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La nouvelle charte de l'Education mise sur la performance


Nicole Sanquer, ministre de l'Education.
Nicole Sanquer, ministre de l'Education.
PAPEETE, 7 juin 2016 - Présentée aux élus de l’assemblée mardi, lors d’une réunion d’information, la nouvelle charte de l’Education sera soumise à l'examen de la troisième institution du Pays avant fin juin, pour une entrée en application dès la rentrée prochaine.

Ce sera la feuille de route du système éducatif polynésien jusqu’en 2020. L’esprit de la nouvelle charte de l’Education a été exposé aux élus de l’assemblée mardi matin lors d’une réunion d'information de la commission de l’Education, à Tarahoi. Ces mêmes élus seront consultés pour avis dès lundi prochain avant que le texte ne puisse être présenté en séance plénière, probablement avant fin juin. Il modifiera l’annexe à la loi du Pays de 2011 sur la charte de l’Education.

Ce projet de texte est conçu pour permettre un meilleur pilotage du système éducatif polynésien, avec des contrats d’objectifs dans chaque circonscription scolaire. Il prévoit un compte rendu annuel des résultats et devrait faciliter le dialogue de gestion avec l’Etat, par l’attention toute particulière qu’il porte à la notion de performance. Il devrait entrer en application dès la rentrée 2016-2017.

L’objectif principal de cette actualisation de la charte de l’Education est de mettre en place les conditions d’une évaluation régulière des résultats sur le terrain. La tâche sera confiée aux enseignants du primaire et du collège et relayée par les inspecteurs jusqu’à la direction des enseignements et de l’Education. Les inspecteurs de l'Education auront en outre la charge de rendre des comptes à leur hiérarchie en cas de performances mauvaises dans leur circonscription. Un rapport de performance sera présenté tous les ans par le ministre au gouvernement et tous les deux ans devant les représentants polynésiens.

Cette nouvelle charte fixe des contrats d’objectifs territoriaux pour le premier degré, par circonscriptions et affiné par école. La charte de 2011 n’avait fait l’objet d’aucune évaluation alors qu’elle annonçait un rapport de performance biennal devant les élus de l’assemblée et des évaluations annuelles de la part des inspecteurs pour leur hiérarchie. Responsable : un dispositif fastidieux de 128 indicateurs de résultats "difficiles à renseigner" et "peu opérationnel", de l’avis de l’administration en charge. Le nouveau texte prévoit d’offrir une photographie annuelle du système éducatif polynésien et s’appuie sur une quarantaine d’indicateurs de performance identiques à ceux employés en métropole, afin de permettre un "analyse commune avec l’Etat à partir d’un raisonnement identique et une meilleure transparence sur l’emploi des deniers publics", explique Nicole Sanquer.

Car pour l'instant, bien que la comparaison soit difficile, compte tenu de l’éclatement géographique de la collectivité et d'un contexte historique bien différent, le système éducatif polynésien s’illustre par ses résultats trop faibles en dépit des 64 milliards Fcfp que consacre annuellement l'Etat à son fonctionnement : résultats en berne aux évaluations nationales ; déscolarisation précoce ; écarts de réussite scolaire significatifs entre les différents archipels.

En Polynésie, 2630 élèves ont obtenu leur baccalauréat en 2015, où la proportion d’une classe d’âge parvenant au niveau Bac a été de 54,79%. Dans l’Hexagone, le taux global d’admis au baccalauréat a été de 87,8% en 2015 comparé aux 79,1% en Polynésie où le premier bachelier date de 1965.

Les vraies difficultés que rencontre le système surgissent cependant avant le lycée dans nos îles. En 2013-2014, la proportion d’élèves de CM2 ayant montré une maîtrise insuffisante des compétences a été de 38 % en Français et de 30 % en Mathématiques. En 2013 le pourcentage d’élèves sans diplôme ni qualification a représenté 40 % d’une classe d’âge en Polynésie où le décrochage scolaire évalué par le ministère à 30 % est "perçu comme devant faire l’objet d’un traitement prioritaire", constate le rapport d’évaluation de la convention décennale de l’Education. C’est à ces difficultés que tente de s’attaquer la nouvelle charte de l’Education. On appréciera en 2020.

Nicole Sanquer : "on recherche la performance"

Quels sont les changements que vous apportez à la charte de l’Education ?

Nicole Sanquer : Tout d’abord, le cadre réglementaire rend nécessaire la production d’un rapport de performance sur les quatre dernières années, le projet de la précédente charte étant arrivé à sa fin. Il nous faut aussi réactualiser la charte de l’Education pour la mettre en conformité avec les différentes évolutions du système éducatif : changement de cycle, décret pour la mise en place d’un nouveau socle commun… La nouvelle charte intègre tout cela. Mais ce qui nous importait était de mettre cette charte en cohérence avec les différents textes et d’avoir les mêmes indicateurs de performance pour pouvoir évaluer annuellement notre système éducatif et donc adapter nos priorités, nos méthodes et nos pratiques et fixer des objectifs à moyen et long termes.

Ces indicateurs sont dorénavant les mêmes que ceux utilisés par l’Etat. Cela facilitera les échanges lors du dialogue de gestion ?

Nicole Sanquer : Comme vous l’avez vu on recherche la performance. Nous essayons de lier les dépenses engagées par le Pays et l’Etat pour l’Education avec nos résultats. Le calendrier fait que nous renouvelons la charte de l’Education alors même que nous sommes en train, avec l’Etat, de réécrire la convention décennale de l’Education. Nous voulons lier les deux documents et y introduire les orientations que la Polynésie a choisi pour son système éducatif. Tout cela est précisé dans le préambule du projet de convention : les indicateurs présentés dans la charte de l’Education seront repris dans le rapport de performance présenté à l’Etat.

Vis-à-vis de la charte de l’Education adoptée en 2011, cela veut-il dire que la collectivité a perdu quatre ans ?

Nicole Sanquer : Ce qui nous intéressait était de pouvoir analyser pour mettre en place les priorités. Les indicateurs que nous avions adoptés en 2011 se sont avérés difficiles à renseigner dans la pratique. Il en découle un travail d’analyse très fastidieux. Aujourd’hui, nous conservons 46 indicateurs et chaque objectif de la charte de l’Education pourra être évalué.
Ce qui est intéressant dans la mise en œuvre de cette nouvelle charte, c’est que l’enseignant pourra renseigner les différents indicateurs de manière à ce que nous ayons à la fin de chaque année un point d’étape. Cela nous permettra d’adapter au plus juste la réponse, voire d’ajuster le programme de formation continue des enseignants.


Concrètement quels sont les résultats attendus ?

Nicole Sanquer : Un des axes de notre politique éducative est l’amélioration des résultats et la meilleure insertion de nos élèves dans la vie active. Evidemment nous prendrons en considération les résultats aux examens. Mais nous avons aussi mis en place, par cycle, un système d’évaluation des objectifs sur l’apprentissage des fondamentaux ; mais nous prenons en compte le facteur humain et géographique. (…) C’est pour cela que les enseignants ont besoin d’être accompagnés et que nous allons renforcer le système de formation continue qui a pu manquer ces dernières années.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 7 Juin 2016 à 14:33 | Lu 3195 fois