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L'ex-putschiste Bainimarama favori des élections fidjiennes


Suva, Fidji | AFP | dimanche 10/11/2018 - Le Premier ministre fidjien Frank Bainimarama, ex-putschiste devenu un militant reconnu de la cause climatique, sera l'immense favori des législatives organisées mercredi, 12 ans après son coup d'Etat.

De nombreuses ONG comme Amnesty International s'interrogent sur la nature réelle de la démocratie fidjienne. Mais il ne fait aucun doute que l'image du Premier ministre a changé du tout au tout en quelques années.
M. Bainimarama fut qualifié de dictateur par l'Australie et la Nouvelle-Zélande après avoir pris le pouvoir le 5 décembre 2006 dans un coup d'Etat sans effusion de sang qui valut des sanctions aux Fidji et une suspension du Commonwealth et du Forum des Îles du Pacifique (FIP).
Douze ans plus tard, l'ancien amiral de 64 ans est à la pointe de la lutte pour le climat en tant que président de la COP23. Il a notamment recueilli les louanges de l'ex-gouverneur de Californie Arnold Schwarzenegger.
Aux Fidji, sa popularité atteint les 68% alors que les habitants profitent d'une croissance soutenue. Et l'ancien paria est même désormais courtisé par Canberra et Wellington qui tentent d'endiguer l'expansionnisme chinois dans le Pacifique.
"Il a été très fort pour l'image internationale des Fidji et pour faire évoluer les perceptions", observe Robbie Robertson, de la Swinburne University of Technology de Melbourne.
 

- Cabinet de relations publiques -

 
"Il a refusé de courber l'échine devant l'Australie et la Nouvelle-Zélande après le coup d'Etat et quand ils ont menacé de cesser leur aide, il a dit qu'il allait se tourner vers la Chine."
S'il a été accepté par la communauté internationale, c'est aussi parce qu'il a su polir son image, en partie grâce aux services du cabinet de relations publiques Qorvis, basé à Washington.
La firme se félicite aujourd'hui sur son site du travail accompli en expliquant -sur fond de photo de M. Bainimarama en compagnie d'Emmanuel Macron et Angela Merkel- que le Premier ministre a tourné la page de l'acrimonie et de la recherche de coupables pour promouvoir "un dialogue constructif, ouvert et empreint de respect" sur le climat.
Mais ses détracteurs affirment que le Premier ministre ne fait pas chez lui preuve de la même ouverture, alors que son mouvement FijiFirst contrôle 32 des 50 sièges du Parlement.
Le principal parti de l'opposition, le Sodelpa, est emmené par l'ex-Premier ministre Sitiveni Rabuka, lui même controversé pour avoir participé à deux putschs dans les années 1980.
Il a été confronté lors de la campagne à des poursuites pour corruption, comme du reste le précédent chef de l'opposition avant les législatives de 2014, suscitant des questions sur l'indépendance du judiciaire.
L'opposition a également accusé pendant la campagne FijiFirst d'utiliser des fonds publiques pour emporter des suffrages.
 

- Ancien casque bleu -

 
"M. Bainimarama a peu de considération pour les opinions des autres et n'aime pas les critiques", a déclaré M. Robertson.
Après s'être engagé comme simple matelot dans la marine à 21 ans, M. Bainimarama a suivi des formations en Nouvelle-Zélande, en Australie, aux Etats-Unis et en Malaisie, servi deux fois dans le Sinaï sous la bannière de l'ONU, et gravi les échelons pour devenir chef d'état major de l'armée fidjienne en 1999.
Au moment de son coup d'Etat -le quatrième aux Fidji depuis 1987- il expliqua que l'armée était la seule institution à même de mener les réformes et le "nettoyage" nécessaire dans l'archipel, à savoir la lutte contre l'instabilité et l'éradication de la corruption.
Son putsch était intervenu dans un contexte de tensions entre Fidjiens de souche et Indo-Fidjiens, descendants de la main-d'oeuvre indienne importée par les Britanniques pour travailler dans les champs de canne à sucre.
Il avait à plusieurs reprises retardé le retour à la démocratie du pays, s'employant à développer l'économie et à modifier la Constitution pour apaiser les rivalités entre Indo-Fidjiens et Fidjiens de souche.
Il remporta une large victoire en 2014 lors des premières élections démocratiques depuis le putsch.
Mais pour Amnesty International, M. Bainimarama doit encore rétablir totalement toutes les libertés qu'il avait suspendues.
"Depuis les élections de 2014, la situation des droits de l'Homme aux Fidji reste menacée", estime l'organisation, qui dénonce des faits de brutalité policière, des limitations à la liberté de réunion et de la presse, ainsi que la persécution de défenseurs des droits de l'Homme.

le Lundi 12 Novembre 2018 à 02:00 | Lu 447 fois