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La moitié de la population polynésienne atteinte par le chikungunya


Le pic de l'épidémie de chikungunya a été atteint à Tahiti et Moorea, mais la rentrée scolaire pourrait provoquer un rebond des consultations médicales dans les cabinets médicaux ou au CHPF au cours de la semaine prochaine.
Le pic de l'épidémie de chikungunya a été atteint à Tahiti et Moorea, mais la rentrée scolaire pourrait provoquer un rebond des consultations médicales dans les cabinets médicaux ou au CHPF au cours de la semaine prochaine.
PAPEETE, le 5 janvier 2015. Après la phase aiguë de la maladie qui aurait atteint près de 130 000 personnes en trois mois, 50% des personnes infectées vont consulter à nouveau leur médecin traitant quelques semaines plus tard pour des douleurs récurrentes, parfois même accompagnées de légère fièvre. Il ne s'agit pas d'une rechute mais des effets persistants de la maladie. A Tahiti, où l'épidémie a démarré mi octobre, le nombre des consultations "secondaires" en raison de ces effets récurrents du chikungunya sont en progression constante.

Les connaissances sur le chikungunya se sont considérablement enrichies au cours des dernières années après les épidémies de La Réunion et plus récemment dans les Caraïbes, où le virus continue encore de circuler un an après son apparition aux Antilles françaises. Les médecins et les autorités de santé du Pays savent ainsi que la phase aiguë de la maladie durant laquelle les patients sont atteints de fièvre élevée et de douleurs articulaires invalidantes, est suivie d'un effet de récidive. "Dans les trois mois qui suivent l'infection initiale par le virus, on sait que la moitié des malades au moins seront atteints par ce que l'on appelle une phase post-aiguë avec de nouveau des douleurs articulaires intenses récidivantes qui provoquent de nouvelles consultations auprès des médecins traitants. Parfois, cette phase post-aiguë peut même provoquer un épisode de fièvre, moins élevée que la première fois toutefois" explique le docteur Henri-Pierre Mallet.

Pourtant on ne peut pas parler de "rechute" de la maladie ou d'une nouvelle infection par le virus : ce sont seulement des signes cliniques qui persistent et finiront par disparaître totalement. "On le voit effectivement dans les consultations dans les cabinets médicaux avec des gens qui se plaignent de nouveau de douleurs, de gonflements, d'œdème, ce sont des effets récurrents du chikungunya mais ce ne sont pas des cas de réinfection" assure le docteur Henri-Pierre Mallet. Chez certains malades, les douleurs de la phase post-aiguë s'avèrent plus invalidantes, plus insupportables qu'elles ne l'avaient été lors de l'infection.
Certaines personnes, les moins chanceuses, pourront même "au-delà des trois mois de phase post-aiguë développer une forme chronique des effets persistants du chikungunya avec des douleurs articulaires provoquant des rhumatismes" et nécessitant des traitements spécifiques et parfois assez lourds détaille encore Henri-Pierre Mallet. Estimer le nombre des patients polynésiens qui seront atteints par les effets au long cours du chikungunya s'avère difficile, mais selon une étude menée en 2012 par l'Institut Pasteur, l'atteinte articulaire en mode chronique "concernerait 10% des patients, trois à cinq ans après une infection aiguë au virus chikungunya".

Ces effets persistants –au-delà des trois mois- concerneraient prioritairement les patients les plus âgés. Quant aux explications médicales sur ces "résurgences", elles font l'objet d'études médicales en cours. Il semble néanmoins établi qu'après avoir contracté le chikungunya le virus peut persister dans les cellules des tissus articulaires et stimuler une réaction antiflammatoire. "La fièvre que l'on peut constater alors est un effet de cette inflammation et non d'une réaction du corps à une attaque virale" précise le docteur Henri-Pierre Mallet.



Plusieurs dizaines de morts attendus


La cellule de coordination de l'épidémie de chikungunya doit se réunir ce mardi après-midi. Elle établira le dernier bilan du nombre estimé de patients atteints par le virus en Polynésie française et le nombre de décès officiellement reconnus par les autorités de santé. Plusieurs décès suspects, notamment celui d'une enfant d'une dizaine d'années, étaient en cours d'investigation par les services de santé du Pays.

Le tout dernier bilan publié par le Bureau de veille sanitaire juste avant Noël faisait état de 51 131 le "nombre total des cas ayant consulté pour une phase aiguë de chikungunya" depuis l'apparition de la maladie mais aussi une progression continue du nombre de consultations secondaires pour des effets persistants ou récurrents de la maladie et de neuf décès directement liés à une infection par le virus (six hommes, deux femmes de plus de 70 ans et un nouveau-né).

Mais selon le docteur Henri-Pierre Mallet, du Bureau de veille sanitaire, d'autres décès seront effectivement confirmés en lien avec le virus au cours des prochaines semaines et tant que durera l'épidémie sur le territoire. "Il faut s'attendre encore à des morts. Si l'on compare au taux de mortalité constaté aux Antilles, il y aura, au total en Polynésie française plusieurs dizaines de morts". Aux Antilles françaises, le taux de mortalité de l'épidémie de chikungunya est d'environ 1 décès pour 4000 cas estimés.

Rédigé par Mireille Loubet le Lundi 5 Janvier 2015 à 21:18 | Lu 8657 fois