Tahiti Infos

La Réunion: au-delà du pass sanitaire, la colère contre les injustices


Richard BOUHET / AFP
Richard BOUHET / AFP
Saint-Denis de la Réunion, France | AFP | samedi 21/08/2021 - Kevin est venu manifester "encore une fois" samedi à Saint-Denis-de-la Réunion. Il n'est pas "farouchement" opposé au vaccin et au pass sanitaire, mais se dit "contre les atteintes au mode de vie des Réunionnais et plus globalement contre les injustices".

Descendu dans la rue en novembre 2018 lors de la première manifestation des Gilets jaunes à La Réunion, ce trentenaire originaire du nord-est de l'île, qui ne veut pas donner son nom de famille, était alors resté sur les barrages pendant plus de trois semaines. 

"C'est la même chose aujourd'hui, avec les dalons ("amis" en créole réunionnais) nous manifestons pour dire à Emmanuel Macron +nous sommes toujours en colère, aucun problème n'a été réglé et maintenant vous voulez nous humilier encore plus+" explique Kevin, en évoquant l'entrée en application du pass sanitaire conjuguée aux restrictions sanitaires propres à La Réunion.

Pour tenter de freiner la propagation du virus, le préfet a décrété depuis le 31 juillet un couvre-feu strict ainsi qu'un confinement partiel avec interdiction de se déplacer à plus de 10 km (et 5 km le dimanche). Les pique-niques dans l'espace public sont interdits et la préfecture recommande de ne pas organiser de fête chez soi ou dans les salles de réception.

Dans une île où plus de 38% de la population vit sous le seuil de pauvreté, avec un chômage à 20%, ces mesures sont particulièrement mal ressenties.

"Les repas de famille et les pique-niques du dimanche sont une institution chez nous. Cela fait partie de notre culture, de notre mode de vie, de notre +kissa nou lé+ (+qui nous sommes+ en créole réunionnais)", note Eva Boyer, sans emploi, mère de trois enfants.

Mais "pour une fois, nous sommes traités à égalité avec les gros zozos (les nantis, NDLR), comme eux on ne peut plus aller au restaurant le soir", ironise Marc Morel, 21 ans, à la recherche d'un emploi.

"Rien n'a bougé"

En 2018, alors qu'il venait de quitter l'école sans diplôme, il avait lui aussi rejoint les barrages des Gilets jaunes dans le sud de l'île. Il manifeste avec les anti-pass depuis deux samedis "parce que rien n'a bougé depuis" et que "cela fait du bien de crier sa colère".

Le même mécontentement anime Eva Boyer. Pendant le mouvement des gilets jaunes, elle a "squatté pendant neuf jours devant l'entrée du port-est", le seul port marchand de l'île, pour protester symboliquement contre la cherté de la vie.

A la Réunion, le coût de la vie est de 20 à 30% plus cher qu'en France métropolitaine.

"Les flics nous ont gazés et chassés. Le gouvernement nous a embrouillé avec son Bouclier qualité prix" garantissant des prix bas une série de produits, et "au final rien n'a changé, la vie est toujours aussi chère, elle va même augmenter soi-disant à cause du Covid", ajoute Eva Boyer.

Le prix du riz, dont chaque Réunionnais consomme environ 50 kilos par an, a augmenté de 15 centimes le kilo depuis le début de la pandémie en raison de la hausse du coût de fret.

"Les prix des containers ont augmenté de 3.000 euros depuis le début de la crise Covid", a expliqué sur Réunion la 1ère Patrick Barjonet, directeur de Soboriz, le principal importateur de riz.

"Moi et toute ma famille, nous sommes vaccinés, ce n'est pas ça le problème, le problème c'est la misère dans laquelle on veut nous maintenir, alors je descends dans la rue avec les gens qui ne veulent pas du vaccin", résume Eva Boyer.

Selon les forces de l'ordre, 2.600 personnes ont manifesté samedi à La Réunion. Un chiffre divisé par deux par rapport au samedi précédent.

le Dimanche 22 Août 2021 à 11:32 | Lu 238 fois