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La santé d'Hubert Haddad met en question la suite du procès


La santé d'Hubert Haddad met en question la suite du procès
Hubert Haddad a été victime d'un malaise cardiaque, lundi 1er octobre dans la matinée, lors de l'instruction à l'audience du procès de l'affaire de l'annuaire officiel de l'OPT. Il a été transporté en urgence au centre hospitalier de Taaone où il a été mis sous surveillance médicale assistée.

Ce malaise pourrait avoir été provoqué par le stress, alors qu'Hubert Haddad était interrogé par la présidente du Tribunal, Marie Claude Pena, au sujet de mouvements de capitaux suspects au sein des filiales de son groupe, en novembre 2005. Des transferts de fonds qui semblent avoir été ordonnés afin de se mettre dans l'incapacité d'honorer une dette vis à vis de l'Office des postes et télécommunications.

Hubert Haddad, 64 ans, est l'un des deux principaux prévenus de ce procès avec le sénateur et ancien président du gouvernement Gaston Flosse. Son absence pose, dans l'immédiat, la question de la poursuite du procès qui était prévu aboutir vendredi.
Hubert Haddad y est jugé pour les chefs d’abus de confiance, abus de biens sociaux, corruption active et recel de favoritisme alors que Gaston Flosse, 81 ans, est poursuivi pour les chefs de corruption passive et active, recel d’abus de biens sociaux et complicité de destruction de preuves. Treize autres prévenus sont appelés à y comparaître.

Depuis lundi 24 et l'ouverture de ce procès, le Tribunal s'intéresse à l’influence qu’a pu avoir Gaston Flosse pour favoriser le groupe 2H, d'Hubert Haddad, qui avait la régie l'édition et de la vente des espaces publicitaires de l'annuaire téléphonique officiel de 1997 à 2006. Flosse a été président du gouvernement jusqu’en mai 2004.

Le sénateur doit plus particulièrement être entendu sur près de 160 millions Fcfp reçu d'Hubert Haddad en plusieurs remises d'espèces sous enveloppes : 10 millions Fcfp chaque année de 1993 à 2005, via Michel Yonker, directeur Polynésie du groupe 2H et Melba Ortas, sa secrétaire personnelle, et 40 millions Fcfp adressés via le même circuit en 4 versements de novembre 2004 à février 2005.

Des sommes prétendument données à Gaston Flosse par l'homme d'affaires pour financer le Tahoera'a Huiraatira mais dont on ne trouve aucune trace dans la comptabilité du parti politique et qui pourraient avoir servi à l'enrichissement personnel du "vieux lion" dans le cadre d'un réseau de corruption.

"C'est quoi les enveloppes Yonker-Ortas ?"

La défense de Hubert Haddad a communiqué au Tribunal, lundi après-midi, un certificat médical constatant les symptômes d'une angine de poitrine et recommandant 5 jours de repos complet pour le prévenu. Le Tribunal a ordonné une expertise contradictoire dont le rapport doit lui être remis mardi 2 octobre au plus tard. Cette expertise a un caractère déterminant pour la suite immédiate du procès.

De son côté, Maître Le Borgne, conseil de Gaston Flosse, a dans l'instant interpellé le Tribunal sur la nécessité de la présence physique de Hubert Haddad au procès, pour une tenue normale des débats, notamment dans l'intérêt de son client : "Nous sommes obligés de dire qu'il y a dans la confrontation des deux hommes une sorte de noeud gordien : je ne me vois pas demander à mon vieil ami, Françis Szpiner, "C'est quoi les enveloppes Yonker-Ortas ?". Celui qui doit donner les raisons des choses, et qui était prêt à le faire, est absent."

Les recherches effectuées en 2009, lors de l’instruction, dans la comptabilité et dans les relevés bancaires de 4 des sociétés du groupe 2H ont établi un total de 77 retraits en espèces, sans réelle justification, sur les comptes bancaires de diverses sociétés du groupe 2H pour un total de 112.5 millions fcfp en six ans, de juin 2000 à mai 2006. Tous ces retraits ont été imputés sur le compte courant d'associé d'Hubbert Haddad.

Une partie de ces sommes est soupçonnée avoir servi à alimenter des réseaux de corruption, dans la même période, notamment en faveur de l'ancien homme fort du pays, Gaston Flosse, mais également et dans une moindre mesure, en faveur d'Emile Vernaudon, ministre de l'OPT en 2005, Geffry Salmon, directeur général puis Pca de l'office et Alphonse Teriierooiterai, qui lui a succédé.
Et ce alors que la dette du groupe 2H avait crû sans cesse à partir de 2000, et sans provoquer de véritable réaction à l'OPT, dans un climat de complaisance, pour atteindre 697 millions Fcfp fin 2005.

Deux des filiales tahitiennes du groupe présidé par Hubert Haddad étaient chargées de la vente des espaces publicitaires de l'annuaire téléphonique. Publi Pacific de 1997 à 2002 puis Yellow On Line de 2003 à 2005 inclus. Aux termes d'une convention ces sociétés devaient percevoir, après reversement des recettes publicitaires à l’OPT, une commission fixée contractuellement entre 25 et 28% du montant facturé aux annonceurs. Mais les recettes publicitaires n'ont pratiquement jamais été reversées.

La dette du groupe 2H demeure de 336 millions Fcfp en 2012, alors qu'Hubert Haddad n'a plus d'intérêt commercial en Polynésie française.

Maître Szpiner, avocat d'Hubert Haddad
Maître Szpiner, avocat d'Hubert Haddad
Françis Szpiner : M. Haddad « veut être jugé : il veut s’expliquer. C’est normal et c’est à son honneur »


Quelle conséquence ce malaise a-t-il sur le procès ?

Vous savez, comme je l’ai indiqué au Tribunal, puisque nous avons donné lecture du certificat médical, notre client est actuellement en service de cardiologie. Le médecin dit que pour les jours qui viennent, il doit observer un repos complet, sans stress. En réalité, ce certificat indique que M. Haddad ne peut pas comparaitre dans les jours qui viennent.
Cela pose un certain nombre de questions. Comme je l’ai rappelé en communiquant ce certificat médical, le Tribunal a la possibilité de faire vérifier par un expert cette information – ce qu’il est en train de faire. Nous devrons ensuite passer en revue toutes les possibilités. La première c’est le renvoi de l’affaire, parce que M. Haddad veut s’expliquer et il a le droit de s’expliquer ; la seconde serait de disjoindre son cas, mais cela pose beaucoup de problèmes ; la troisième solution serait effectivement de suspendre le procès et de le reprendre plus tard ; la quatrième serait que M. Haddad accepte de ne pas comparaître et d’être représenté par ses avocats, ce qui le pénaliserait puisqu’il ne pourrait pas s’expliquer, être confronté à ceux avec qui il est en désaccord.
Nous étudierons tout cela demain, à la lumière de ce que dira le médecin expert désigné par le Tribunal.


Connaissant la santé de M. Haddad, n’était-il pas plus qu’envisageable que se pose un tel problème au cours du procès ?

M. Haddad est venu contre l’avis de ses médecins. Lorsqu’il avait été remis en liberté, personne n’avait contesté la véracité de ses problèmes cardiologiques, puisqu’il fallait qu’il soit près d’un hôpital équipé. Mais en même temps, s’il n’était pas venu que n’aurait-on pas dit ? Quelle conséquence n’aurait-on pas tiré contre lui ? Il veut être jugé : il veut s’expliquer. C’est normal et c’est à son honneur. Il le fait mais ne doit pas le faire au détriment de sa santé.

Gaston Flosse et son conseil, le bâtonnier Jean Yves Le Borgne
Gaston Flosse et son conseil, le bâtonnier Jean Yves Le Borgne
Jean-Yves Le Borgne : « On va finir par voir un Tribunal contraint de juger un dossier sur pièces écrites »


Ce procès peut-il continuer en l’absence de M. Haddad ?

Plusieurs possibilités s’offre à nous : Monsieur Haddad peut demander à être juger en son absence ; peut demander à être défendu par ses avocats alors qu’il ne serait pas là, il peut même leur demander de le représenter à l’audience. Mais cette absence est un véritable problème pour la défense de Gaston Flosse, car nous savons bien qu’il y a eu un soutien d’Hubert Haddad, apporté par ce dernier, à l’action politique de Gaston Flosse. Hors, ici ou là, certain prétendent – et c’est un peu d’ailleurs le cœur de l’accusation – que ce soutien n’aurait pas été que politique, mais personnel.
J’ai le plus grand intérêt, dans le cadre de la défense de Gaston Flosse, à dire à M. Haddad : « Les yeux dans les yeux, M. Haddad, votre financement était-il un soutien politique et seulement cela ? »
S’il est absent, cette question ne pourra pas se poser. On va finir par voir un Tribunal contraint de juger un dossier sur pièces écrites. Autant dire que ces journées passées à débattre jusqu’à présent, n’auront peut-être été que pour la forme. Ce qui serait tout à fait regrettable.


Dans l’hypothèse d’un report du procès pour une semaine, compte tenu de votre appartenance au barreau de Paris, pourriez-vous vous libérer ?

Bien sûr que c’est compliqué quand on vient de si loin, et surtout pour si longtemps. Là, je suis ici depuis presque deux semaines maintenant. J’ai prévu, comme la plupart de mes confrères parisiens, de repartir. Vous observerez que parmi les avocats du barreau de Paris, il y a mon confrère Szpiner entre autres avocats de M. Haddad. Et moi pour M. Flosse aux côtés du bâtonnier Quinquis. C’est dire que c’est un peu fâcheux, tout de même, que les avocats des principaux prévenus aient des obligations de cette nature.
Le Tribunal fera ce qu’il voudra en fonction des éléments qui lui seront communiqués demain. Mais je pense que ce qui pourrait être raisonnable c’est d’utiliser la formule dite de continuation. C'est-à-dire que rien n’oblige qu’un procès soit d’un jour à l’autre. On peut très bien renvoyer d’un mois à l’autre. Donc on pourrait imaginer que tout ce qui a été fait jusqu’à présent est considéré comme valablement fait et que l’on poursuit le procès dans un certain temps – un mois, deux mois, trois mois… -- considérant que l’on poursuit ce qui a été fait jusqu’à présent : on ne recommence pas, on continue.
Cela me paraîtrait être la solution médiane la plus adaptée. Mais c’est le Tribunal qui, selon les éléments qui lui seront communiqués demain, décidera.


Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 1 Octobre 2012 à 17:21 | Lu 3418 fois