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L'Autorité de la concurrence publie son avis favorable à l'ouverture du marché de la téléphonie mobile


PAPEETE, 10 octobre 2017 - Le Président de la Polynésie française a saisi pour avis l’Autorité polynésienne de la concurrence "sur des questions relatives au secteur des télécommunications en Polynésie française". Cette saisine est consécutive aux demandes des sociétés Viti et Pacific Mobile Télécom (PMT) d’autorisations administratives préalables, requises pour l’exercice des activités de fourniture au public de services de télécommunications en Polynésie française.

L’Autorité rappelle que sa mission est de veiller à l’exercice d’une concurrence effective. Son avis porte donc sur l’entrée de nouveaux opérateurs sur les marchés de télécommunications et sur les conditions à réunir pour que la concurrence ne soit pas faussée sur les marchés en cause, dans l’intérêt général et, en particulier, dans l’intérêt des consommateurs polynésiens.

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Eu égard aux enjeux pour l’économie et la société polynésiennes, aux bénéfices attendus pour les entreprises et les consommateurs (bas prix, qualité et diversité des services offerts) mais également afin d’accorder une égalité de traitement entre les opérateurs dans un contexte de convergence technologique (fixe et mobile) et d’une importance croissante des services internet, l’Autorité recommande au Gouvernement d’accorder les autorisations demandées sans délai dans le cadre réglementaire actuel.

Cependant, les bénéfices attendus de l’arrivée d’un troisième opérateur sur les marchés de détail de la téléphonie mobile et de l’accès à internet fixe seront d’autant mieux obtenus que les conditions d’exercice d’une concurrence effective et loyale seront réunies, c’est-à-dire que les opérateurs seront mis en position de se concurrencer à armes égales, dans un environnement propice.

Les évolutions devant intervenir portent sur l’adaptation de l’offre de services de télécommunications aux spécificités de la Polynésie française, sur l’adaptation du cadre réglementaire et la régulation des offres de gros de l’Office polynésien des télécommunications (OPT) ainsi que sur la régulation du secteur des télécommunications.

1. Adapter l’offre concurrentielle de services de télécommunications aux spécificités de la Polynésie française
Le maintien d’un monopole légal de l’OPT sur tous les marchés amont des infrastructures n’apparaît pas justifié. Les opérateurs alternatifs devraient être en mesure de pouvoir davantage s’intégrer verticalement pour maîtriser leurs coûts, construire et proposer des offres de détail diversifiées. Or, la réglementation actuelle réserve des monopoles trop étendus à l’OPT qui génèrent des barrières significatives au développement d’offres d’accès à internet, fixe et mobile, qui disparaîtraient si les télécommunications extérieures étaient exclues du périmètre du service public.
Par ailleurs, la réglementation actuelle impose aux opérateurs alternatifs de déployer leurs réseaux sur des zones du territoire où les spécificités de la Polynésie française rendent inefficace une duplication du réseau de l’opérateur historique. Cette exigence génère des inefficacités et fausse le jeu normal de la concurrence. Il serait plus efficace de déployer un seul et unique réseau physique, ce qui n’implique pas qu’il soit utilisé par un seul fournisseur de services.
L’enjeu est de mettre en œuvre des obligations de déploiements adaptées, d’investir dans des réseaux modernes de manière efficace malgré l’étroitesse des marchés, pour réduire la fracture numérique et favoriser l’accès aux différents services pour tous les Polynésiens. L’Autorité préconise en ce sens de reconnaître l’existence d’une "zone de carence de l’initiative privée" et une zone complémentaire comportant des droits et des obligations adaptés.

2. Mettre en place une régulation économique efficace
La réglementation actuelle instaure une forte dépendance des opérateurs alternatifs à l’égard de l’OPT. Celle-ci restreint les possibilités de différenciation des opérateurs sur les marchés de détail et ne permet pas aux Polynésiens de bénéficier des effets positifs de la concurrence. Ainsi, dans les cas où des monopoles de fait de l’OPT vont perdurer, en raison de l’existence d’infrastructures essentielles notamment, les opérateurs alternatifs doivent avoir librement accès aux infrastructures concernées dans des conditions économiques équitables.
Ainsi, l’Autorité recommande :
- d’élargir le périmètre des prestations de gros fournies par l’OPT relevant du régime d’interconnexion en le transformant en "régime des prestations d’accès et d’interconnexion obligatoires".
- de renforcer les obligations comptables et tarifaires de l’établissement public, notamment par la formalisation d’une comptabilité réglementaire selon des règles partagées par le secteur, et de les faire contrôler par un régulateur expert, permettant ainsi de justifier les prix des prestations
de gros.
- de séparer juridiquement les activités en monopole de l’OPT de celles exercées dans le cadre concurrentiel afin de placer tous les opérateurs sur un pied d’égalité.

3. Mettre en place un régulateur sectoriel indépendant aux pouvoirs étendus
Enfin, pour garantir l’efficacité et l’efficience de la réglementation, un régulateur impartial devrait être institué pour apporter, tant aux autorités politiques qu’aux acteurs du secteur des voies de conciliation d’intérêts divers (voire contradictoires) ainsi qu’une stabilité et une prévisibilité de la règle de droit, propices à l’investissement privé, à l’emploi et ainsi au développement économique.
Actuellement, la fonction de régulation du secteur est assurée par le Conseil des ministres dont environ la moitié est membre du conseil d’administration de l’OPT. C’est la raison pour laquelle, l’Autorité recommande de renforcer la légitimité et l’efficacité de la régulation sectorielle, en externalisant cette fonction au moyen d’un organe dédié, doté de pouvoirs décisionnaires pour les autorisations individuelles d’exercer, d’utiliser des fréquences, de régler des différends entre opérateurs, de moyens et de garanties d’indépendance et d’expertise.
Ainsi, ces réformes institutionnelles et organisationnelles permettront-elles de restaurer la confiance et la visibilité des opérateurs, de mettre en place un environnement propice aux investissements dans le secteur et donc à l’emploi, et au développement des offres, dans l’intérêt des consommateurs polynésiens et plus largement de l’ensemble de l’économie polynésienne.

Rédigé par à partir d'un communiqué de l'APC le Mardi 10 Octobre 2017 à 11:43 | Lu 3024 fois