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La cocoteraie polynésienne, une filière d’avenir ?


La cocoteraie polynésienne, une filière d’avenir ?
La filière "coco" a produit 12.363 tonnes de coprah en 2012, dont 67% dans l’archipel des Tuamotu, 18,6% aux îles Sous-le-vent, 8,1% aux îles Marquises, 3,4% aux Iles-du-vent (Maiao) et 1,7% aux Australes (Rimatara). Plus de 10.000 personnes ont perçu une rémunération de cette activité l’année dernière, avec une augmentation observée de plus de 60% de l’effectif des coprahculteurs entre 2010 et 2012.
La filière coco est un secteur refuge par temps de crise, en Polynésie française. C’est la seule activité commerciale où la totalité de la production est achetée à prix fixe, 140 Fcfp le kg. Mais elle a trop longtemps vécu sur une rente de situation.

Refuge en temps de crise, cette filière est aussi pressentie comme un secteur d’avenir. Au ministère en charge de la régénération de la cocoteraie on estime cependant que le potentiel économique des cocoteraies polynésiennes n’est pas exploité à sa juste mesure. Seul le coprah est considéré, au mépris de l’exploitation du bois de cocotier, de celle de la bourre de coco. Au mépris aussi de la valeur énergétique qu'offre l’huile brute de coprah et qui pourrait offrir une autonomie énergétique considérable, au plan insulaire.

En Polynésie, la moyenne d’âge des cocotiers est supérieure à 60 ans, le parc est vieillissant et les rendements agricoles sont très inférieurs à ce qu’ils pourraient être. La production est de 300 à 500 kg par hectare et pas an, alors que des rendements normaux montrent, ailleurs, des productions voisines du triple de ce qui se fait sur le territoire.

Une mission d’expertise et de diagnostic de la filière coco a été menée dans les cinq archipels polynésiens du 18 janvier au 8 février derniers. Un rapport d’étape a été présenté hier matin à Daniel Herlemme, le ministre du développement des archipels et des transports interinsulaires en charge de la régénération de la cocoteraie.

L’étude menée par une équipe du Centre de Coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le Développement (Cirad) s’est attachée à réaliser une évaluation de la mise en œuvre des recommandations agronomiques formulées en 1997 par une précédente mission du Cirad, ainsi que de leur efficacité. Il y a quinze ans, deux mesures simples avaient notamment été suggérées par les experts agronomes, en guise de préconisations : arrêter la pratique du brûlis qui empêche la fertilisation ; développer des cultures légumineuses, pour fixer l’azote dans le sol. Quinze ans après, les pratiques ont guère changé.

Ce bilan à le double objectif de proposer des éléments destinés à l’établissement d’un plan de développement pluriannuel chiffré de la filière par les autorités du Pays et recueillir les informations permettant de préconiser des orientations pour les futurs projets de Recherche-Développement. Sa finalité est d’établir des solutions innovantes pour lever les verrous dans filière et favoriser la diversification.

Faire de la filière coco une vitrine durable et innovante du savoir faire agricole et technologique local, sécuriser le revenu des populations dans les îles en minimisant leur niveau de dépendance, notamment sur les questions d’énergie et de matériaux : c'est la vision de Daniel Herlemme, qui entend laisser ce travail en héritage à ses successeurs.

Daniel Herlemme, ministre en charge de la régénération de la cocoteraie
Daniel Herlemme, ministre en charge de la régénération de la cocoteraie
Daniel Herlemme : "La question de la cocoteraie n’est pas une affaire idéologique, c’est une problématique qui demeurera après 2013"

Tahiti infos : Quels est le constat qui ressort de cette étude sur la filière coco ?

Daniel Herlemme : Depuis 20 à 30 ans, la seule activité que l’on a cherché à développer est celle du coprah. L’année dernière, une réflexion s’est faite au sein du cabinet, pour voir quelle évolution cette filière pouvait avoir dans l’avenir, compte tenu des difficultés budgétaires que nous avons connues ces dernières années. Pour les populations des îles, il est urgent de développer d’autres activités que celle du coprah : des sous-produits, produits dérivés, etc. (…)
Le constat aujourd’hui, c’est que nous avons une cocoteraie vieillissante, des problématiques de techniques culturales au niveau des sols, des sols très pauvres, notamment dans les Tuamotu, qui nous imposent de trouver des techniques efficaces pour la régénération de la cocoteraie.
Nous avons fait des constats, eu des discussions avec les trois experts du Cirad et aujourd’hui trois pistes se dégagent clairement : la filière énergétique (utilisation de l’huile brute comme carburant, pour certaines communes isolées) ; la filière d’exploitation du bois de cocotier ; la filière alimentaire (eau de coco, lait de coco, etc).


Pensez-vous que la cocoteraie a été considérée comme le parent pauvre de l’économie en Polynésie et délaissée, jusqu’à présent ?

Daniel Herlemme : En général, c’est l’agriculture est le parent pauvre de notre économie, malheureusement. Concernant la cocoteraie, c’est vrai que nous avons une vision un peu abstraite de la cocoteraie. On a l’impression que ça pousse partout et facilement. Mais cette réalité n’est pas la même partout, sur le territoire. Les cocotiers poussent plus facilement aux Marquises, où les sols sont riches, qu’aux Tuamotu. Et s’ils poussent, il produisent moins. La cocoteraie a besoin d’un soutien et d’un apport en fertilisants. Elle a aussi besoin d’un entretien plus régulier.
Les replantations faites notamment après les cyclones, n’ont été que ponctuelles. Aujourd’hui, nous avons besoin d’engager une régénération systématique et sur l’ensemble du territoire. Nous avons commencé en 2011. Il faut continuer.


A 72 jours des élections territoriales, n’avez-vous pas le sentiment qu’il est un peu tard pour lancer ce genre de projets d’envergure ?

Daniel Herlemme : Je ne m’attarde pas sur cette échéance-là. Je ne suis pas là pour faire de la politique. Il est vrai que pour mettre en place ce plan de développement pluriannuel, sur les dix prochaines années, nous avons pris le temps qu’il fallait pour identifier la situation.
C’est vrai que 72 jours c’est court, mais nous avons commencé une action : je la mènerai aussi loin que possible et j’espère que ce plan d’action pluriannuel sera conduit par le gouvernement qui prendra en charge la cocoteraie, dès juin prochain. La question de la cocoteraie n’est pas une affaire idéologique, c’est une problématique qui demeurera après 2013 et une question que tous les gouvernements auront à traiter.



Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Vendredi 8 Février 2013 à 15:59 | Lu 2924 fois