neill, qui parle de « biais » et de non-respect du principe de séparation des pouvoirs.

Face à cette situation, les réactions les plus immédiates sont venues, jeudi d’Australie, où le ministre des affaires étrangères, Bob Carr, déclarait par voie de communiqué s’être entretenu avec toutes les parties en présence (y compris son homologue papou Ano Pala), en leur demandant de faire preuve de « retenue ».
Première priorité, selon lui : que ces nouvelles évolutions, sur fond d’instabilité, ne remettent pas en cause la tenue d’élections législatives, prévues pour à partir du 23 juin 2012.
« L’Australie demeure pleinement engagée pour venir en aide à la Papouasie-Nouvelle-Guinée dans le cadre de la préparation et de la tenue des élections », souligne M. Carr.
Julia Gillard, Première ministre australienne, déclarait aussi jeudi dans la soirée s’être entretenue avec son homologue Peter O’Neill pour renforcer le message de son chef de la diplomatie et appeler à son tour à la retenue.
Le ministère australien des affaires étrangères, dans son dernier avis (réactualisé vendredi 25 mai 2012) aux ressortissants résidant ou désireux de se rendre en Papouasie-Nouvelle-Guinée,
http://www.smartraveller.gov.au/zw-cgi/view/Advice/Papua_New_Guinea
appelle à la plus grande vigilance en raison des « tensions accrues » dans la capitale Port-Moresby.
Cet avis demande en particulier aux Australiens de ne pas circuler dans les quartiers riverains de la Cour Suprême et du Parlement.

De Londres, un autre appel est aussi venu, émanant cette fois-ci du Commonwealth, dont le Secrétaire Général Kamalesh Sharma a pour sa part appelé à la retenue, mais aussi exhorté les parties en présence à « respecter l’état de droit » en Papouasie-Nouvelle-Guinée pour faire en sorte qu’une « résolution paisible et constructive à la situation actuelle soit trouvé à travers des processus démocratiques et légaux ».
« L’état de droit, la gouvernance constitutionnelle et démocratique sont des valeurs fondamentales du Commonwealth qui doivent être préservées en Papouasie-Nouvelle-Guinée », a-t-i ajouté.
Depuis l’arrestation de Salamo Injia, par ailleurs, vendredi matin (heure locale, GMT+10), un autre groupe d’une vingtaine de policiers s’est posté devant le Parlement, en interdisant désormais l’entrée, rapportent les médias locaux.
Fred Yakasa, qui, du point de vue de Sir Michael Somare, est le chef de la police, a néanmoins démenti être à l’origine de ce déploiement, tout en admettant que les policiers concernés appartient bien à « son » groupe.
L’objectif de cette manœuvre serait d’interdire l’suage de l’Assemblée jusqu’après la tenue des élections législatives.
Sir Michael Somare, père de l’indépendance papoue, débarqué de son siège de Premier ministre le 2 août 2011 par Peter O’Neill, ne semblait pas avoir réussi mercredi à reprendre son poste de chef de l’exécutif, malgré une seconde décision de justice prononcée la veille par la Cour Suprême de cet État mélanésien.
Lundi 21 mai 2012, la Cour Suprême, réunie une seconde fois sous la Présidence de Sir Salamo Injia pour statuer sur cette affaire, a déclaré anticonstitutionnelle et par conséquent « nulle et non avenue » l’élection de M. O’Neill.

À la suite de cette décision, M. Somare avait tenté de se prononcer au siège du gouvernement, accompagné de ses alliés politique et anciens, dans le but de reprendre ses fonctions, conformément à la décision de justice.
Il en a été empêché par un cordon d’une trentaine d’agents de police, qui lui ont poliment recommandé de rebrousser chemin, rapporte la radio nationale.
M. Somare, dès lundi soir, intervenait sur les ondes de la radio nationale en se déclarant « Premier ministre par intérim » jusqu’aux législatives.
« Tout acte de la part du régime O’Neill est par conséquent illégal et une fois de plus anticonstitutionnel », avait-il déclaré à chaud.

M. O’Neill avait aussi appelé, dans la foulée, une réunion du Parlement (pourtant dissout le 15 mai 2012 dans le cadre de la mise en route du processus électoral), en urgence, mardi 22 mai 2012.
Cette séance extraordinaire n’a pas eu lieu non plus.
Le dirigeant désavoué par la justice a lancé de nouvelles accusations à l’encontre de l’appareil judiciaire, auquel il reproche de vouloir « créer une situation chaotique » à la veille de législatives prévues pour démarrer le 23 juin 2012.
M. O’Neill, qui affiche toujours un soutien des chefs de la police, de l’armée et de la fonction publique, a dès l’annonce de ce verdict fait clairement savoir que tout comme lors du précédent verdict de décembre 2011, il n’avait pas l’intention d’observer ce second jugement.
Il a notamment argué du fait que « seul le Parlement a le pouvoir d’élire un Premier ministre » en vertu du principe de la séparation des pouvoirs.
Il estime aussi que la décision de lundi est viciée, du fait que deux des cinq juges composant le panel, avant le verdict, s’étaient disqualifiés, à la suite de la publication dans la presse locale, ce week-end, de courriels dévoilant que certains d’entre eux avaient apparemment qualifié par avance le régime actuel d’ « illégal ».
M. O’Neill a fait savoir mardi son intention de contester la décision de la Cour Suprême.

MM. Somare et O’Neill se disputent maintenant un poste de Premier ministre « par intérim », titre approprié en cette période pré-électorale, dont le processus a été officiellement lancé mi-mai 2012, pour un scrutin prévu mi-juin 2012.
Aucune des parties adverses n’a jusqu’ici remis en question la tenue et la date des législatives, censées renouveler le Parlement pour les 111 circonscriptions du pays (deux nouvelles circonscriptions/provinces ont été tout récemment créées).
En milieu de semaine, le gouvernement de la province du Sépik oriental (circonscription historique et fief de M. Somare) a nommé, dans la capitale provinciale Wewak et en sa présence, le vieux dirigeant comme tête de liste pour mener une nouvelle bataille dans le cadre des prochaines législatives, pour son parti National Alliance, rapporte le quotidien The National.
Avant cela, ce vétéran de la politique papoue, dont la carrière s’étale sur les quatre dernières décennies, avait savamment soufflé le chaud et le froid concernant sa participation aux législatives.
Le 5 avril 2012, le Parlement papou avait voté en faveur d’un report des législatives, avant de revenir sur sa décision le 15 mai 2012 et maintenir le scrutin à partir du 23 juin 2012, à la suite de pressions locales et internationales au plus haut niveau.
Près d’une cinquantaine de partis devraient présenter leurs listes.

Élections sous haute surveillance

Le coup d’envoi de la campagne pour ces élections a été donné en fin de semaine dernière, sur fond de vives inquiétudes concernant la sécurité aussi bien dans la capitale Port-Moresby que dans les autres grandes villes du pays ou dans la très turbulente province des Hauts-Plateaux.
La semaine dernière, le gouvernement australien a mis à disposition de l’armée papoue trois hélicoptères (un Bell 212 et deux Bell 412, dont les frais de location à une société privée sont pris en charge par Canberra) pour les besoins de « surveillance » des « points chauds » pendant les législatives, en particulier dans la province des Hauts-Plateaux.
À travers le pays, la police et l’armée ont aussi commencé à déployer des effectifs supplémentaires, en milliers de personnel, toujours dans la perspective des législatives qui concernent quelque 4,6 des 7 millions d’habitants de ce pays.
Plusieurs organisations internationales (Commonwealth) et régionales (Forum des Îles du Pacifique) devraient aussi dépêcher sur place des groupes d’observateurs.

Depuis son éviction et l’élection par le Parlement d’un nouveau Premier ministre, Peter O’Neill, le 2 août 2011, en se basant sur la constatation d’une vacance du pouvoir (M. Somare avait été absent du pays entre mars et septembre 2011, pour cause d’opération cardiaque), le vieux dirigeant, 76 ans, avait continué à revendiquer la légitimité au pouvoir.
Il invoquait notamment le fait que la procédure constitutionnelle de constat de la vacance et de l’empêchement, qui devait se faire sur recommandation d’un panel de médecins, n’avait pas été respectée.
Début décembre 2011, la cour Suprême de Papouasie-Nouvelle-Guinée validait cette thèse et ordonnait que M. Somare soit rétabli dans ses précédentes fonctions.
En réponse, M. O’Neill et son gouvernement, se basant sur la légitimité du Parlement et un soutien de la police et de l’armée, avait décidé d’ignorer ce verdict.
Dans le même temps, des attaques répétées se poursuivaient contre des membres prééminents de l’appareil judiciaire, et en premier lieu le Président de la cour Suprême, Salamo Injia, jugé trop proche de M. Somare.
Les magistrats, faisant bloc, sont jusqu’ici parvenus à résister à des accusations de « corruption », de « parti pris » et de « malversations » lancées régulièrement par l’exécutif de M. O’Neill.

pad

Rédigé par PAD le Vendredi 25 Mai 2012 à 05:48 | Lu 716 fois