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La "libération de la parole" pour expliquer la hausse des violences conjugales


Tahiti, le 14 février 2022 - Après la présentation des chiffres de la délinquance pour 2021 par le haut-commissaire, Dominique Sorain, le 8 février dernier, le commandant de la gendarmerie pour la Polynésie française, le général Frédéric Saulnier dresse à son tour un bilan. S'il estime la délinquance "modérée", il déplore encore l'augmentation des violences intrafamiliales et le niveau d'accidentologie sur le territoire. Le général relève par ailleurs que la cybercriminalité est en hausse de 30% sur le territoire. 
 
 
Le haut-commissaire a présenté mardi les chiffres de la délinquance pour 2021, quel bilan tirez-vous de l'année écoulée? 

"Il convient de retenir en premier que la délinquance en Polynésie demeure modérée, maîtrisée et surtout encore en baisse cette année, sur la base d'une année référence 2020 qui était déjà en baisse. Ainsi, à titre d'exemple, la délinquance générale qui regroupe les indicateurs statistiques est en baisse de 3,9% en 2021 (cet indicateur global était déjà en baisse de 9,1 % en 2020) et la tendance baissière persiste donc en zone gendarmerie une année de plus, ce qui est un excellent constat. 7421 crimes et délits ont été ainsi constatés en 2021 par la gendarmerie contre 7725 en 2020. Dans le détail, les atteintes volontaires à l''intégrité physique sont en hausse de 14,5% (+ 329 faits) avec une baisse notable des violences physiques dites crapuleuses et une hausse des violences physiques non crapuleuses (+ 12 %) qui comprennent notamment les violences intrafamiliales qui sont, comme vous le savez, un sujet de préoccupation forte en Polynésie. La hausse persistante des violences intrafamiliales (VIF) est à mettre en perspective avec un effet de libération de la parole très fort à relier notamment avec un plan très volontariste mis en œuvre par la gendarmerie depuis novembre 2019"

Selon vous, pourquoi le bilan de la sécurité routière stagne t-il? ?

"En zone gendarmerie, nous terminons en effet  l'année en légère hausse sur le nombre d'accidents, mais en baisse sur les tués (25 en 2021, contre 28 en 2020) et les blessés. Ce bilan demeure cependant insatisfaisant car nous souhaitions tous que la mobilité moindre engendrée par les contraintes sanitaires se retrouve plus nettement dans les bilans statistiques. Cela n'a pas été le cas et les tendances lourdes constatées demeurent avec notamment la forte représentation des deux roues et la problématique de l'alcool et/ou des stupéfiants que l'on retrouve dans 65 % des accidents mortels, comme d'ailleurs très souvent dans les violences aux personnes en général. Cette problématique demeurera un axe prioritaire en 2022  et ce, tant sur le plan de la prévention que de la répression : la route tue en Polynésie et un fait sera toujours un fait de trop : derrière la statistique, il y a des réalités humaines et des familles endeuillées. Nous avons une responsabilité individuelle mais également collective face à cela. Comme le dit le slogan de la sécurité routière "Lorsque l'on aime quelqu'un, on le retient".
 
Quels sont selon vous les motifs de la baisse des atteintes aux biens en 2021 qui a été annoncée par le haut-commissaire mardi?

"Il est selon mon analyse double. Le premier est indéniablement l’effet covid, avec une plus grande sédentarité des personnes au regard des contraintes de mobilité en lien avec le couvre-feu ou le confinement. 2021 est clairement à ce titre une nouvelle année atypique mais les bilans 2021 sont pour le coup en comparaison de ceux de 2020 qui était une année déjà impactée par la crise sanitaire. La poursuite des baisses est donc de fait un motif de satisfaction à l'aune de ce constat. Le second motif est à mettre au crédit des enquêteurs de la Gendarmerie. Nos résultats ne sont pas le fruit du hasard et je note que nous avons un taux d'élucidation des cambriolages par la Gendarmerie de Polynésie qui est trois fois supérieur à la moyenne en métropole. Je salue légitimement dans ce cadre le travail des équipes d'investigation : un délinquant interpellé est un délinquant qui ne nuit plus, tout du moins momentanément. Tous faits confondus, c'est ainsi que 1143 individus ont été placés en garde à vue en 2021, contre 1063 en 2020, à périmètre de moyens constants encore une fois."
 
La gendarmerie œuvre également en matière de protection de l'environnement, est-elle assez armée? 

"J'ai pour ambition de structurer davantage la réponse de la Gendarmerie pour préparer l'avenir et faire face à un autre constat enjeu majeur pour la Polynésie : la protection de l'environnement. Je sens que les Polynésiens sont très légitimement attachés à la protection du Fenua et cela constitue clairement un enjeu stratégique, dans le domaine touristique, halieutique ou autre. La gendarmerie est déjà impliquée dans ce combat et de belles affaires ont été traitées en 2021 pour la protection d'espèces protégées (braconnages de tortues), ou la lutte contre les pollutions terrestres ou maritimes. Mon projet est d'armer encore le COMGEND sur ce contentieux avec davantage dans nos rangs de spécialistes, de référents ou enquêteurs atteintes environnement santé publique (RAESP/EAESP), organisation en miroir déconcentré et relais de l'office central du même nom (l'OCLAESP, office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique).Ce serait un signal très fort en 2022 qu'une antenne de cet office soit créée en Polynésie française. J'ai fait des propositions et fourni des éléments en central qui, je l'espère, se concrétiseront dans le cadre de l'élaboration en cours de la future LOPMI (loi d'orientation et de programmation). Ce serait une nouvelle déclinaison de l’action de l’État au profit de la Polynésie et cela aurait du sens au regard des spécificités et de l'histoire de ce territoire."
 
C'est un sujet dont on parle peu mais qu'en est-il de la cybercriminalité sur le territoire?

"J'ai noté cette année une augmentation des affaires en lien avec la cybercriminalité qui sont en hausse de 30 %, hausse notamment en lien avec des affaires d'escroquerie, d'atteintes aux systèmes de données  et abus de confiance. Ce constat a généré la mise en place d'un plan CYBER COMGEND ad hoc dès avril 2021 dont les modalités seront reconduites et amplifiées en 2022."
 
 

Rédigé par Garance Colbert le Lundi 14 Février 2022 à 08:05 | Lu 955 fois