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La maltraitrance des enfants, un sujet encore largement tabou et difficile à reconnaître


La maltraitrance des enfants, un sujet encore largement tabou et difficile à reconnaître
PARIS, 24 mai 2013 (AFP) - Malgré des drames fortement médiatisés ces dernières années, la maltraitance des enfants reste un sujet encore largement tabou en France où elle fait l'objet d'un sous-diagnostic très important alors qu'elle touche toutes les classes sociales, selon des experts réunis vendredi à Paris.

"Le problème n'est pas suffisamment connu de l'ensemble des professionnels de l'enfance et les médecins ne sont souvent pas les mieux formés pour la déceler", relève le Dr Caroline Rey-Salmon, pédiatre et médecin légiste à l'Hôtel Dieu à Paris, l'une des deux organisatrices du colloque "Sévices aux enfants".

Car au-delà de la violence physique ou de l'agression sexuelle, la maltraitance inclut également des violences psychologiques, comme les humiliations et les insultes qui peuvent être à l'origine de conséquences sur la santé à très long terme.

Peu de statistiques fiables existent sur les mauvais traitements qui seraient responsables d'un à deux morts par jour d'enfants de moins de 15 ans en France, selon le Dr Rey-Salmon.

Les derniers chiffres officiels disponibles remontent au milieu des années 2000 et font état de 16.000 à 27.000 enfants maltraités selon les sources, un chiffre largement sous-évalué, selon le Dr Anne Tursz, pédiatre et épidémiologiste.

Elle rappelle qu'une étude publiée en 2008 dans la revue médicale Lancet en 2008 estimait que 10% des enfants pouvaient être touchés, "ce qui est vraisemblable pour la France".

Il est de surcroît difficile de savoir ce qui se passe dans les milieux aisés, alors que toutes les études montrent que les mauvais traitements ne sont pas l'apanage des catégories sociales défavorisées.

Leur dépistage s'avère particulièrement délicat. "Il est difficile pour un médecin d'imaginer une maltraitance chez quelqu'un qui lui ressemble socialement", relève le Dr Rey-Salmon.

Des signes d'appel

Pourtant, de nombreux signes d'appel existent. "80% des fractures de membres chez des enfants qui ne marchent pas devraient alerter les professionnels", relève le Dr Caroline Rambaud, médecin légiste à Garches, l'autre coorganisatrice du colloque.

Mais les investigations ne sont pas toujours appropriées ni suffisantes, même en cas de décès : seulement 50% des morts inattendues du nourrisson (MIN - incluant les morts violentes et les morts subites du nourrisson) font l'objet d'une autopsie, alors que selon le Dr Rambaud, tous ces décès devraient être "explorés systématiquement".

Environ 10% des 360 MIN répertoriés chaque année chez des enfants de moins de deux ans sont, selon elle, des "homicides".

Les signes les plus évocateurs de mauvais traitements sont généralement des fractures multiples intervenues à des dates différentes, des hématomes dans certaines régions spécifiques du corps (fesses, cuisses, joues), des lésions buccales et nasales, des brûlures, un état de dénutrition ou encore la perte de plaques de cheveux.

Malgré les nouvelles techniques d'exploration (échographies, scanners, IRM), qui ont amélioré les diagnostics, il reste dans certains cas "difficile de distinguer entre un accident et un comportement volontaire", reconnaît le Pr Michel Roussey, un pédiatre expert auprès de la Cour d'appel de Rennes.

Tout dépend dans ce cas du contexte : s'agit-il d'un incident isolé ou d'une récidive ? Existe-t-il d'autres lésions ?

La même difficulté existe pour attester médicalement d'un viol chez une adolescente, selon le Dr Rey-Salmon qui relève l'absence de "déchirure traumatique de l'hymen" dans la très grande majorité des cas qui lui ont été soumis, contrairement à ce qui se passe chez les fillettes pré-pubères en cas de pénétration.

Autre écueil pour les médecins, quelques très rares maladies, généralement d'origine héréditaire, peuvent être confondues avec des signes de maltraitance. Le Pr Roussey cite le cas de la "maladie des os de verre" qui rend les os extrêmement fragiles et qui peut être confondue avec le syndrome des enfants battus.

"Certains médecins hésitent à faire des signalements par peur des conséquences, d'autres pensent à tort qu'il faut avoir une certitude absolue avant de se prononcer, c'est ce qui se passait il y a quelques années avec les violences faites aux femmes", conclut le Dr Rey-Salmon.

Rédigé par Par Elisabeth ZINGG le Vendredi 24 Mai 2013 à 07:04 | Lu 507 fois