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Kiev accuse Moscou du meurtre d'un journaliste russe


Kiev, Ukraine | AFP | mercredi 30/05/2018 - Les autorités ukrainiennes accusaient mercredi Moscou du meurtre du journaliste et écrivain russe, virulent critique du Kremlin, Arkadi Babtchenko, tué par balle à Kiev où il s'était exilé.

Ancien soldat russe engagé dans les guerres de Tchétchénie, devenu un reporter de guerre chevronné et respecté, Arkadi Babtchenko, 41 ans, a été abattu mardi soir en arrivant dans son appartement à Kiev et la police a aussitôt indiqué privilégier la piste d'un crime lié à sa profession.
"Je suis sûr que la machine totalitaire russe n'a pas pardonné son honnêteté", a lancé le Premier ministre ukrainien Volodymyr Groïsman dans la nuit de mardi à mercredi. 
Le directeur des services de sécurité russes (FSB), Alexandre Bortnikov, a rejeté les accusations ukrainiennes, les qualifiant d'"absurdité" et de "provocation".  
Le Kremlin a "fermement condamné" le meurtre et dit "espérer une véritable enquête". L'Ukraine est devenue "un endroit très dangereux" pour les journalistes, qui sont expulsés, emprisonnés ou tués, a renchéri son porte-parole Dmitri Peskov.
Le meurtre  d'Arkadi Babtchenko, qui se disait menacé après avoir dénoncé le rôle de la Russie dans le conflit dans l'est de l'Ukraine, est le deuxième en moins de deux ans d'un journaliste russe habitant dans la capitale ukrainienne.
Le 20 juillet 2016, le Russo-Bélarusse Pavel Cheremet avait péri dans l'explosion de la bombe placée sous la voiture qu'il conduisait en plein centre de Kiev, une affaire qui n'est toujours pas élucidée.
Si le chef de la diplomatie ukrainienne Pavlo Klimkine a estimé qu'il était "trop tôt pour tirer des conclusions" concernant la mort de Babtchenko, il a relevé "une similarité étonnante dans les méthodes que la Russie utilise pour provoquer une déstabilisation politique". 
L'Union européenne a de son côté appelé dans un communiqué à une "enquête rapide et transparente pour traduire en justice ceux qui sont responsables de ce crime", exprimant sa "solidarité" avec les journalistes. 
L'ONG Reporters Sans Frontières (RSF) a exhorté dans un communiqué l'Ukraine et la Russie à "coopérer" pour faire la lumière sur cet "acte ignoble" plutôt que "se livrer à une guerre d'information dangereuse".
Arkadi Babtchenko a été retrouvé chez lui dans la périphérie de Kiev, selon le porte-parole de la police nationale Iaroslav Trakalo : "Sa femme était dans la salle de bains, elle a entendu un coup sec. Quand elle est sortie, elle a vu son mari ensanglanté", qui est par la suite "mort dans l'ambulance" le transportant.
 

- "Ami" de l'Ukraine -

 
Dans la matinée, plusieurs dizaines de journalistes se sont réunis devant l'ambassade russe. D'autres rassemblements sont prévus dans la soirée sur la place centrale de Kiev, ainsi qu'à Moscou, où la mort de Batchenko a provoqué un choc au sein de l'opposition.
Arkadi Babtchenko a participé en Russie aux deux guerres en Tchétchénie en tant que soldat avant de devenir un journaliste extrêmement critique vis-à-vis du Kremlin. Il avait raconté les guerres dans cette république russe du Caucase dans un livre édité en France par Gallimard sous le nom de "La couleur de la guerre".
Avant son départ de Moscou, il a notamment coopéré avec le journal Novaïa Gazeta, "tristement célèbre pour le nombre de ses journalistes tués", selon l'expression de RSF, et la radio Echo de Moscou, deux médias critiques du Kremlin.
Arkadi Babtchenko avait fait des reportages dans l'est de l'Ukraine, où le conflit entre armée ukrainienne et séparatistes prorusses a fait plus de 10.000 morts en quatre ans. Il avait dénoncé le rôle de la Russie, appuyant la thèse de Kiev et des Occidentaux selon laquelle elle soutient militairement les rebelles, ce que Moscou a toujours démenti.
Le Premier ministre ukrainien a salué la mémoire d'"un vrai ami de l'Ukraine qui racontait au monde la vérité sur l'agression russe". 
Le journaliste avait quitté la Russie en février 2017 en dénonçant une "campagne effroyable" de "harcèlement". Il a d'abord vécu en République tchèque et en Israël, avant de s'installer à Kiev où il animait depuis un an une émission sur la chaîne de télévision privée ATR.
Il avait à plusieurs reprises dit craindre pour sa vie. "Si quelqu'un promet de vous tuer, faites-lui confiance", avait-il écrit sur Facebook après son départ de Russie. 
Outre les journalistes, en mars 2017, un ancien député russe réfugié en Ukraine avait été tué par balle dans le centre de Kiev.

le Mercredi 30 Mai 2018 à 05:15 | Lu 182 fois