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L'ex cadre empoche 11 millions en surfacturant les travaux de réparation du Méridien de Bora


"A chaque fois qu'on faisait des devis, c'était la même chose. Il nous tenait en laisse pour avoir d'autres chantiers. J'ai l'impression d'avoir été racketté" témoigne l'un des prestataires, pourtant complice.
"A chaque fois qu'on faisait des devis, c'était la même chose. Il nous tenait en laisse pour avoir d'autres chantiers. J'ai l'impression d'avoir été racketté" témoigne l'un des prestataires, pourtant complice.
PAPEETE, le 8 septembre 2015 - En février 2010, le cyclone Oli causait de gros dégâts au Méridien de Bora Bora. Le responsable logistique de l'établissement, licencié depuis, obligeait les artisans à gonfler leurs devis de réparations sous peine de les priver de chantier. Il a flambé tout l'argent et risque aujourd'hui 1 an de prison ferme.

Stéphane Noyelles, ancien directeur logistique des hôtels Méridien de Tahiti et Bora Bora, a refait sa vie en métropole. Il travaille aux moyens généraux dans un hôtel de la Côte d'Azur. Attendu ce mardi matin devant le tribunal correctionnel de Papeete pour répondre de faits de corruption, il n'a pas fait le déplacement. "Il a expliqué avoir épuisé tous ses congés", a ironisé le parquet en déplorant cette absence.

Dans la salle d'audience, six autres prévenus, eux, sont bien là. Tous sont artisans, ou entrepreneurs locaux, et sont également renvoyés devant le tribunal pour corruption. La justice leur reproche d'avoir cédé au chantage de l'ancien cadre de l'hôtel. Entre 2010 et 2011, après le passage du cyclone Oli, ce quadragénaire métropolitain recruté depuis peu les avaient tous contraint de surfacturer leurs devis pour les différents chantiers de réparation de l'établissement, comme le révélait vendredi dernier Tahiti Pacifique Hebdo. Et il encaissait l'argent sous peine de les priver de commandes.

La belle vie, avant la prison

"On a accepté pour avoir du travail, c'est tout, pas pour s'enrichir", raconte à la barre l'un de ces artisans qui regrette d'avoir trempé dans la magouille, mais estime aussi avoir été plus racketté qu'autre chose dans cette affaire. "L'entreprise était en difficulté, on était content d'avoir un chantier, au Méridien en plus, c'est prestigieux sur un CV". La démarche était toujours la même. Stéphane Noyelles demandait systématiquement aux entreprises de doubler les devis. La différence était pour lui. Tout se passait dans le dos de la direction.

Si le cadre indélicat reconnaît avoir ainsi empoché plus de 11 millions de francs, la direction de l'hôtel, partie civile au procès, avance, elle, la somme de 18 millions de francs. De l'argent que l'ancien cadre de l'établissement a littéralement flambé. "Il faisait venir sa famille en première, se payait des tours en hélicoptère, changeait de voiture tous les deux mois, partait en Nouvelle-Zélande", balance, revanchard, un autre patenté embarqué dans la combine. "On n'avait pas le choix, sinon on mettait la clé sous la porte". L'appétit insatiable de Stéphane Noyelles, seul aux commandes à centraliser les devis et qui se faisait payer en cash dans des enveloppes, aura raison de son escroquerie.

Trop gourmand, menaçant même avec certains, il a fini par exaspérer l'un des prestataires au point de tout balancer à sa direction. Après la belle vie, Stéphane Noyelles, qui a adressé au tribunal depuis la France une lettre de repentance, a même goûté quelques temps à la détention provisoire.

Le parquet a requis à son encontre 2 ans de prison dont une année avec sursis avec obligation de rembourser l'hôtel et interdiction d'exercer dans l'hôtellerie pendant cinq ans. 6 mois de prison avec sursis ont été requis contre les artisans complices et "victimes" consentantes. Le tribunal a mis sa décision en délibéré au 24 novembre.

Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 8 Septembre 2015 à 17:46 | Lu 4464 fois