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“L'énergie renouvelable apportera une stabilité des prix”


Tahiti, le 16 mai 2022 – Le P-dg d'EDT François-Xavier de Froment, qui quittera ses fonctions fin juin après quatre ans au fenua, revient sur l'objectif “ambitieux” du Pays sur la transition énergétique qu'il affirme partager, dit craindre des hausses de prix de l'électricité liés à l'envolée des prix des hydrocarbures et “l'éclatement” de la gestion de la production énergétique et insiste sur l'urgence de la décision sur le sort des groupes de la Punaruu.
 
Vous allez quitter vos fonctions après quatre ans en poste à la direction générale d'EDT et des sociétés du groupe Engie en Polynésie ?

“Oui, cela fait partie de l'évolution au sein du groupe Engie. Je quitterai mes fonctions fin juin et mon successeur arrive au 1er juillet.”
 
Le Pays a réaffirmé récemment son ambition d'atteindre 75% d'énergie renouvelable dans le mix énergétique de la Polynésie française d'ici 2030. Est-ce atteignable ?

“Il y a un objectif ambitieux. Je pense que tout le monde est d'accord sur ce point. Ce qui compte, c'est d'avoir une feuille de route précise pour aller vers la transition énergétique. Et ce qui est vrai, c'est qu'on a un engagement fort avec le Pays pour augmenter la part des énergies renouvelables dans le mix de Tahiti notamment et, je l'espère, demain dans les îles. Je pense qu'on a aujourd'hui la capacité de décarboner une partie de la production de la centrale thermique de Tahiti, et ensuite avec l'arrivée des projets de fermes solaires avec batterie, avec l'hydroélectricité et le projet Cote 95, je pense qu'on a les capacités d'atteindre 55% d'origine renouvelable en 2030. Mais je pense que ce qui est très important, c'est l'impulsion qui a été donnée par le Pays pour que tous les acteurs se mettent en ordre de marche et proposent des solutions. EDT ne va pas faire toute la production de renouvelable à elle seule. Le but c'est qu'EDT se prépare à avoir une production thermique qui ne sera pas la seule source de production.”
 
Selon vous, les consciences ont évolué ces dernières années en Polynésie sur la nécessité de la transition énergétique ?

“Oui. Davantage qu'une prise de conscience, il y a une concrétisation des actions à mener pour voir cette transition se faire et aller vers l'autonomie énergétique de la Polynésie. Je pense que l'impulsion donnée sur les fermes solaires avec stockage est une très bonne chose, qu'il y a eu toute une adaptation de la réglementation par le Pays. Il y a eu énormément d'échanges entre les services techniques d'EDT et le service de l'énergie du Pays pour savoir justement comment il fallait s'adapter pour accueillir ces nouveaux acteurs et ces nouvelles sources de production. Donc, je dirai qu'aujourd'hui on est tous convaincus de l'intérêt de cette transition énergétique. Maintenant, l'objectif c'est d'accélérer et de pouvoir le faire.”
 
Malgré tout, il faut prendre conscience que le renouvelable ne sera pas moins cher ?

“Non, le renouvelable ne sera pas moins cher. En revanche, il apportera une stabilité qui aujourd'hui fait défaut. Puisqu'on dépend du cours des hydrocarbures et qu'à partir du moment où on a une consommation très importante de gazole pour produire l'électricité, ça joue sur le tarif et ça créé une volatilité importante qui est difficilement acceptable, surtout dans un contexte inflationniste. Demain, l'énergie renouvelable va permettre cette stabilité du coût.”
 
On reproche aujourd'hui parfois à EDT de ne pas avoir fait les efforts suffisants pour la transition énergétique ces dernières années dans les concessions dans lesquelles elle était en charge de la production électrique. Que répondez-vous ?

“On peut refaire l'histoire. Je pense qu'il y a eu une accélération de la transition énergétique ces dernières années, mais tout simplement parce que les panneaux photovoltaïques et les batteries ont eu des coûts qui ont fortement baissé. Donc, il y a eu une opportunité qui s'est créée en même temps qu'une prise de conscience. On ne peut pas dire que la prise de conscience sur le réchauffement climatique date d'il y a 20 ans. On peut ressasser le passé, ce qui compte c'est qu'aujourd'hui on soit force de proposition et qu'on ait tous envie d'y aller. Les responsabilités sont toujours partagées, mais je regarderai plutôt l'avenir avec optimisme.”
 
Selon vous, il y avait donc une question de coût de l'électricité décarbonée trop chère pour l'usager à l'époque ?

“Oui, cette énergie avait un coût. De toutes façons, une nouvelle technologie a un coût. Pendant des années, les groupes électrogènes dans les îles éloignés fonctionnaient de manière constante avec des personnes formées sur place pour en organiser la maintenance et l'entretien. Et ça servait exactement ce pourquoi c'était fait. On a la volonté de décarboner la production, donc il faut de nouvelles technologies. Mais il faut arriver à tenir un prix de l'électricité qui soit acceptable. Et aujourd'hui on y arrive.”
 
Le FRPH absorbe pour l'heure la hausse des hydrocarbures et ses répercussions sur le coût de l'électricité. Ça ne va nécessairement pas durer et entraîner une hausse des tarifs ?

“Ce sera au Pays de le décider. Mais nécessairement, tant que les cours continuent de grimper, il y aura une refacturation au franc le franc dans le tarif de l'électricité.”
 
Autre sujet qui, selon vous, peut entraîner à terme une hausse des coûts de l'électricité, c'est “l'éclatement” des modes de gestion de la production de l'énergie. Les communes qui font le choix de s'autonomiser en SPL, en gestion en régie, vont augmenter leurs coûts de gestion et donc de l'électricité ?

“Ce que l'on dit, c'est qu'il va y avoir des coûts de structure qui vont être plus importants et qui devront être supportés, parce qu'ils sont supportés par les SPL, les Epic ou EDT… Tout le monde va faire des efforts, mais aujourd'hui en multipliant les structures, on multiplie les fonctions supports qui sont un coût supplémentaire pour l'usager parce qu'elles ne produisent pas d'électricité et qu'il faut bien les rémunérer. Donc oui, l'éclatement de la gestion de l'électricité dans un territoire aussi compliqué à gérer (géographiquement, NDLR) va augmenter le tarif de l'électricité à terme”.
 
Parmi les sujets urgents du moment, il y a le renouvellement des groupes de la centrale de la Punaruu. Où en est-on ?

“Il faut de toute façon décider ce que l'on fait, parce que la centrale Émile Martin arrive en bout de vie. On a aujourd'hui un certain nombre de discussions avec le Pays, par exemple pour rallonger la durée de vie des groupes électrogènes et pouvoir construire un nouveau site qui accueillera des groupes rapides et servir en cas d'intermittence de la production solaire. Mais il faut décider, car les délais d'approvisionnement s'allongent aujourd'hui considérablement. Et si jamais on veut être au rendez-vous en 2030 avec un outil de production qui reste fiable et qui fournisse l'électricité 24/24h et 7/7j, il faut absolument avoir une décision cette année. Sans quoi, on aura beaucoup de difficultés à servir de l'électricité et un service de qualité.”
 

​Vonjy Andriamanga futur P-dg d'EDT

Le remplaçant de François-Xavier de Froment à la tête d'EDT est connu et prendra ses fonctions au 1er juillet prochain. Selon nos informations, il s'agit de Vonjy Andriamanga. Actuel responsable national clients Grands comptes chez GRDF, le responsable Malgache a effectué une longue carrière chez EDF puis Engie, mais présente la particularité d'une expérience récente comme ministre de l'Energie, de l'Eau et des Hydrocarbures au gouvernement de Madagascar en 2019, avant de prendre sur place la direction générale de la société publique d'électricité et d'eau, Jirama, jusque fin 2021. Deux expériences qui n'ont visiblement pas été de tout repos pour Vonjy Andriamanga. Les médias locaux évoquant à chaque fois son “limogeage” à la suite de crises locales. La première, au gouvernement, liée à des tensions sur l'approvisionnement des stations-service et la seconde, au sein de la société publique, en raison des pertes financières structurelles d'une société contrainte d'augmenter les factures de l'électricité…
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Lundi 16 Mai 2022 à 20:08 | Lu 2068 fois