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L'organologue Frédéric de la Grandville signe la Polynésie française sous le règne de Louis-Philippe


PAPEETE, le 5 novembre 2016 - Voici le titre d’un ouvrage de Frédéric de la Grandville, organologue, maître de conférences à l’université de Reims Champagne-Ardennes. Paru aux éditions L’Harmattan, le livre donne une description des faits politiques, économiques et factuels des débuts de la guerre d’indépendance menée par une partie des Tahitiens.

Maître de conférences à l’université de Reims Champagne-Ardennes, organologue (lorganologie est la science des instruments de musique), Frédéric de La Grandville publie sur internet un catalogue de 3 800 instruments de musique conservés dans les musées de France. Parmi ceux-ci, une dizaine d’instruments de la collection océanienne d’Edmond de Ginoux au musée de Cannes lui ont donné l’occasion de publier en 2001 chez L’Harmattan une biographie de ce collectionneur. La Polynésie française sous le règne de Louis-Philippe est, en quelque sorte, "la suite politique".

Tahiti Infos : Pouvez-vous nous de quelle "histoire" parle votre ouvrage?
Frédéric de la Grandville : "Il s’agit de l’histoire de la Polynésie pas encore française, dans les confuses démêlées de la diplomatie de Paris entre annexion et protectorat de 1838 à 1848. L’ouvrage donne dans ces dates une description des faits politiques, économiques et simplement factuels quant aux débuts de la guerre d’indépendance menée par une partie des Tahitiens, avec l’aide discrète des anglais tant officiers de marine que missionnaires. Toutefois, cette diplomatie hésitante sous le règne de Louis-Philippe doit être replacée dans le cadre plus général de l’Entente Cordiale. Si l’Angleterre peut se désintéresser de Tahiti et laisser les mains libres aux français, c’est qu’elle s’active sur un autre théâtre plus en vue de ses intérêts propres, la Nouvelle-Zélande. L’autre personnage important de cette saga est le Gouverneur Armand Bruat, que Ginoux a bien connu."

Qui est Ginoux ?

"Edmond Ginoux de La Coche, âgé de 32 ans, est un rentier, libéral, républicain même, qui a séjourné deux ans et cinq mois en Polynésie. Il a vécu à Tahiti une période dramatique de conflits entre civils et militaires, anglais et français, catholiques et protestants. Ca a été aussi pour lui une intense période de labeur personnel : il a été à la fois homme de loi, procureur du roi à Papeete et journaliste fondateur du premier journal à Tahiti : "L’Océanie française". Fin observateur, d’une mémoire prodigieuse, aidé d’informateurs multiples, il nous a transmis un témoignage différent des auteurs déjà connus comme Moerenhout ou Radiguet. Offusqué par l’arrogance des officiers français, par la brutalité des baleiniers, par les prévarications des marchands, il a milité pour le respect des tahitiens et l’exercice d’une justice honorable. Son indépendance matérielle et sa liberté de penser lui ont permis de prendre une distance très étonnante pour l’époque."

Quelle période votre ouvrage couvre-t-il précisément ?

"La période allant de 1838 à1848. La justification de ces dates est fondée sur la biographie de Ginoux, en ses rapports avec l’histoire de la Polynésie française : Ginoux est arrivé à Tahiti en novembre 1843 mais son "Mémoire" rappelle les événements précédents, à partir de l’intervention de l’amiral Dupetit-Thouars le 4 septembre 1838 jusqu’à son dernier voyage qui se clôt le 2 octobre 1848."

Comment avez-vous travaillé, sur quoi vous êtes-vous appuyé?
"Le premier appui est le livre "Edmond de Ginoux, un ethnologue en Polynésie française" aux éditions L’Harmattan paru en 2001. Il donne la première biographie sérieuse sur Ginoux de La Coche, resté jusque-là un parfait inconnu. Ce livre explique pourquoi. Le second livre en est comme la suite, dans une meilleure connaissance de ce personnage multiforme. J’ai ensuite travaillé longuement aux Archives du ministère des Affaires étrangères à Paris, qui conservent le manuscrit original intitulé "Histoire des événements politiques". Ceci afin de restituer le texte de Ginoux, comme il est indiqué sur la couverture. Vous remarquerez aussi que le drapeau de Tahiti qui figure sur la 4e de couverture n’est pas le drapeau actuel, mais celui de l’époque de la reine Pomare, à trois bandes égales et sans armoiries."

Pourquoi un tel ouvrage?
"Parce que la personnalité de Ginoux de La Coche est intéressante et atypique ; il exprime ses conviction avec ouverture et franchise, d’ailleurs cela lui a coûté très cher dans sa carrière. Mes détracteurs avancent que les livres de Moerenhout et de Radiguet ont une bien plus grande valeur. Ces reproches sont exagérés ; le beau travail de Paul de Decker (Au vent des îles, 1997) défend Moerenhout avec honnêteté en sachant faire la part des choses ; toutefois il connait très mal Ginoux. Radiguet a rencontré Ginoux, dans des conditions restées confuses et en tous cas il publie bien après lui, en 1882 (Les derniers sauvages… Calmann-Lévy). Un dernier livre est passé sous silence par plusieurs chercheurs parce qu’il est demeuré confidentiel : c’est "O-Taïti, histoire et enquête" du pasteur Henri Lutteroth, pourtant publié à Paris (Paulin) dès 1843. Il se trouve à la Bibliothèque Nationale de France. Les prochaines expositions relatives à l’histoire de la Polynésie française devraient bien reprendre l’ensemble de ces connaissances plus récentes qui renouvellent l’interrogation sur ces thèmes historiques."


Rédigé par Delphine Barrais le Samedi 5 Novembre 2016 à 13:49 | Lu 3436 fois