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La réglementation sur la vente d’alcool rajeunie


Tahiti, le 5 août 2021 - Le Pays s’apprête à servir une nouvelle tournée de réglementation sur la vente d’alcool en Polynésie. Un projet de texte instaurant un code des débits de boissons est à l’examen au CESEC. Il abroge de nombreux textes parfois centenaires. Les procédures d’attribution des licences sont simplifiées mais la publicité sur la vente d’alcool devient strictement encadrée ainsi que certaines pratiques commerciales.
 
En matière de réglementation sur la vente d’alcool, le gouvernement commence à avoir de la bouteille. Après avoir à plusieurs reprises depuis le début de l’épidémie apporté des restrictions sur la vente de boissons alcooliques en s’appuyant sur une délibération de 1959 et un arrêté de 1961, le Pays a décidé de faire un grand toilettage réglementaire. Une toilettage en forme de cure de rajeunissement. Pas moins de 31 textes promulgués entre 1899 et 1959 seront ainsi abrogés et doivent laisser la place à un tout nouveau code des débits de boissons, alcoolisées ou non alcoolisées. Une réforme qui permet également au gouvernement d’introduire plusieurs dispositions destinées à protéger les personnes vulnérables dont les mineurs.
 
Simplification des procédures
 
Le projet de texte soumis à l’examen des membres du CESEC prévoit ainsi quelques mesures de simplification avec notamment la nombre de licences existantes et une harmonisation des zones protégées. Cette dernière recouvre la distance minimum qui doit être respectée à proximité des établissements scolaires ou des enceintes sportives pour commercialiser de l’alcool. La nouvelle et unique distance de 100m ne s’appliquera plus aux magasins mais seulement aux établissements proposant une consommation sur place, à savoir les bars et restaurants. “Pas forcément cohérent” pour Maxime Antoine-Michard, le président du syndicat des restaurants, bars et snack-bars qui ne comprend pas cette différence de traitement. “On a soulevé des incohérences qui ont été admises par les auteurs du texte. On nous a expliqué que les établissements en place ne seraient pas concernés par la nouvelle réglementation. Là aussi, c’est un problème, cela crée une différence entre les établissements déjà installés qui pourront continuer à le faire et ceux qui voudraient s’installer et qui n’auraient pas le droit de le faire”.
 
Moins contestée, la mise en place d’une licence temporaire pour les organisateurs de spectacle et concert et la pérennisation de la licence “tourisme” prévue pour les pensions de familles et les organisateurs d’excursion vont dans le sens de la simplification et de la clarification des textes. Des dispositions “très vertueuses” selon le président du syndicat qui touchent également aux conditions d’octroi de la licence et à la responsabilité pénale du titulaire de celle-ci. La désignation de suppléants ne sera en effet plus exigée dans le cas où le titulaire de la licence serait absent. Ce dernier sera seul responsable en cas d’infraction, comme par exemple lors de la vente prohibée à un mineur.
 
“Open bar” interdit et “happy hour” contraint
 
Le gouvernement cherche également à limiter certaines pratiques commerciales. Fini ainsi l’Open Bar. L’offre de boissons alcooliques à titre gratuit ou contre une somme forfaitaire sera punie d’une amende de 890 000 Fcfp et d’un retrait temporaire de la licence. Moins drastique, le Pays apporte des restrictions aux “happy hours”. La pratique qui vise à offrir pendant une ou plusieurs heures des boissons, en particulier alcoolisées, à des tarifs plus avantageux que d'ordinaire va faire l’objet d’un cadre plus contraignant. Les “happy hours” restent autorisées mais elles seront désormais conditionnées à la pratique par l’établissement concerné de prix réduits également sur des boissons non alcoolisées. Une obligation considérée comme “problématique” pour Maxime Antoine-Michard, elle oblige en effet à baisser les prix sur plusieurs catégories de boissons comme par exemple les sodas, jus de fruits ou encore eaux gazeuses. La mesure ne devrait pour autant pas freiner les adeptes des happy hours qui pourront se faire accompagner des personnes plus sobres à moindre frais. 
 
Enfin, autre mesure phare, l’obligation faite aux exploitants de bars dont la fermeture intervient entre 2 heures et 6 heures de mettre à disposition dans leur établissement des dispositifs de dépistage de l’imprégnation alcoolique, plus communément appelés éthylotests. Des précisions notamment techniques doivent cependant être encore apportées par un arrêté pris en conseil des ministres.
 
Publicité strictement encadrée
 
Enfin, pour renforcer encore la protection des personnes vulnérables, la publicité et la propagande sur les boissons alcoolisées deviennent très encadrée. Auparavant seulement interdites “dans les établissements d’activités physiques et sportives ou à l’occasion de manifestations sportives”, la propagande ou publicité directe et indirecte font l’objet de dispositions dont la mise en application soulève déjà quelles interrogations légitimes. Ainsi, la publicité indirecte consiste à faire la publicité d’“un article autre qu’une boisson alcoolisée qui, par son graphisme, sa présentation, l’utilisation d’une dénomination, d’une marque, d’un emblème publicitaire ou d’un autre signe distinctif, incite à la consommation de boisson alcoolisée”. Une formulation qui devrait en toute logique mettre un terme à la production et à la vente de tee-shirts à l’effigie de la principale marque de bière locale. Des dispositions contraignantes qui vont également très probablement conduire à de nombreux démontages d’enseignes et autre réfection de vitrine dans les centres-villes. Le texte prévoit en effet l’interdiction de la publicité directe ou indirecte à l’intérieur d’un périmètre de 100 mètres autour des établissements d’enseignement. De quoi obliger plusieurs commerces de Papeete, proches des collèges Jahouvey ou Pomare IV par exemple à désinstaller des stores et parasols présentant des logos de marque peu compatibles avec la nouvelle réglementation. “Il y a beaucoup à redire” pour le président du syndicat d’un secteur déjà fortement impacté par les restrictions sanitaires. “Un certain nombre d’éléments ont été soulevés. Ils seront mentionnés dans l’avis du CESEC. Maintenant on espère que le gouvernement en tiendra compte dans le cadre du texte définitif ”. Il y a donc beaucoup à redire et peut-être à réécrire.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Vendredi 6 Août 2021 à 00:54 | Lu 7174 fois