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L'Île de Pâques inquiète face à l'immigration continentale


L'Île de Pâques inquiète face à l'immigration continentale
HANGA ROA (Chili), 11 mars 2012 - Une importante partie des habitants autochtones de l'Île de Pâques, territoire chilien perdu au milieu du Pacifique, s'inquiètent de la forte immigration venue de la terre ferme, et craignent de voir menacée leur identité polynésienne.

Moins de la moitié des 6.700 habitants de l'Île de Pâques en sont originaires. Les autres sont, pour la plupart, des Chiliens du continent.
Le coût de la vie, mais aussi les revenus, sont environ 40% plus élevés sur l'Île de Pâques que dans le reste du Chili. Et les besoins de main-d'oeuvre sont importants, surtout dans les secteurs du bâtiment et du tourisme, l'île accueillant plus de 65.000 visiteurs par an.
Les travailleurs peu qualifiés et peu fortunés provenant du Chili continental sont donc nombreux à venir s'installer dans l'île. Face à ce flux constant, les Pascuans d'origine polynésienne s'inquiètent de la montée de la délinquance, mais surtout de la mise en péril de leur patrimoine culturel.
"On veut bien qu'ils viennent, mais seulement quand ils ont un contrat de travail, et qu'ensuite ils repartent", affirme Virginia Atan Tuki, qui se revendique indépendantiste.
"Ils arrivent pour un chantier, et quand c'est fini, ils restent, se mettent à voler et s'entassent à dix ou vingt dans une maison!", n'hésite pas à renchérir l'une de ses amies, qui souhaite rester anonyme
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Face à ce type d'accusation, la gouverneure Carmen Cardinali Paoa, qui représente le gouvernement chilien sur l'île, affirme que "ce que souhaite le Chili, c'est assurer la protection de Rapa Nui (nom autochtone de l'Île de Pâques, ndlr), cette richesse qui appartient au Chili". "Rapa Nui, c'est le Chili", explique-t-elle, assurant que "seuls environ 10% des Pascuans sont indépendantistes".
Mais le rejet des immigrés nationaux ne concerne pas seulement les indépendantistes. Il touche une partie importante de la population défavorisée, qui s'est vue écartée du développement économique lié au tourisme.
Les autochtones de Rapa Nui dénoncent également la multiplication des vols de la compagnie chilienne LAN à destination de l'Amérique du Sud (une rotation quotidienne vers Santiago, et deux par semaine vers Lima), alors qu'il n'y a plus qu'un vol par semaine vers Papeete, en Polynésie française, liaison qui serait maintenant menacée.
"Nous couper de Tahiti, du reste de la Polynésie, c'est nous arracher nos racines", clame Yvonne Calderon Haoa, porte-parole du Makenu Reo Rapa Nui, un mouvement qui défend le patrimoine et la langue autochtones.
Ce patrimoine est symbolisé par les moaïs, ces immenses statues de Rapa Nui; mais c'est aussi un mode de vie, centré sur l'agriculture, la pêche, la danse et les arts polynésiens.
En août 2009, plusieurs familles avaient bloqué l'aéroport d'Hanga Roa pour protester contre l'immigration chilienne non contrôlée.

En 2010 la contestation a pris de l'ampleur après la vente par l'Etat d'un vaste terrain en bord de mer pour la construction d'un hôtel de luxe - qui vient de s'achever - alors qu'une loi interdit de vendre des terrains de Rapa Nui aux personnes qui n'en sont pas originaires.
Le terrain et plusieurs maisons de fonctionnaires d'Etat, avaient été occupés par des Pascuans revendiquant ces terres. Les squatteurs avaient été évacués par la police chilienne et des renforts militaires au cours d'une opération qui avait fait plusieurs blessés.
Le conflit s'était apaisé avec la transformation de la vente en bail locatif de 30 ans, mais les questions d'immigration et de terres restent conflictuelles.
Les Chiliens venus du continent, pour leur part, estiment être moins bien lotis que les Pascuans. Ces derniers soulignent qu'ils paient davantage de taxes, ne peuvent acquérir de terrains à Rapa Nui, et perçoivent moins d'aides pour l'éducation de leurs enfants.

Rédigé par Par Mike LEYRAL le Dimanche 11 Mars 2012 à 20:34 | Lu 3501 fois