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La situation financière de la Polynésie vue de Paris est catastrophique


La situation financière de la Polynésie vue de Paris est catastrophique
PARIS, mardi 6 novembre 2012. Dans le cadre du volet outremer de la loi de finances 2013 qui se discute en ce moment même à l’Assemblée nationale divers rapports ont été produits. Celui du député socialiste René Dosière sur l’état des finances de la Polynésie française est particulièrement noir. En voici la quasi intégralité :

Si la crise financière de 2008 n’a pas épargné la Polynésie française, la dégradation de son économie remonte en réalité au début des années 2000. La crise actuelle n’a eu en quelque sorte pour effet que de révéler au grand jour l’essoufflement du modèle économique de ce territoire (…) Dans son rapport 2011 sur la Polynésie française, l’Institut d’émission outre-mer (IEOM) souligne que « l’économie de la Polynésie Française poursuit sa dégradation en liaison avec la contraction de la commande publique et de la demande extérieure ». Dans sa dernière note de conjoncture, il estime que « l’ensemble des secteurs de l’économie polynésienne subissent une dégradation forte de leur activité, à l’exception des secteurs de l’industrie et de l’hôtellerie. Pour le troisième trimestre de l’année 2012, aucune reprise d’activité n’est envisagée. Seul le secteur touristique semble échapper à cette tendance globale ».
Cependant, comme le soulignait, en juin 2010, la mission d’assistance à la Polynésie française, « la crise de l’économie polynésienne ne date pas de la crise financière de 2008, mais se prépare depuis le début de la décennie » précédente. En effet, la croissance économique a été nulle en moyenne au cours de la décennie 2000.

Les quelques indicateurs économiques récents mettent en évidence la spirale infernale qui atteint la Polynésie : depuis 4 à 5 ans, près de 10 000 emplois salariés du secteur marchand ont disparu, soit un sur six. La consommation des ménages diminue : les importations de biens d’équipement ont baissé de 21 % entre le 2e trimestre 2010 et le 2e trimestre 2012, les immatriculations de voitures neuves ont chuté de 30 % en 2011 et les crédits à la consommation sont en net repli. De leur côté, les entreprises, confrontées à un faible niveau d’activité et à une absence de visibilité à moyen terme, réduisent leurs investissements en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Cette chute de l’activité économique a des conséquences immédiates sur le niveau des recettes de la collectivité, qui reposent essentiellement sur les impôts indirects et les taxes à l’importation : entre 2007 et fin 2012, la collectivité territoriale a perdu 172 millions d’euros (20,6 milliards de FCFP) soit un cinquième de ses recettes de fonctionnement. Il en résulte une dégradation régulière des conditions de vie des Polynésiens : le niveau de vie moyen s’établit aujourd’hui à un niveau proche de celui constaté à la fin de 1980. Un ménage sur cinq, représentant 28 % de la population, dispose d’un revenu inférieur au seuil de pauvreté (405 euros, soit 48 600 FCFP par mois et par unité de consommation). À défaut de la mesurer avec précision, tous les observateurs constatent un accroissement considérable – et rapide – de la pauvreté.

Le taux de chômage atteint vraisemblablement 25 % de la population active
, soit un niveau équivalent à celui des départements d’outre-mer. Mais la Polynésie française ne connait ni garantie de ressources minimum (revenu minimum d’insertion ou revenu de solidarité active), ni indemnisation du chômage comme s’en glorifiait l’ancien président du gouvernement de la Polynésie, M. Gaston Flosse. Le meilleur moyen de limiter le chômage consistait à développer les emplois publics dans le cadre d’un « clientélisme » traditionnel et partagé.
Les difficultés financières de la collectivité – et des communes – rendent aléatoire la poursuite de cette pratique, même si la tentation d’y recourir est toujours présente dans certains esprits, malgré les préconisations du « rapport Bolliet » reprises, partiellement, dans le plan de redressement adopté le 18 août 2011 par l’assemblée de la Polynésie française.

À la fin de l’année 2009, la Polynésie française dont la situation budgétaire et financière s’était très dégradée a rencontré de graves difficultés de trésorerie, conduisant son président d’alors (M. Tong Sang) à solliciter de l’État la mise en place d’une mission interministérielle d’assistance, conduite par Mme Anne Bolliet, inspectrice générale des finances pour identifier les marges de manœuvre et formuler des recommandations tant sur le budget de la collectivité que sur la caisse de prévoyance sociale. Remis en septembre 2010, ce rapport a abouti à un plan de redressement adopté le 18 août 2011 par l’assemblée de Polynésie. Des comités de suivi ont été mis en place pour évaluer l’état d’avancement de ce plan de redressement.
L’analyse de la composition et des dépenses et des recettes de fonctionnement de la collectivité est préoccupante.

Jusqu’en 2007, les équilibres financiers et budgétaires de la Polynésie reposaient pour l’essentiel sur croissance
des prélèvements fiscaux plus élevée que celles des dépenses courantes, les excédents ainsi dégagés permettant d’alimenter les capacités d’autofinancement. Or, le dynamisme du produit fiscal est étroitement corrélé au dynamisme de la croissance économique. À partir de la crise financière de 2008, les produits fiscaux, notamment indirects, ont commencé à diminuer fortement, plongeant la Polynésie française dans une grave crise financière, alors que les dépenses courantes ont, elles, continué à augmenter. La section de fonctionnement est confrontée depuis lors à un véritable effet de ciseaux entre la rigidité des dépenses en constante progression – un peu plus de de 6 % entre 2005 et 2010 – et des recettes en forte baisse – près de 10 % entre 2005 et le budget primitif 2012 –, conduisant mécaniquement à une réduction des excédents.

L’effet de ciseaux constaté sur l’évolution des dépenses et recettes de fonctionnement s’est traduit par une dégradation des ratios d’épargne brute en baisse de près de 60 % entre 2005 et 2012. L’épargne brute dégagée sur le budget de fonctionnement a même été insuffisante pour rembourser ses dettes antérieures, si bien que la collectivité a dû emprunter pour financer le remboursement du capital de sa dette. L’endettement a mécaniquement progressé de plus de 50 % entre 2005 et 2010. Or, la dégradation de la notation de la Polynésie française, passant de BBB+ à BBB-, et l’absence durable de rétablissement financier rendent particulièrement difficile le financement des investissements. Si la situation est apparemment moins tendue dans les budgets 2010 et 2011, c’est principalement en raison de la comptabilisation de produits exceptionnels et non pérennes.

Les rapports de la mission d’assistance à la Polynésie française et de la chambre territoriale des comptes ont notamment montré qu’une partie des dépenses de personnel
était la conséquence du rôle d’amortisseur social que joue la collectivité en l’absence de prestations chômage et de minimas sociaux et, que la multitude de démembrements de la collectivité – établissements publics, sociétés d’économies mixtes, etc. – n’était pas un gage d’efficacité dans la conduite des politiques publiques. En outre, la mission d’assistance a mis en évidence que, depuis un certain nombre d’années, les budgets et comptes de la collectivité n’étaient pas sincères et cela dans des proportions importantes, chiffrées en 2009 par le payeur de la Polynésie à hauteur de 20 % du budget de fonctionnement. Ce chiffre élevé résulte de l’absence quasi-totale d’amortissements, d’une méconnaissance de la valeur des immobilisations et d’une absence de provisions. Malgré cette absence de sincérité, les hauts commissaires successifs n’ont pas saisi la chambre territoriale des comptes. Le rétablissement de la sincérité des comptes est un objectif majeur du plan de redressement, dont l’application est rendue délicate par les difficultés de trésorerie de la collectivité.

À cela s’ajoute une dégradation des comptes sociaux : l’assurance maladie et le régime des retraites des salariés gérés par la caisse de prévoyance sociale (CPS) sont en déficit. Le régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF), qui offre une couverture sociale aux personnes et à leurs ayants droit sans régime d’assurance, connait de grandes difficultés financières par suite de l’augmentation considérable de ses ressortissants (+ 41% entre 2005 et 2011) et de la diminution de la participation financière de l’État depuis 2003. Le budget 2012 a été voté en déficit. Enfin, le nouveau centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) est dans une situation catastrophique : il est incapable d’équilibrer son budget et de faire face au règlement de ses fournisseurs depuis la livraison de ses locaux en 2011 (26 millions d’euros d’impayés à mi-septembre 2012).
Comme l’indique le rapport 2011 de l’IEOM sur la Polynésie française, « financièrement le pays connait des tensions de trésorerie quasi permanentes l’obligeant à hiérarchiser ses dépenses au profit de celles qui sont obligatoires (salaires, annuités d’emprunts) au détriment du paiement des fournisseurs mais aussi du soutien de l’économie par le biais de la commande publique ».

Pour lire l’intégralité du rapport, cliquer ici

Rédigé par () le Mardi 6 Novembre 2012 à 17:29 | Lu 4355 fois