Tahiti Infos

La cour des comptes épingle Air Tahiti Nui


La cour des comptes épingle Air Tahiti Nui
Dans le cadre de son programme de travail pour 2012, la chambre territoriale des comptes de la Polynésie française a procédé à l’examen de la gestion de la société d’économie mixte Air
Tahiti Nui
sur les exercices 2008 à 2011. Après avoir examiné les réponses écrites produites par MM. Etienne HOWAN et Oscar, TEMARU, la Chambre, lors de sa séance du 31 mai 2013, a arrêté ses observations définitives reproduites ci-après.

SYNTHESE DES OBSERVATIONS

De 2008 à 2011, force est de constater qu’Air Tahiti Nui n’a pas été en mesure de reprendre complètement son destin en main.
Les principales conclusions du précédent rapport de la chambre restent ainsi pour une large part toujours d’actualité en 2012. Il en est ainsi de l’existence d’un plan de redressement devant
permettre le retour à l’équilibre, du dimensionnement de la flotte ou encore des relations que la SEM entretient avec son actionnaire principal.

Les quatre années sous contrôle se caractérisent aussi par une forte instabilité au sein du conseil d’administration, notamment en ce qui concerne les administrateurs publics, instabilité qui a aussi contribué au manque de réactivité constaté au niveau du pilotage de l’entreprise. Ce manque de réactivité a eu des conséquences importantes comme l’inutile renouvellement de la location d’un avion en 2008, les difficultés à vendre un avion surnuméraire, l’entrée dans une des grandes alliances internationales ou la couverture du risque carburant.

Les résultats de la compagnie sont structurellement déficitaires, les pertes cumulées approchant les neuf milliards de F CFP entre 2008 et 2011. D’une façon générale, on peut observer
en 2008, une année très difficile due en partie à la hausse du prix du pétrole (non couverte) et aux répercussions de la crise économique sur l’activité touristique, en 2009, une amélioration malgré une importante charge de couverture sur le carburant prise à contretemps, en 2010, un exercice proche de l’équilibre et, en 2011, une rechute, en raison, notamment d’une nouvelle envolée du prix du carburant.
Sur la période, ces résultats ont dégradé la structure du bilan de l’entreprise qui a vu ses capitaux propres devenir négatifs en 2008 et ne représenter plus que 17 % des dettes financières de
l’entreprise à la fin de l’année 2011.

Toujours à la fin de cette année 2011, la diminution des capitaux propres a par ailleurs contraint la compagnie à procéder à une réduction assez drastique de son capital social. Si cette
diminution a permis à ATN de revenir au niveau de seuil légal, les moyens mis en oeuvre par la collectivité de rattachement appellent des observations. L’assemblée de la Polynésie française n’a en effet pas été amenée à prendre position sur une opération qui pourtant impacte le budget de la Polynésie française à hauteur de 10 milliards de F CFP.
Un comparatif sectoriel fait cependant ressortir certaines forces de la compagnie (flotte jeune, coût salarial moyen) qui sont contrebalancées par des faiblesses importantes (coefficient moyen de remplissage, effectif par avion et charge de carburant). Ces faiblesses s’expliquent en partie par l’importance des vols très longs courriers assurés par ATN.

En termes d’analyse de gestion, le principal évènement sur la période concerne le renouvellement du contrat de location d’un avion, intervenu en septembre 2008. Cette décision constitue une erreur stratégique importante que la compagnie continuait de payer au prix fort à la fin de l’année 2012. La volonté de conserver 5 avions dans la flotte, tout en réduisant le réseau d’ATN
illustre la difficulté qu’il y a à vouloir unir dans une même décision les volontés politiques de développement de l’offre de sièges et les contraintes économiques d’une entreprise. La crise de la fin d’année 2008 a, pratiquement au même moment, rendu la vente d’un avion très difficile à l’heure même où cette vente était rendue indispensable par le passage à un programme de vol ne nécessitant que 4 appareils.

Un autre élément marquant concerne le recours par Air Tahiti Nui à des outils financiers de couverture de risque carburant. Sans que ces outils ne doivent être condamnés a priori, l’utilisation qui en a été faite, à contretemps en 2009, et sous forme d’achats à terme plutôt que sous la forme d’achats d’assurance contre la hausse des cours s’est révélée très coûteuse. Sur la période, le hedging a coûté plus de 4 milliards de F CFP à la compagnie qui, sans cette charge, aurait d’ailleurs pu déclarer des comptes largement bénéficiaires en 2009.

Le nombre de billets à gratuité partielle, quant à lui, tend à diminuer, mais plus sous l’effet de la baisse des billets émis au profit des compagnies tierces que par suite des réformes internes
mises en place. Les contrôles effectués sur place ont par ailleurs montré que des améliorations pouvaient encore être apportées afin de fiabiliser les dossiers du personnel sur ce domaine.
Des améliorations devront aussi être apportées dans la gestion du fret, notamment grâce à l’informatisation de sa gestion. Cette informatisation ne peut plus être repoussée pour des raisons qui tiennent à la fois, à la règlementation du secteur (IATA) et aux bénéfices qui en découleront en matière de contrôle interne et de fiabilisation de l’activité.

En matière de politique salariale, le contrôle a mis en évidence que la productivité des salaires a sensiblement baissée depuis 2007 (- 12 % en 4 ans). Cela résulte des évolutions inverses
constatées des charges salariales (+ 1 % par an en moyenne) et du chiffre d’affaires (- 1,8 % par an en moyenne) entre 2007 et 2011. Sur la période, le coût moyen du personnel
augmente de 4,1 % en moyenne par an, soit un rythme plus de 3 fois supérieur à celui de l’évolution du chiffre d’affaires par salarié qui s’établit à 1,2 % entre ces mêmes dates.

En conclusion, la chambre constate qu’Air Tahiti Nui doit achever la mutation de son modèle économique en tenant compte de l’impossibilité, pour la collectivité de la Polynésie
française, d’apporter, seule, de nouveau capitaux, de la nécessité de faire des choix répondant à des logiques économiques, de l’obligation de statuer sur la poursuite de la ligne vers le Japon, et enfin de la nécessité d’anticiper les réformes, la compagnie n’ayant pas encore montré sa capacité à modifier ses règles de fonctionnement sans affrontement interne.

RECOMMANDATIONS

1. Comme déjà recommandé en 2008, lors du précédent rapport de la chambre, Air Tahiti Nui doit dimensionner sa flotte en cohérence avec son programme de vol (4 avions en 2012).
2. Après les excès dévastateurs de 2008, Air Tahiti Nui doit poursuivre dans son approche prudente de la couverture de risque sur les achats de carburant (hedging). Si l’utilité de celle-ci n’est pas mise en cause, son utilisation ne doit pas générer de risques inverses en figeant une trop grande partie des achats.
3. Air Tahiti Nui doit moderniser et sécuriser la gestion de son activité de fret afin de rester, voire de revenir dans les standards internationaux du secteur.
4. Air Tahiti Nui doit poursuivre les politiques de réduction des coûts et d’optimisation de ses processus (salaires, dimensionnement des équipages, billets GP…) afin que ceux-ci trouvent une traduction dans le compte de résultat pour une baisse réelle des charges de personnel.
5. Air Tahiti Nui pourrait envisager, avec la collectivité de rattachement, la possibilité d’une participation financière visant à prendre en charge une partie des pertes relatives à l’exploitation de la ligne vers Tokyo. A défaut, et dans le cas où les résultats de la compagnie resteraient trop fragiles pour autofinancer cette liaison, le maintien de la destination devra faire l’objet d’une réflexion et
d’une décision.

Rédigé par () le Lundi 14 Octobre 2013 à 06:35 | Lu 4134 fois