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Kura Ora II : le navire à saborder était une poubelle industrielle toxique


PAPEETE, 27 février 2019 - Trois personnes ont été entendues en garde à vue mercredi dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte mi-janvier pour rejet en mer de substances nuisibles, suite au sabordage du navire Kura Ora II. L'enquête conduite par la gendarmerie a pu établir que l'épave avait été chargée de 87 bonbonnes de bromure de méthyle et de 196 tonnes de déchets métalliques.
 
Le responsable de la cellule phytosanitaire de la Direction de la biosécurité, le responsable de la cellule Protection des milieux à la Direction de l’Environnement (DirEn) et le commandant du port de Papeete ont été placés en garde à vue, mercredi matin. Les trois responsables ont été entendus dans le cadre de l’enquête préliminaire ouverte mi-janvier, suite à la découverte à la dérive d’une vingtaine de bonbonnes de gaz toxique rejetées après sabordage du caboteur Kura Ora II.

Le parquet a également saisi un juge d’instruction en vue de leur mise en examen. Les trois hommes ont été déférés mercredi après-midi.

Utilisé pendant la 1ère guerre mondiale comme gaz létal de combat

Mi-janvier, tout laissait supposer que les bonbonnes de chlorure de méthyle repêchées à la dérive suite au dynamitage du Kura Ora II avaient été placées à bord du navire après la visite de contrôle l'épave. Un expert avait en effet validé début décembre les opérations de dépollution du Kura Ora II dans un rapport remis à la société Palacz, chargée de son dynamitage, et aux autorités du Port.

L’enquête conduite par les gendarmes de la brigade nautique a établi, comme l’annonce mercredi le procureur Hervé Leroy, "qu’au moins 87 bonbonnes de bromure de méthyle (18 de 100 kg pleines et périmées, 69 vides) contenant par ailleurs du chloropricrine (gaz rajouté pour donner une odeur au bromure, en cas de fuite, et utilisé pendant la 1ère guerre mondiale comme gaz létal de combat) étaient stockées dans l’épave coulée". Ces bonbonnes provenaient d’un stock entreposé à la cellule phytosanitaire de la Direction de la biosécurité.

Le directeur adjoint du service phytosanitaire est soupçonné d’avoir contacté le commandant du port pour éliminer ce stock en l’immergeant avec le Kura Ora II. Il conteste aujourd’hui avoir eu l’intention de violer les dispositions réglementaires applicable en matière d’environnement.

Mais le chargement clandestin ne s’arrête pas là : les gendarmes ont également pu avérer que l’épave du caboteur à couler avait été alourdie par la suite de 196 tonnes de déchets industriels divers, dont des chariots élévateurs, réservoirs, tôles, extincteurs et épaves en tous genres. Le commandant du port ayant prévenu les entreprises installées dans la zone portuaire qu’elles pouvaient ainsi se débarrasser de leurs encombrants.

Entendu en garde à vue, le responsable de la cellule protection des milieux à la DirEn a réfuté avoir donné son accord pour l’immersion des bonbonnes de bromure de méthylène. Pour les déchets métalliques, il a reconnu les faits mais s’est défendu en soutenant que leur immersion en eaux profondes était préférable à leur abandon à terre. "En l’état de l’enquête, annonce le procureur cependant Hervé Leroy, il est manifeste que des personnes chargées d’une mission de service ayant pour fonction de faire appliquer le code de l’environnement l’ont délibérément violé."

Les trois responsables encourent des peines de 2 ans d’emprisonnement et de 8 millions de francs d’amende. Le parquet a requis leur placement sous contrôle judiciaire avec obligation de ne plus exercer les fonctions ayant permis la commissions des infractions.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mercredi 27 Février 2019 à 15:45 | Lu 5998 fois