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L'illusion de la baisse de TVA pour soutenir le pouvoir d'achat


Tahiti, le 28 septembre 2023 – La Cour des comptes à Paris vient de publier une étude sur la TVA dans l’Hexagone. Sans en transposer toutes ses conclusions à la Polynésie française, la similarité des prélèvements fiscaux indirects entre Paris et Papeete doit interroger localement à l’heure du changement de gouvernance, de constitution du budget primitif 2024, de suppression de la taxe CPS et de réflexions de révision des listes de produits PPN et PGC. Le constat est sans appel : “Une baisse de taux de TVA apparaît comme un outil qui n’est ni efficace, ni équitable pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages."
 
La Cour des comptes à Paris vient de rendre une étude sur la TVA dans l’Hexagone suite à un
rapport du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) qui recommandait de “préférer le recours aux prestations sociales et aux transferts monétaires ciblés à une baisse de la TVA pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages modestes”.
 
Sans nécessairement en transposer toutes ses conclusions à la Polynésie française, il est évident que la similarité des prélèvements fiscaux indirects entre Paris et Papeete doit interroger localement à l’heure du changement de gouvernance, de constitution du budget primitif 2024 et de réflexions de révision des listes de produits PPN et PGC.

Aucun effet sur les hauts revenus

La réflexion de la Cour des comptes permet aussi de mettre en perspective la décision du gouvernement Brotherson de supprimer la taxe CPS (contribution pour la solidarité) qui doit s’éteindre ce dimanche 1er octobre et pour laquelle aucun levier de compensation n’a pour l’heure été présenté.
 
Les constats établis par les rapports du CPO de 2015 et 2023 relatifs aux effets redistributifs de la TVA montrent que la TVA est un impôt régressif dans la mesure où son poids dans le revenu disponible des ménages décroît avec le revenu. Toutefois, une analyse sur l’ensemble du cycle de vie, qui neutralise les effets des variations de l’épargne sur la consommation, conduit à minorer ce constat”, explique le rapport de la Cour des comptes qui poursuit : “L’impact de la TVA ne peut s’apprécier qu’au regard des effets redistributifs de l’ensemble des dépenses publiques, dont elle assure en partie le financement”.
 
Aussi, le rapport revient-il sur les autres pays de l’Union européenne. “Ceux qui présentent les dépenses de protection sociale les plus élevées ont en général des niveaux de TVA supérieurs à la France.” Autrement dit, taxer plus, pour aider plus… ou mieux à défaut.

Inefficacité sur le pouvoir d’achat

La question qui se pose à Paris, et qui ne manquera pas de se poser à Papeete, c’est le subventionnement notamment des prix de l’énergie. En la matière, le rapport de la Cour des comptes affirme : “Des subventions ciblées paraissent plus pertinentes qu’une baisse de la TVA pour atténuer les effets de la hausse des prix de l’énergie et accompagner la transition énergétique”.
 

La conclusion est donc sans appel pour les économistes de France, mais aussi du fenua, qui s’essaieraient à proposer une baisse de la TVA comme levier de la hausse du pouvoir d’achat. “Une baisse de taux de TVA apparaît comme un outil qui n’est ni efficace, ni équitable pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages. D’une part, quelle que soit la catégorie de produits ou services, à l’exception du tabac, la consommation est croissante avec le revenu. Ainsi, l’ensemble des taux réduits confèrent un gain plus élevé aux ménages les plus aisés. D’autre part, les précédentes expériences de baisse de taux montrent que leur effet sur les prix à la consommation est incertain et qu’une partie de cette baisse est captée par les entreprises.”
 
La proposition du bouclier tarifaire en France semble donc être la solution privilégiée dans l’Hexagone, là où le Polynésien bénéficie de l’amortisseur du Fonds de régulation des prix des hydrocarbures (FRPH). La question que devront tenter de résoudre le gouvernement Brotherson et son ministre des Finances, Tevaiti Pomare, sur ce point est donc sur quel axe continuer à financer cet amortisseur. Une taxe, une subvention du budget du Pays, une hausse des prix à la pompe ou un chèque carburant avec un ciblage des bénéficiaires ?

À qui profite la baisse ?

Enfin, pour faire baisser le prix des paniers en supermarchés, là encore, la Cour des comptes relaie le CPO qui “recommande de privilégier le recours aux prestations sociales et les transferts monétaires ciblés à une baisse de la TVA, notamment sur les produits de première nécessité”.
 
Sur ce volet, le Conseil des prélèvements obligatoires conclut : “La TVA ne constitue pas un outil efficace pour accroître la progressivité de notre système socio-fiscal. En effet, la baisse d’un taux de TVA ne permet pas de cibler les ménages modestes et profite davantage aux ménages aisés. De plus, une baisse de taux n’est pas systématiquement transmise au consommateur et peut être captée par le producteur. ”
 
Les baisses de taxes ne seraient pas répercutées par les producteurs ? On n’ose y croire.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 28 Septembre 2023 à 18:52 | Lu 3937 fois