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La TVA sociale abaissée à 1%


Tahiti, le 21 mars 2022 –  Le taux de la TVA sociale devrait être abaissé à 1%, pour une taxe qui reste non déductible et mise en place dès le 1er avril. Lundi en réunion tripartite, les partenaires sociaux ont majoritairement repoussé la proposition d’Édouard Fritch de "surseoir" à la mise en place de cette nouvelle taxe.
 
L’application de la TVA sociale aura bien lieu le 1er avril, mais à un taux ramené à 1%. Et cette taxe reste non déductible. Un projet de texte modificatif de la loi du Pays du 27 décembre dernier pour la simplification du système fiscal a été acté lundi en conseil des ministres extraordinaire. Ce projet de loi du Pays doit être transmis à l’assemblée mardi pour un examen en séance plénière en début de semaine prochaine.
 
Lundi matin, le président Fritch s’est pourtant dit "prêt à surseoir" à la mise en place de cette nouvelle taxe, lors d’une réunion tripartite organisée à la présidence. Une annonce du chef de l’exécutif qui tranchait singulièrement avec la posture jusqu’à présent rigide de son ministre de l’Économie, en charge du chantier de sauvetage du système de santé et de solidarité polynésien. Yvonnick Raffin qui, la semaine dernière encore, balayait toute option de repli en insistant sur une conjoncture soumise à "temporalité d’urgence". Mais si la porte s’est entre-ouverte lundi pour un report de cette taxe, c’est finalement face au refus de la majorité des partenaires sociaux présents que l’option d’un abaissement du taux à 1% a été retenue par le gouvernement, et acté l’après-midi même.
 
Pas de sursis
 
Syndicats d’employeurs et de salariés sont en effet majoritairement contre un report de l’application de la TVA sociale, conscient du besoin criant de finances du système de protection sociale polynésien. Les syndicats affiliés FO, qui ont boycotté la grève de jeudi levée contre cette TVA sociale, prônent depuis la semaine dernière un aménagement de son taux. Un avis réitéré lundi par Patrick Galenon et derrière lequel se range la CSIP, comme l’a exposé Cyril Le Gayic.
 
Du côté du patronat, pour Frédéric Dock, avec le contexte inflationniste, "la question, c’est de rendre les choses moins douloureuses pour le consommateur". Pour le président du Medef-Polynésie, inutile de reporter la mise en place de la TVA sociale. "L’important aujourd’hui, c’est de s’entendre sur les financements nécessaires cette année et ceux pour l’année prochaine. Sur les mécanismes, ça passera par une taxe." "Inutile" aussi pour la CPME de surseoir la date d’application de cette taxe pour la solidarité : "On préfère la mettre en place et moduler le taux", confirmait lundi Christophe Plée. Mais le secrétaire général du syndicat patronal était plus sur un curseur "0,5% ou 0,7%, au démarrage quitte à faire évoluer le taux pour parvenir à 1,5% l’année prochaine". Seul l’intersyndicale à l’origine de la grève de jeudi demeurait en faveur d’un report. "Ajourner jusqu’en juin, juillet, et faire un point sur les besoins réels de la PSG", apparaissait comme la décision la "plus sage", pour Dimitri Pitoeff, le secrétaire général adjoint de la confédération A ti’a i mua.
 
Recettes en baisse
 
Pour rappel, le mécanisme de cette TVA sociale tel que prévu par la loi du 23 décembre introduit pour l’heure à compter du 1er avril une taxe non déductible de 1,5% à tous les stades de la commercialisation, de l’importation à la distribution. Si le Pays en attendait un rendement de 12 milliards de Fcfp en année pleine, dédiés au financement des comptes sociaux, en bout de course, à l’exception des Produits de première nécessité (PPN), le risque était de voir bondir de 4 à 6% le prix de tous les biens de consommation. Et ce, dans un contexte déjà fortement inflationniste en Polynésie, avec un indice des prix à la consommation mesuré par l’Institut de la statistique en hausse de +1,8% en janvier 2022 et de +1,1% le mois dernier, après une hausse de +3,9% sur les produits alimentaires en 2021.
 
Un risque inflationniste diminué, mais toujours présent, avec un taux abaissé à 1%. Reste des prévisions de rendement annuel diminuées à 9 milliards de Fcfp en année pleine et à 6 milliards de Fcfp pour 2022. Aussi, un réajustement à la hausse du taux n’est-il pas exclu en septembre prochain, si les recettes constatées venaient à s’avérer insuffisantes. D’ici là, une nouvelle rencontre avec les partenaires sociaux est programmée pour le 29 mars prochain, à trois jours de l’entrée en vigueur de cette taxe. Elle devrait poser le décor d’un travail de concertation tripartite à mener dans les prochains mois, en prévision d’un possible réajustement à la hausse du taux au quatrième trimestre. Pour l’instant, la balle est donc renvoyée dans le camp des partenaires sociaux.
 
Reste aussi qu’il aura fallu une manifestation finalement assez populaire jeudi 17, avec entre 1 500 et 2 000 personnes dans la rue dénonçant la vie chère, pour faire bouger les lignes. Bien que suivie de peu d’avancées le jour-même, à l’issue d’une rencontre avec Yvonnick Raffin et le vice-président Jean-Christophe Bouissou, dès le lendemain, une invitation étaient adressée à l’ensemble des partenaires sociaux pour une rencontre tripartite mise sur pied à la hâte, le 21 mars, 10 heures, à la présidence et en présence d’Édouard Fritch.
 
Finalement, à considérer l’affaire sous un prisme politicien, il semble que pour Édouard Fritch, la "temporalité d’urgence" martelée par Yvonnick Raffin soit à géométrie variable, et qu’un petit geste soit de bon augure à l’approche des élections législatives de juin et dans la perspective des territoriales d’avril 2023.

Un besoin de 9 milliards de Fcfp en 2022

Alors qu’un projet de loi abaissant d’un tiers le taux de la TVA sociale est dans les tuyaux, les élus de l’assemblée sont convoqués mardi pour la première séance de la session extraordinaire. À l’ordre du jour figure notamment la création d’un compte d’affection spéciale, le Fonds pour la protection sociale universelle (FPSU). C’est la ligne budgétaire sur laquelle doivent être fléchées la totalité des recettes fiscales générées par la Contribution pour la solidarité (TVA sociale), à partir du 1er avril prochain.
 
Le projet de délibération a été transmis ce vendredi à l’assemblée. Sur la base du mécanisme actuel de cette nouvelle taxe, ce fonds table sur 9 milliards de Fcfp de recettes. La manne doit permettre de financer un versement de 2 milliards de Fcfp en faveur du régime de solidarité via le Fonds pour l’emploi et la lutte contre la pauvreté (Felp), et un versement de 7 milliards de Fcfp pour éponger les besoins de trésorerie du régime général des salariés de la caisse de prévoyance sociale.
 
À partir du 1er janvier 2023, le FPSU sera en outre abondé par l’intégralité des taxes fiscales qui abondent au Felp, pour la seule partie destinée au financement du régime de solidarité de la Polynésie française, soit près de 30 milliards de Fcfp, hors TVA sociale. 

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Lundi 21 Mars 2022 à 19:33 | Lu 4284 fois