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La fraude bancaire se porte bien


Tahiti, le 7 novembre 2021 - Comme chaque mois, l’Institut d’Emission d’Outre-mer (IEOM) vient de décortiquer le volume et la nature des fraudes sur les moyens de paiement utilisés dans les collectivités françaises du Pacifique. En Polynésie française, si la fraude à la carte bancaire est en hausse et provient notamment de l’utilisation de cartes contrefaites, la fraude au chéquier est en forte baisse. Le fenua reste encore également fortement impacté par les arnaques aux virements et prélèvements.
 
Depuis 2016, l’IEOM recense, dans le cadre de ses missions de surveillance monétaire, les cas de fraude aux moyens de paiement scripturaux (hors espèces) en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna. Un rapport instructif qui permet de comparer les territoires et d’apprécier les spécificités polynésiennes et mélanésiennes en la matière. Et elles sont nombreuses.
Ainsi, en 2020, 4 623 cas de fraude au moyen de paiement ont été recensés en Polynésie pour un montant fraudé de 170,7 millions de Fcfp. Ce chiffre, qui recouvre toutes les fraudes à la carte bancaire, chéquier, virement et prélèvement, est globalement en baisse par rapport à 2019. Un montant de fraudes de 409,4 millions de Fcfp avait alors été estimé par l’IEOM. Cependant, comme le relève l’Institut, l’année 2019 avait été “atypique” avec des fraudes dites “au Président” très significatives”.
 
2020, retour à la normale pour les virements
 
Dans ce type d’arnaque, le fraudeur contacte par courriel un salarié d’une entreprise cible, en se faisant passer pour le PDG. Après quelques échanges destinés à instaurer la confiance, le fraudeur demande que soit réalisé un virement international non planifié, au caractère urgent et confidentiel. La société sollicitée s'exécute, après avoir reçu les références du compte étranger à créditer. En 2019, une “fraude majeure” avait touché l’usine de Jus de Fruits de Moorea. Sur les 253,3 millions de Fcfp perdus en 2019 lors de fraudes au virement, 150 millions de Fcfp étaient à rattacher à celle seule entreprise. En 2020, les chefs d’entreprise ont été plus attentifs. La fraude au virement atteint 52,7 millions de Fcfp en Polynésie, soit quand même trois fois plus qu’en Nouvelle-Calédonie (16,7 millions de Fcfp).
Même leadership du fenua en ce qui concerne la fraude aux prélèvements avec des chiffres quatre fois supérieurs à ceux constatés en Nouvelle-Calédonie. Mais ce type d’arnaque est la plus limitée parmi celles analysées par l’IEOM. Selon l’Institut, il s’agit quasi-exclusivement de détournements, avec par exemple “l’usurpation par le fraudeur d’un IBAN aux fins de souscrire des services de téléphonie”. Une pratique qui nécessite là encore de la vigilance de la part des commerçants.
 
Fraudes à la carte bancaire en hausse
 
Dans les trois territoires du Pacifique, la carte bancaire est le moyen de paiement scriptural le plus utilisé. Si ce moyen de paiement est de plus en plus utilisé (+10% entre 2019 et 2020), la fraude à la carte bancaire est également en forte progression. En Polynésie, elle passe de 63,4 millions de Fcfp en 2018 à 78,1 millions de Fcfp (+23%). Une hausse comparativement réduite par rapport à celle enregistrée sur la même période en Nouvelle-Calédonie. Sur le Caillou, la fraude aux cartes de paiement atteint désormais 129,8 millions de Fcfp (+48%). Si à populations quasi égales, la Polynésie française présente donc un montant 50% inférieur à celui constaté chez nos voisins calédoniens, le fraudeur polynésien ne fait pas dans la demi-mesure. En effet, le montant moyen par fraude est nettement plus élevé sur le fenua. Alors qu’il ne s’établit qu’à environ 6 000 Fcfp par fraude à Wallis et Futuna et à 18 000 Fcfp en Nouvelle-Calédonie, il atteint plus de 20 000 Fcfp en Polynésie française. L’IEOM conclut à cet égard qu’en Polynésie “le montant moyen de la fraude est très largement supérieur à celui constaté en Métropole”. Un record qui s’accompagne d’une spécificité. Près d’une fraude sur deux (42%) est réalisée à partir d’une carte bancaire “altérée ou contrefaite”. Un pourcentage très supérieur à celui constaté en Nouvelle-Calédonie (15%) et en métropole (3%) alors que la catégorie “cartes perdues ou volées” n’apparaît pas être une “origine significative de fraude dans les collectivités du Pacifique”.
 
La fin du chéquier ?
 
Ça n’aura échappé à personne, le nombre de commerces acceptant les chèques se réduit jour après jour. Les petites affichettes en caisse évoquant le trop grand nombre d’incidents se multiplient. Le nombre de chèques émis a ainsi baissé de -9,6% entre 2019 et 2020. Moins de chèques acceptés signifie logiquement moins de fraude aux chèques. Le montant annuel de ce type de fraude est ainsi passé de 53,7 millions de Fcfp en 2019 à 29,8 en 2020. Le montant moyen par fraude au chèque est également en baisse, passant de 63 000 Fcfp à 51 000 Fcfp. Des chiffres très en-deçà de ceux recensés dans les établissements néo-calédoniens avec un volume fraudé par chèque de 97,2 millions de Fcfp et un montant moyen par fraude au chèque de 138 000 Fcfp…
Une évolution des indicateurs polynésiens cependant à confirmer. En 2020, la Polynésie française a connu plusieurs semaines de confinement avec un fonctionnement des commerces perturbés. Les établissements de restauration ont ainsi été très longtemps interdits d’ouverture. De même, l’IEOM note que l’arrêt du tourisme a joué sur les statistiques. L’amélioration des chiffres relatifs à la fraude aux cartes bancaires “tient sans doute au fait que les conditions sanitaires ont limité le nombre de touristes sur ces territoires en 2020 et par là-même le nombre de tentatives de fraude”. Le phénomène touche surtout l’utilisation de cartes émises en Métropole et à l’étranger “notamment en raison de contestation de paiements de la part de touristes à l’issue de leurs séjours”. En limitant ce type de fraude, il y a donc au moins un domaine où la crise de la Covid-19 a eu un effet positif sur l’économie.
 

Rédigé par Sébastien Petit le Dimanche 7 Novembre 2021 à 20:35 | Lu 5244 fois