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La grève, là où ça fait mal


Tahiti, le 25 novembre 2021 – La faible mobilisation dont est créditée la grève générale en cours depuis mercredi est compensée par une stratégie assumée de débrayages ciblés dans quelques secteurs essentiels. Peu de monde, mais une pression optimale et que les syndicats menacent de gérer crescendo.
 
La grève générale illimitée déclenchée mercredi est encore très peu visible et mobilise finalement assez peu aussi. Un recensement officiel fait état jeudi soir de 3,78% de mobilisation dans le secteur bancaire, 1% dans celui de l’hôtellerie, 5,36% dans le secteur de l’industrie, 5,1% dans la restauration, et de 1,18% dans le secteur du commerce. Une mobilisation pas meilleure dans les services du Pays où on recensait jeudi 1,99% de grévistes, ni dans l’éducation avec une participation résiduelle mesurée à 0,67%. Finalement seuls de très rares secteurs d’activité sont impactés, et encore à la marge. Mais ce déficit de mobilisation est compensé par une stratégie assumée par l’intersyndicale à l’origine du mouvement social. Une stratégie que Patrick Galenon, le leader du principal syndicat de Polynésie française, formule en ces termes : “Il nous suffit d’une petite mobilisation, pourvu qu’elle soit de qualité. Vous savez, il y a 61 000 salariés en Polynésie. Nous n’avons jamais eu l’ambition de les mettre tous en grève.”
 
Pour l’instant aucune nouvelle rencontre n’est prévue avec le gouvernement pour chercher un terrain d'entente sur les deux points de revendication qui ont vu s'échouer les négociation, mardi soir : le projet de réforme de la gouvernance de la PSG et la loi sur l'obligation vaccinale. De part et d’autres, on estime que le premier pas doit être fait par l’autre. En attendant, c’est dans des secteurs stratégiques que se porte tout l’effort de ce mouvement de grève, depuis mercredi. Pas besoin de forte mobilisation si la pression peut être maintenue dans les secteurs essentiels au fonctionnement de l’économie du Pays : Port, aéroport, secteur de l’énergie, des télécommunications… Et l'intersyndicale annonce depuis le début un mouvement qui sera “progressif”. Tour d’horizon avec un échantillon de secteurs sensibles.
 
• Des perturbations encore légères à ADT
 
Du côté de la société Aéroport de Tahiti (ADT), le fonctionnement de l’activité de réceptif est dégradé à Tahiti-Faa’a. L’entreprise compte 72 grévistes sur 190 employés. Une situation qui n’affecte pour l’instant que marginalement l’activité aéroportuaire. Un point noir cependant : l’aéroport de Raiatea est fermé depuis mercredi à la desserte des vols commerciaux en raison d’une forte mobilisation des services de sûreté nécessaires à son fonctionnement. Un réel problème pour la desserte des îles Sous-le-Vent. Mais, c’est la seule réelle perturbation qui affecte le fonctionnement de l’entreprise. ADT est gestionnaire de la plateforme aéroportuaire de Tahiti-Faa’a et chargée, pour le compte du Pays, de la gestion des aérodromes de Bora Bora, Rangiroa et Raiatea. 
La situation pourrait s’aggraver en cas de débrayage chez les pompiers de la plateforme de Tahiti-Faa’a, où quatre pompiers et un chef de manœuvres sont nécessaires pour le décollage ou l'atterrissage d'un vol long-courrier. Les agents de ce service sont majoritairement affiliés à la confédération O oe to oe rima, partie prenante dans l’intersyndicale à l’origine de la grève générale.
Rien à craindre en revanche du côté des 43 aérodromes gérés par la Direction de l’aviation civile du Pays. Si la présence d’un effectif minimum de personnels de sûreté est également imposée pour garantir les opérations de décollage et d’atterrissage des vols inter-îles, le syndicat maison, le Spadac, ne s’est partie prenante au conflit social en cours.
 
• Barrage filtrant et remorqueurs en grève au port
 
Sur le port, la pression syndicale est montée d’un cran jeudi, avec l’installation d’un barrage filtrant à l’entrée du terminal de commerce international à Motu Uta, alors que 15 des 17 employés de la cale de halage et du très stratégique service des remorqueurs sont en grève. Une situation qui interdit dans l’immédiat l’entrée en rade des navires de plus de 100 mètres. Plusieurs porte-conteneurs sont attendus lundi matin : le Tropical Islander et le Southern Trader. Dès samedi, la grève des remorqueurs met déjà en question le départ du cargo-mixte Aranui V en direction des Marquises.
Avec la mise en place, depuis jeudi matin, du barrage filtrant à l’entrée du terminal de commerce international, les grévistes n’autorisent que la sortie de zone sous douane des produits périssables ou pharmaceutiques. Sur les trois entreprises d’aconage, seules deux sont affectées par le mouvement de grève, les sociétés Sat Nui et Cotada. Elles dénombrent 73 grévistes, jeudi. Mais un préavis de grève court depuis mercredi à la société JA Cowan, avec une échéance en début de semaine prochaine.
Le port où la stratégie d’opérations ciblées adoptée par l’intersyndicale à l’origine de la grève générale marche parfaitement, avec les deux tiers d’agents grévistes dans le personnel de manutention et des remorqueurs à quai.
 
• Menace sur la centrale de Punaruu
 
Sur les 536 agents de l’entreprise EDT-Engie, il y aurait “50% de grévistes”, selon Patrick Taaroa, le délégué syndical CSIP. Le recensement officiel transmis jeudi soir par le Pays, fait état de 36,4% de mobilisation avec 240 grévistes. Les préavis déposés dans cette entreprise et dans ses filiales soutiennent des revendications essentiellement axés sur des demandes liées à la rémunération et au respect du protocole de sortie de crise signé en 2017.
L’ensemble des services de l’entreprise sont touchés. Pour l’instant, “les discussions se passent bien avec la direction”, indique Patrick Taaroa, alors qu’un quatrième projet de protocole de fin de conflit était en discussion avec la direction de l’entreprise jeudi. “On se voit tous les jours.” Si les agences commerciales sont plus ou moins impactées par la grève, c’est à la centrale de la Punaruu qu’un durcissement du mouvement pourrait s’avérer problématique avec pour l’instant 80% d’employés grévistes, d’après le syndicaliste. “Pour le moment, on assure le minimum de sécurité pour nos clients. La sécurité réseau est maintenue jour et nuit. Les agents d’astreinte pilotent les groupes. Mais il n’y a plus de maintenance, plus de ronde. En cas de pépin, ça peut s’avérer problématique.”
 
• Les antennes de la CPS fermées
 
Du côté de la Caisse de prévoyance sociale, la montée en pression s’est jouée jeudi sur les unités décentralisé de la Caisse, à Tahiti et dans les îles. Les antennes CPS de Faa’a, Punaauia, Mahina et Papara, soit quatre des cinq antennes CPS de Tahiti étaient fermées. Seuls deux non-grévistes ont permis l’ouverture de l’antenne de Taravao. Dans les îles, les antennes de Nuku Hiva, Hiva Oa, Tubuai, Rangiroa, Bora Bora sont fermées, tandis que celle de Raiatea est en service dégradé. Seule l’antenne de Huahine fonctionnait normalement jeudi. Un réel problème pour les assurés des îles, alors que la centaine de grévistes du siège de la CPS ont perturbé les opérations de contrôle et de validation des remboursements.
A la CPS, la grève est motivée par le refus du projet de loi du Pays modifiant la gouvernance du système de protection sociale généralisée. La sortie de crise y est donc conditionnée à un accord entre l’intersyndicale et le gouvernement. Rappelons que le gouvernement est opposé à la demande de réévaluation à 10 membres (au lieu de 5) de l’effectif des représentants des salariés dans la nouvelle composition du Conseil d’administration de la PSG qui prévoit de compter 15 administrateurs et qui passerait ainsi à 20.
 
• Les grévistes en attente à l’OPT

Un peu moins d’un agent sur cinq (18,6%) est en grève dans le groupe OPT où le recensement officiel fait état de 242 grévistes jeudi, soit 83 de moins que la veille. Le groupe OPT et ses deux filiales, Fare Rata et Onati, sont impactées. Le mouvement menace d’affecter le service postal et les télécommunications. Mais, la seule manifestation sensible du mouvement est le piquet de grève installé au rond-point de Fare Ute : “Pour l’instant on attend les directives de nos centrales”, expliquait jeudi Moana Pihatarioe, le délégué syndical CSIP.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 25 Novembre 2021 à 19:45 | Lu 6312 fois