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L'emploi salarié est-il toujours la norme ?


photo archives Tahiti Infos
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Tahiti, le 23 novembre 2023 - Quelle est la part de l'auto-entrepreneuriat par rapport à l'emploi salarié aujourd'hui au Fenua ? La norme se serait-elle inversée ? Quelles règles peuvent être mises en place ? Quel impact sur la CPS ? Autant de questions qui font l'objet d'une autosaisine proposée par le collège des entrepreneurs du Cesec.
 
Le collège des entrepreneurs du Cesec est à l'initiative d'une proposition d'autosaisine sur l'emploi au Fenua, dans un contexte qui a muté depuis une dizaine d'années, et notamment depuis la crise de la Covid. Une période marquée par une évolution dans les habitudes de travail, comme le recours au télétravail par exemple, mais aussi avec de nouveaux emplois créés quand d'autres ont disparu.
 
Quelle est la part de l'auto-entrepreneuriat par rapport à l'emploi salarié ? Quels en sont les contours, les excès, les dérives, les contrôles et quelles pistes d'amélioration peuvent être proposées ? Partant du constat qu'il y a “une distorsion de plus en plus grande entre ces deux régimes”, Jean-François Benhamza, qui porte cette austosaisine au nom du collège des entrepreneurs, veut faire le point sur ce sujet. “Quand on compare nos chiffres et ceux de la CPS, on s'aperçoit qu'il y a une augmentation de 15% au RNS (régime des non-salariés) contre seulement 3% au RGS (régime des salariés)”, s'est-il ainsi inquiété auprès de Tahiti Infos.
 
L'emploi salarié est-il toujours la norme ? Les patentés ne seraient-il pas en train de prendre le pas sur l'emploi salarié ? C'est toute la question que se pose Jean-François Benhamza et que ce rapport de l'autosaisine devra déterminer.
 
Quid du “salariat déguisé”
 
Sans évidemment vouloir “remettre en cause le statut de l'auto-entrepreneuriat”, force est de constater une multiplication des offres d'emplois en tant que patentés, et ce, dans tous les domaines. S'ils sont nombreux à exercer une activité dans les règles, le recours à la patente entraîne parfois du “salariat déguisé”. Autrement dit, lorsqu'un patenté dispose d'outils et d'horaires de travail, d'une rémunération et surtout d'un “lien de subordination” avec son employeur, alors qu'il est libre d'organiser son travail comme il l'entend et qu'il est responsable juridiquement de ses actes professionnels.

C'est en fait un moyen détourné d'échapper aux obligations du droit du travail et à la lourdeur des charges patronales et salariales. Et cela peut aussi avoir pour effet pervers de fausser la réalité des chiffres de l'emploi et d'avoir des conséquences sur les comptes sociaux. “C'est un souci pour la CPS car les patentés ne sont pas obligés de cotiser pour la retraite (ils le sont pour la maladie en revanche, NDLR) et ils ne le font pas en général”, déplore ainsi Jean-François Benhamza.
 
Plusieurs mois de travaux
 
Si des contrôles existent (effectués par la CPS notamment), ils se font “généralement suite à une plainte”, poursuit-il, et l'idée de cette autosaisine, dont les travaux devraient s'étaler sur plusieurs mois, est de justement faire un état des lieux de la situation. “Il y a de bons auto-entrepreneurs, il faut le dire. Et au-delà des contrôles, il faut voir quels garde-fous on peut mettre en place, quelles préconisations et surtout, des règles claires faciles à appliquer.”
 
Pour ce faire, “entre 15 et 20 séances” seront organisées pour auditionner tous les acteurs concernés, du gouvernement en passant par des économistes, les organisations syndicales et patronales, la CCISM (chambre de commerce, d'industrie, des services et des métiers) évidemment puisque c'est elle qui enregistre la majorité des patentes, mais aussi la DGAE (Direction générale des affaires économiques), l'ISPF (Institut de la statistique en Polynésie française), la DICP (Direction des impôts et des contributions publiques) sans oublier la CPS (Caisse de prévoyance sociale) bien sûr.
 
Cette étude permettra d'établir un rapport pour affiner les chiffres et déterminer ainsi la part de l'emploi salarié et de l'entrepreneuriat individuel. Les différents types d'emplois concernés, les perspectives d'évolution et d'accompagnement, ou encore les pistes d'amélioration en matière de contrôles.
 
Sur la forme, précisons que le collège des entrepreneurs a donc validé cette demande d'autosaisine présentée en son nom par Jean-François Benhamza (qui représente le syndicat des industriels de Polynésie française, le Sipof). Reste maintenant à ce que cette demande soit entérinée par le bureau du Cesec qui doit se réunir lundi prochain, le 27 novembre, pour ensuite être à son tour validée en séance plénière du Cesec le lendemain.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Jeudi 23 Novembre 2023 à 13:56 | Lu 3399 fois