Tahiti Infos

La FEPSM de Raiatea jette l'éponge


Papeete le 25 septembre 2022 - C’est avec beaucoup d'amertume que les membres de la station des sauveteurs en mer FEPSM de Raiatea ont décidé de fermer boutique, faute d'aides publiques. La station se trouve pourtant à "un endroit très actif en termes de trafic maritime", mais refuse de ne plus travailler qu'avec des moyens privés. Désormais, le JRCC devra coordonner avec les seuls moyens de l'État les interventions de secours dans la zone, pour un coût plus élevé pour la collectivité.
 
La station des sauveteurs en mer FEPSM de Raiatea a mis la clé sous la porte jeudi dernier. "Au grand regret de ses bénévoles", assure le désormais ex-responsable de la station, Christopher Brosse. Cette structure existe depuis sept ans et la mer n’a pas toujours été calme pour elle. Selon ses membres, cela fait au moins autant d'années que les bénévoles doivent quémander au Pays et à la commune la possibilité d'avoir "un minimum de moyens pour assurer un sauvetage digne de ce nom".
 
Derniers problèmes en date : la demande de mise à disposition d’un bateau de la Direction des ressources marines (DRM) pour le sauvetage, l'entraînement et les surveillances en mer ou encore la nécessité de trouver un local pour entreposer le matériel de secours. Concernant la première demande, la station a essuyé un refus "catégorique" du ministre de tutelle, Heremoana Maamaatuaiahutapu. Selon Vetearii Flohr, le président de la Fédération d’entraide polynésienne de sauvetage en mer (FEPSM), le ministère a en effet assuré que l’antenne de la DRM de Raiatea avait besoin de son embarcation pour ses missions. Mais pour Christopher Brosse, le "partenaire" qu'est la DRM de Raiatea ne trouvait pourtant rien à redire à l'utilisation du navire. "Depuis plusieurs mois, le bateau en question est sur une remorque à attendre qu'on veuille bien l'utiliser (…) car il n'y a pas le personnel suffisant pour naviguer", dénonce Christopher Brosse.
 
Pour ce qui est du stockage, l’antenne de la DRM a mis un local à disposition jusqu’à ce qu'il soit déclaré insalubre pour des raisons de sécurité. Christopher Brosse est allé frapper à la porte de la commune et du Pays. Mais là aussi, il a essuyé un refus avec comme seule proposition celle de louer un local. "On est une association entièrement bénévole. On n'a franchement pas les moyens d'assumer un loyer. Déjà que les frais bancaires de l'association, c'est moi-même et le trésorier qui les payons sur nos propres deniers parce qu'on n'a pas assez de fonds qui rentrent. À un moment donné, le bénévolat, c'est bon." Le président de la FEPSM Vetearii Flohr confirme : "Ce n'est pas avec les pauvres petits dons qu'on a avec les mécènes qu'on va réussir à acheter un bateau. Aujourd'hui par manque de moyen on ne peut plus faire tourner la station".
 
"L'hélicoptère ou le Gardian, un coût énorme"
 
Une fermeture qui attriste Christopher Brosse. "Ça permettait aux gens de pouvoir profiter de la mer et du lagon en toute sécurité. Aujourd'hui, s'il y a une avarie sur un bateau, il faudra attendre de longues heures pour être secouru." Désormais, c’est donc le Joint Rescue Coordination Centre (JRCC), le centre de coordination de sauvetage basé à Tahiti, qui n’aura plus de relai local à Raiatea pour ses opérations. Une "grande perte" pour le sauvetage en mer, confirme Vetearii Flohr, la station de Raiatea se trouvant à "un endroit très actif en termes de trafic maritime. On est un peu dans l'embarras car Raiatea était assez souvent sollicité par le JRCC pour des opérations".
 
Ce que confirme Christopher Brosse à Raiatea. Le JRCC Papeete devra désormais engager le Gardian et les hélicoptères pour les futurs sauvetages. "Au niveau humain et matériel, ça a un coût énorme qui était diminué grâce à la station de sauvetage. Si le Pays juge que c’est mieux pour la collectivité de déclencher ce genre de moyen au lieu des nôtres, qu'il se débrouille". La station Raiatea avait même la particularité de disposer d'un moyen aérien pour les recherches en mer. Un partenariat avait été mis en place avec une société privée de Raiatea détenant des ULM. "En gros, on avait tous les moyens disponibles sauf le principal : un navire".
 
En effet, depuis l’ouverture de la station ce sont les sauveteurs bénévoles et leurs moyens nautiques qui assurent les opérations. Une situation assez répandue en Polynésie, sauf aux Marquises et à Vaitupa où des vedettes ont été mises à disposition. Christopher Brosse l'assure, les sauveteurs bénéficient de moins en moins d’aide et prennent de plus en plus de frais à leur charge. "Le défraiement de carburant, c'est quand on l'a et pas tout le temps. Si on a un souci avec un des bateaux, personne à par nous ne prend en charge les réparations ou les entretiens des navires." Une situation qui n'est plus tenable par les sauveteurs de Raiatea. "On ne peut pas se permettre, nous particuliers, de mettre systématiquement à disposition nos propres unités. Déjà qu'on est bénévole, qu'on donne de notre temps et de notre énergie… Nos doléances ont toujours terminé au fond d'un tiroir. Si le Pays juge que nos demandes ne sont pas nécessaire et ne sont pas utiles, nous allons consacrer notre temps et notre énergie à d'autres actions."
 
Effet domino
 
Pour le président de la FEPSM, Vetearii Flohr, cette problématique financière démotive. Actuellement, avec la fermeture de la station de Raiatea, il reste dix stations, dont cinq aux Tuamotu-Gambier, deux aux Marquises, une à Bora Bora et deux aux îles du Vent. Avant la mise en place de la FEPSM en 2009, ils étaient plus de 300 bénévoles à s’être inscrits pour participer au projet. "Pour vous dire que tout le monde était intéressé par l'objet social, celui de l'entraide", se désole Vetearii Flohr. Treize ans plus tard, les effectifs ont été divisés par trois et ils ne sont désormais plus que 110 bénévoles. "La chute est phénoménale et cela continue, années après années", constate le président de la FEPSM pour qui le problème central est celui des moyens.
 
"Ça va être compliqué de rester efficient dans la chaîne opérationnelle du sauvetage", estime Vetearii Flohr. Le sauvetage en mer relevant de la compétence de l'État, le président de la FEPSM rappelle que près de 6 millions de Fcfp d'aides nationales ont encore été versées cette année et implore le Pays de "ne pas rester caché derrière une question de compétence" en intervenant lui aussi financièrement : "Pourquoi une association sportive ou de jeunesse serait soutenue et nous pas ?" Pour Vetearii Flohr, d’autres stations pourraient elles aussi finir par jeter l'éponge comme Raiatea. "J'ai pris ça comme un échec personnel, car j'ai manqué à la mission que je m'étais donnée. C’est-à-dire de développer le sauvetage en mer et de le doter de moyens. Je vais d'ailleurs proposer ma démission en tant que président fédéral lors de la prochaine assemblée générale."
 

Christopher Brosse, responsable de la station de sauvetage en mer de Raiatea : "On ne peut plus faire tourner la station"

Pourquoi avoir fermé la station de Raiatea ?

"La station a été fermée par manque de moyen. Cela fait des années qu'on se bat pour avoir un minimum de moyen pour assurer un sauvetage digne de ce nom et le Pays ne nous aide pas à obtenir des moyens corrects. Ce n'est pas avec les pauvres petits dons qu'on a, avec les mécènes, qu'on va réussir à acheter un bateau. Aujourd'hui, on ne peut plus faire tourner la station." 
 
Vous utilisez vos moyens personnels jusqu'à aujourd'hui ?
 
"Jusqu'à maintenant, on utilisait nos moyens privés. Le problème, c'est qu'on a de moins en moins d'aide. Le défraiement de carburant c'est quand on l'a. S'il y a un souci avec un des bateaux, personne ne prend en charge les réparations ni les entretiens de navires. Et quand on voit aujourd'hui le coût de la vie, on ne peut pas se permettre, nous particuliers, de mettre à disposition nos propres unités. On donne de notre temps et de notre énergie et il y a quand même des limites au bénévolat".
 
Il était question que vous utilisiez le bateau de la DRM ?

"Effectivement, la DRM a remis en état plusieurs unités. Et dans ces unités il était prévu d’en mettre un à la disposition de l'antenne de Ra'iatea. Une fois le navire prêt, il a été décide que le navire ne pouvait être attribué, étant donné le nombre de missions qu'ils avaient en mer à assurer. Finalement le bateau est pour l'instant sur une remorque depuis plusieurs mois, à attendre qu'on veuille bien l'utiliser. L'antenne de la DRM de Raiatea nous avait également mis à disposition un local. Aujourd'hui, les locaux sont vétustes et doivent être rénovés. Ils ont été déclarés insalubres et on n'a plus de local. On a fait des demandes au niveau de la commue et des services administratifs, ne serait-ce que pour mettre notre matériel en sécurité… Il n'y a aucun local de disponible et pas d'endroit pour stocker notre matériel. La seule réponse que j'ai eu c'est de trouver un local à louer."
 

Vetearii Flohr, président de la FEPSM : "Je demande au Pays de ne pas rester cacher derrière une question de compétence"

Le Pays est-il au courant de la situation à Raiatea ?


"Le Pays est parfaitement informé de la situation particulière de la fédération. À maintes reprises, on les a sollicités. On leur a dit qu'à un moment, il faudra qu’ils interviennent sur le fonctionnement de la fédération. Ils refusent car le statut d'autonomie prévoit que le sauvetage en mer est de compétence État. Mais on n'est pas une association des amis de la carotte. On parle de sauver des vies en mer. C'est fini le concept de la FEPSM où tu viens avec ton moyen privé pour faire du sauvetage en mer. Ça a fonctionné pendant quelques années, mais aujourd'hui c'est fini. Car si le bateau a une casse, qui va payer ? Toutes ces problématiques sont les mêmes qu'il y a dix ans. C'est pour ça qu'il faut que le Pays participe. On est des Polynésiens, pourquoi il ne pourrait pas nous aider ? On est en discussions continuelles, mais c'est compliqué".
 
Vous pensez que cette fermeture va faire réagir ?
 
"La fermeture de cette station, c'est d'abord une perte pour le JRCC. Car dès qu'il y avait un événement en mer, c'est la station de Raiatea qui était appelée. J'espère bien que le Pays va se bouger. On a une assemblée générale la semaine prochaine. Je demande au Pays de mieux nous soutenir et de ne pas rester cacher derrière une question de compétence."
 

Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Lundi 26 Septembre 2022 à 16:53 | Lu 3728 fois