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“La nature est violée, salie”


Une pollution terrigène dans la baie de Paopao “directement reliée aux terrassements ” du chantier du Domaine Faratea de l’entreprise Kern Pacific “bien connue” des services de la commune à cause des “différents signalements de pollution” effectués par la police municipale et transmis aux services du Pays. © Louis Olanda
Une pollution terrigène dans la baie de Paopao “directement reliée aux terrassements ” du chantier du Domaine Faratea de l’entreprise Kern Pacific “bien connue” des services de la commune à cause des “différents signalements de pollution” effectués par la police municipale et transmis aux services du Pays. © Louis Olanda
Moorea, le 06 décembre 2025 - Suite aux travaux effectués par la société Kern Pacific pour la réalisation d’une trentaine de villas sur le pan d’une montagne à Paopao, “plusieurs mètres cubes de terre se sont déversés dans le lagon”. De nombreux procès-verbaux ont été effectués par la police municipale puis transmis aux services du Pays car la commune de Moorea-Maiao est arrivée “au bout de ce qu’elle peut faire”.  Malheureusement, rien n’a bougé et un riverain tire la sonnette d’alarme car le temps des pluies est arrivé. “Ce sera pire”, craint-il. “Je suis triste car il n’y a pas de réaction.”
 
Cela fait déjà un an que Louis Olanda, un résident de Paopao, n’a eu de cesse de sensibiliser et de dénoncer, auprès des élus de la commune de Moorea-Maiao, de l’assemblée de la Polynésie et des services du Pays le problème de pollution terrigène qui se déverse dans la baie de Paopao. Une situation “directement reliée aux terrassements qui sont faits sur ce chantier-là”, assure le directeur de l’environnement, des services techniques et de l’aménagement de la commune de Moorea-Maiao, Olivier Pôté.
 
En effet, l’entreprise Kern Pacific, installée depuis peu à Moorea, construit actuellement le “Domaine de Faratea” composé de trente-huit villas. Une entreprise “bien connue” des services de la commune à cause des “différents signalements de pollution” effectués par la police municipale et transmis aux services du Pays.

“Je suis triste car il n’y a pas de réaction”

Louis Olanda se souvient encore qu’en novembre et en décembre 2024, “nous avons été envahis par une coulée de matière terrigène très importante. Je pense que plusieurs mètres cubes de terre se sont déversés dans le lagon. Jusqu’à ce jour, lorsque tu marches dans le lagon sur une bande de 300 à 400 mètres, tu marches dans la boue, ce qui n’était pas le cas auparavant.”
 
Ne voulant plus revivre la même chose cette année, avec l’arrivée de la saison des pluies, en novembre dernier, il prend contact avec le responsable du suivi des travaux “pour l’avertir des conséquences néfastes pour l’environnement. Il m’a dit qu’il fera le nécessaire”, en installant notamment un ou plusieurs décanteurs “comme il s’y était engagé auprès de la commune”, souligne cet administré. “Je demande juste que les choses soient bien faites, c’est tout”, scande-t-il.
 
Mais à sa grande déception, rien n’a été fait. “Les dégâts continuent et toute forme de vie est anéantie. On voit les poissons qui flottent (…)”, fustige ce résident de Moorea. Il rappelle d’ailleurs que l’enquête commodo incommodo soulignait que des milliers de mètres cubes de terre allaient être déplacés. “Cela a effectivement été déplacé, mais dans le lagon, et c’est malheureux. Qu’est-ce qu’on va laisser à nos enfants ?”, regrette Louis Olanda. 
 
Ce dernier craint que si la pluie continue de plus belle, “ce sera pire, c’est malheureux parce que la nature est violée, salie (…). Je suis triste car il n’y a pas de réaction.”

“On est très inquiet”

Contacté, le directeur de l’environnement, des services techniques et de l’aménagement de la commune de Moorea-Maiao, Olivier Pôté, connaît bien la société Kern Pacific. “On la suit depuis qu’ils ont démarré les travaux, notamment à cause de tous les signalements terrigènes qu’on a et qui arrivent dans la baie de Paopao et qui sont directement reliés aux terrassements qui sont faits sur ce chantier-là.”
 
Ce dernier assure que tous les signalements effectués par la police municipale ont été transmis aux services du Pays comme la Direction de la construction et de l’aménagement (DCA) et la Direction de l’environnement, “parce qu’on est très inquiet nous-mêmes de la pollution terrigène qui arrive déjà dans le lagon. Et on a un dossier bien complet”, regrette Olivier Pôté. Il indique d’ailleurs que le premier signalement date d’il y a six mois, soit quelques mois seulement après le début des travaux, et le dernier constat date d’il y a trois semaines.
 
Il précise d’ailleurs que “la commune arrive au bout de ce qu’elle peut faire. Et si la commune prenait un arrêté de suspension de travaux, elle pourrait être condamnée à des dommages et intérêts voire à une amende journalière qui correspond au jour où on a arrêté le chantier.” Oliver Pôté ajoute également que contrairement au chantier situé à Pihaena pour lequel le tāvana a pris un arrêté pour faire cesser les travaux car “un danger existait pour les habitations en contrebas”, “là, on n’a pas évalué de risques pour les habitants eux-mêmes, par contre, il y a un risque pour l’environnement”.   
 
On attend que la DCA se saisisse du dossier et fasse des propositions au promoteur comme la mise en place d’un bassin de décantation pour que l’eau chargée en terre puisse se décanter avant d’arriver dans la baie”.
 
Un sujet qui a d’ailleurs déjà été débattu avec le promoteur et qui n’était “pas du tout opposé à cela”, précise le directeur de l’environnement, des services techniques et de l’aménagement de la commune de Moorea-Maiao. “Et là, aujourd’hui, on attend que cela se passe car on entre dans la saison des pluies donc le risque de pollution s’accentue et à chaque forte pluie, la baie est toute marron.”
 
Contactée, la société n’a répondu ni à nos appels ni à nos SMS. Un des services du Pays concerné a précisé que des procédures contradictoires à l’encontre des entreprises menant ces travaux” ont été engagées. Un délai leur est accordé “pour se conformer aux observations formulées. Une fois ce délai expiré, une visite de terrain est organisée afin d’établir un rapport. Si nécessaire, des poursuites pénales peuvent ensuite être engagées”.

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Mardi 7 Janvier 2025 à 06:00 | Lu 4237 fois