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L'UE affronte un nouveau grain sans capitaine à la barre


Bruxelles, Belgique | AFP | mercredi 12/12/2018 - L'Union européenne est entrée dans une nouvelle période de turbulences avec l'effacement d'Angela Merkel et l'affaiblissement d'Emmanuel Macron au plus fort des tensions provoquées par le départ du Royaume-Uni et la montée des partis populistes dans tous les Etats membres.

"2019 sera une année charnière avec des défis énormes", prédit le Britannique Jonathan Faull, ancien directeur général de la Commission européenne et responsable Europe du cabinet de conseil en communication stratégique Brunswick.
Le Royaume-Uni quittera l'Union européenne le 29 mars et tout le monde appréhende cette sortie aux conséquences encore imprévisibles.
Deux mois plus tard, les élections européennes s'annoncent comme un affrontement entre pro-européens et populistes, avec pour toile de fond les peurs engendrées par les migrations.
"Il faut gérer le Brexit, la montée des populismes et ses causes, le départ de Merkel, tout cela sans savoir si Macron parviendra à reprendre le dessus", résume Jonathan Faull.
Si l'économie est repartie, l'Union européenne est politiquement divisée. "L'Europe a jusqu'à présent tenu dans les crises grâce au couple franco-allemand. Mais aujourd'hui, elle est attaquée de l'intérieur et elle menace de s'effondrer", s'inquiète pour sa part le représentant d'un grand Etat membre.
La Hongrie et la Pologne ont élu des dirigeants ouvertement "illibéraux". Partout l'extrême droite monte en puissance et elle est même associée au pouvoir en Autriche et en Italie.
 

- L'hypothèque Macron -

 
"Merkel doit bien réfléchir avant de quitter le pouvoir. Il reste très peu de dirigeants en mesure de redresser la situation. Macron a des problèmes, et tous les autres vont mal", s'alarme ce même responsable.
La gestion européenne de la crise des réfugiés en 2015 avec des quotas imposés a été "une grosse erreur politique", soutient un autre diplomate.
Exploitée par les populistes, elle a fracturé l'Union européenne, comme l'a montré le refus de sept de ses membres de signer le Pacte mondial pour les migrations, et fragilisé Mme Merkel.
La fronde au sein de son parti, la CDU, l'a contrainte à s'effacer. Elle souhaite demeurer en poste jusqu'au terme de son mandat en 2021 mais on ne peut écarter la possibilité d'élections dont l'issue sera incertaine.
 

- Raté franco-allemand -

 
En France, Emmanuel Macron est lui de plus en plus contesté comme le prouve la crise des "gilets jaunes" et il ne parvient pas à se relancer grâce à l'Europe car "l'Allemagne n'a pas su, pu ou voulu" le suivre, déplore le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn.
"La volonté de Macron d'une refondation européenne n'a trouvé aucun écho en dehors de la France", abonde l'analyste néerlandais Luuk van Middelaar dans son essai politique "Quand l'Europe improvise".
"Dame Fortune, qui lui a tant souri sur la scène nationale, ne lui fait aucun cadeau à l'échelon européen", ironise l'essayiste, proche collaborateur de l'ancien président du conseil européen Herman van Rompuy.
Traditionnellement marquées par une faible participation, les élections européennes en mai seront difficiles. Aucune personnalité marquante ne brigue la présidence de la Commission européenne et, en France, le scrutin risque de se transformer en vote pour ou contre Emmanuel Macron. 
Les mouvements anti-européens devraient entrer en force dans le prochain Parlement européen, même si le départ des Britanniques va les priver de beaucoup d'élus. 
 

- Grande peur -

 
"Il faut éviter que l'Europe ne tombe sous l'emprise de ceux qui veulent la détruire", plaide Jean Asselborn
L'ancien chef du gouvernement italien Enrico Letta refuse toutefois de s'alarmer. "Ce sera très compliqué pour les populistes de se mettre tous ensemble", assure-t-il à l'AFP.
"Je ne nie pas les dangers. On entend une grande peur s'exprimer un peu partout. Mais tout ne va pas dans la mauvaise direction. Quand les populistes sont mis à l'épreuve, il font marche arrière", souligne l'ancien dirigeant qui préside l'Institut Jacques Delors.
"L'Union européenne n'est pas sur le point de se désintégrer. Les brexiters au Royaume-Uni et les populistes en Italie l'ont compris", se félicite-t-il.
"L'Union est restée unie face au Brexit, les institutions fonctionnent et plus personne ne veut l'abandon de l'euro", abonde Jonathan Faull.

le Mercredi 12 Décembre 2018 à 05:50 | Lu 219 fois