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La capitale du Karabakh frappée par des tirs, l'Arménie prête pour une médiation


Stepanakert, Azerbaïdjan | AFP | vendredi 02/10/2020 - Les combats entre Arméniens et Azerbaïdjanais pour le Nagorny Karabakh faisaient rage vendredi, avec des frappes azerbaïdjanaises sur la principale ville de la région séparatiste, Bakou répétant sa détermination même si Erevan a entrouvert la porte d'une médiation.

Parallèlement, la France a accusé la Turquie d'envenimer la situation en envoyant, selon elle, des "jihadistes" de Syrie combattre avec les Azerbaïdjanais. 

Dans un communiqué, la diplomatie arménienne a amorcé une timide ouverture, se disant prête à "s'engager avec les pays coprésidant le groupe de Minsk de l'OSCE pour rétablir un cessez-le-feu", en référence au médiateur franco-américano-russe du conflit.

Après ce premier geste au sixième jour d'hostilités, Bakou a signifié que le conflit n'a qu'une issue: le retrait arménien du Nagorny Karabakh, région azerbaïdjanaise majoritairement peuplée d'Arméniens et qui a fait sécession à la chute de l'URSS.

"Si l'Arménie veut voir la fin de cette escalade de la situation, (...) l'Arménie doit mettre fin à l'occupation", a déclaré à la presse Hikmet Hajiyev, conseiller de la présidence azerbaïdjanaise.

Ces annonces interviennent au lendemain d'une déclaration commune des présidents Emmanuel Macron, Vladimir Poutine et Donald Trump appelant à la fin des hostilités.

Vendredi, les affrontements ont continué sans relâche.

La principale ville séparatiste, Stepanakert, a notamment été frappée par les forces azerbaïdjanaises, les bombardements faisant "de nombreux blessés parmi la population civile" et des dégâts matériels, selon le ministère de la Défense arménien.

Des sirènes d'ambulances résonnaient vers 10H00 GMT dans la ville, où plusieurs explosions ont été entendues lors des dernières heures, selon un correspondant de l'AFP.

Des deux côtés du front, des habitants se disaient déterminés. 

"Il n'y a pas de peur, mais de la fierté (...) A la guerre comme à la guerre. Des négociations, c'est de la foutaise, il faut une capitulation" affirme Arkadi, 66 ans, un habitant de Stepanakert, tandis qu'une explosion se fait entendre.

Dans le district de Fizouli, côté azerbaïdjanais, les enfants ont été évacués des localités proches du front, selon un photographe de l'AFP. Beaucoup d'hommes se sont portés volontaires pour combattre.

"Nous n'avons pas peur, on n'a pas beaucoup de blessés", soutient Anvar Aliev, 55 ans, un chauffeur de taxi azerbaïdjanais, appelant à "reprendre nos terres".

L'armée arménienne a accusé vendredi Bakou d'utiliser des "armes à sous-munitions" interdites, tandis que l'Azerbaïdjan a affirmé que des journalistes avaient essuyé des tirs d'artillerie arméniens dans un village azerbaïdjanais. 

"Ligne rouge"

Le président français, qui entretient déjà des relations difficiles avec son homologue Recep Tayyip Erdogan, a lui affirmé jeudi que 300 combattants "jihadistes" ont quitté la Syrie pour rejoindre l'Azerbaïdjan en passant par la Turquie. Une "ligne rouge" selon lui.

"C'est de la désinformation", a réagi le conseiller à la présidence azerbaïdjanaise, M. Hajiyev. 

La Russie avait fait état d'informations similaires, sans accuser directement Ankara, avec qui elle a une relation compliquée mais pragmatique.

Vendredi, la porte-parole de la diplomatie arménienne a de nouveau affirmé que "l'armée turque combat aux côtés de celle de l'Azerbaïdjan". Des accusations rejetées par les intéressés.

Une intervention directe turque constituerait un tournant majeur et une internationalisation de ce conflit dans une région, le Caucase du Sud, où de multiples puissances sont en concurrence: Russie, Turquie, Iran, pays occidentaux...

Le Nagorny Karabakh, en majorité peuplé d'Arméniens, a fait sécession de l'Azerbaïdjan, entraînant une guerre au début des années 1990 qui avait fait 30.000 morts. Le front est quasi-gelé depuis, malgré des heurts réguliers, notamment en 2016.

Revendications contradictoires

Les deux camps ont largement ignoré les multiples appels depuis dimanche de la communauté internationale à faire taire les armes.

Selon Moscou, la Russie et la Turquie sont prêtes à une "coordination étroite pour stabiliser la situation" au Nagorny Karabakh. Ankara ne s'est cependant pas prononcé.  

La Russie entretient des relations cordiales avec les belligérants, deux anciennes républiques soviétiques, mais elle est plus proche de l'Arménie, qui appartient à une alliance militaire dominée par Moscou.

Aucun des deux camps ne semble avoir pris l'avantage sur l'autre, chacun revendiquant des succès démentis par l'autre. 

Vendredi, Erevan a assuré que l'armée azerbaïdjanaise "a échoué à percer les défenses arméniennes", tandis que Bakou disait avoir pris des positions dans le nord et forcé les Arméniens à la retraite dans le sud. 

Selon les bilans très partiels communiqués depuis dimanche, 190 personnes sont mortes: 158 soldats séparatistes, 13 civils arméniens, et 19 civils azerbaïdjanais. Bakou ne communique pas ses pertes militaires.

Mais le bilan pourrait être bien plus lourd, l'Arménie affirmant que 1.280 soldats azerbaïdjanais sont morts, quand Bakou dit avoir tué 2.300  militaires adverses.

Deux journalistes français blessés jeudi au Karabakh sont par ailleurs "en cours d'évacuation", selon la diplomatie française. 

le Vendredi 2 Octobre 2020 à 04:33 | Lu 196 fois