Tahiti Infos

Jean-Marc Mocellin : "La décision de réouverture vaut plus que des budgets d'aides"


Tahiti, le 9 juin 2020 – Les hôtels de Polynésie française sont sur les starting blocks après l'annonce de la réouverture du fenua au tourisme international. Dans une interview accordée à notre rédaction, le directeur de Tahiti Tourisme, Jean-Marc Mocellin, revient sur cette décision gouvernementale et sur les perspectives qu'elle offre au secteur du tourisme.

On imagine votre satisfaction après l’annonce du gouvernement de rouvrir les vols internationaux sans mesure de quarantaine à compter du 15 juillet. Après cette annonce, quelle est la perspective pour le tourisme en Polynésie française ces prochains mois ?

"On est extrêmement satisfaits d'être l'une des premières destinations au monde à rouvrir. C'est une situation assez exceptionnelle donc on a déjà fait le buzz à ce sujet, mais on va appuyer cet argument avec une campagne de communication. Le but de rouvrir au 15 juillet, c'est de sauver une partie de la haute saison. Maintenant, cela dépendra des conditions d'entrée et de la fréquence aérienne internationale et domestique. Depuis l'annonce, tout cela est en train de s'organiser dans ce sens. (…) Le point fort de notre destination, c'est qu'on ne vient pas en Polynésie à la dernière minute. Donc si les voyageurs n'arrivent pas à faire leur séjour complet, ils risquent de reporter leur voyage à l'année prochaine, mais en tout cas, les réservations seront maintenues. (…) C'est donc rassurant pour notre tourisme en termes de perspectives à moyen terme. La tendance est extrêmement positive dans le sens où on a pris la décision de rouvrir. Maintenant, il ne faudra pas comparer la haute saison de l'année dernière avec la haute saison que nous allons avoir."
 
Cette annonce a-t-elle déjà eu un impact sur l'activité des tours opérateurs et des hôtels de tourisme international en Polynésie ? En termes de réservations ou d’annonces de réouverture ?

"C'était une information très attendue par nos tours opérateurs parce qu'ils avaient tous des réservations en livre. Tout le capital de réservation était déjà là et ils n'attendaient qu'une date de redémarrage. C'est un peu tôt pour mesurer l'impact de cette annonce mais on peut voir que cela a permis aussi à certains acteurs tels que les hôtels de prendre la décision de rouvrir plus tôt. (…) Nous avons d'ailleurs créé  une plateforme d'informations concernant les voyages vers la destination mais exclusivement destinée aux professionnels et aux tours opérateurs. Ils peuvent donc avoir les informations en même temps que nous les obtenons. "
 
La reprise du tourisme au fenua ne reste-t-elle pas majoritairement tributaire du contexte international, notamment dans ses principaux marchés émetteurs ?

"Bien entendu. Mais c'est la situation de toutes les destinations touristiques au monde. Nos marchés émetteurs, la métropole, l'Europe et l'Amérique du Nord, se rouvrent et encore une fois, puisqu'un voyage en Polynésie ne se fait pas à la dernière minute, nous avons l'avantage d'avoir plus de temps pour gérer les réservations."
 

"Il ne faudra pas comparer la haute saison de l'année dernière avec la haute saison que nous allons avoir"


La Polynésie française peut miser sur son « label » covid-free comme argument pour les touristes internationaux. Est-il donc selon vous capital de préserver la destination de l’importation du virus même après la réouverture à l’international ? Cet équilibre n’est-il pas complexe à trouver ?

"Il est important que les touristes sachent qu'il n'y a pas eu de pandémie en Polynésie, pas de morts et cela suffit. On ne va pas axer notre communication autour de ça. Ce qui est important, c'est que tout le monde sache que le pays s'est organisé au niveau sanitaire, qu'il a appris à gérer la situation. Ce qui nous permet aujourd'hui de franchir de nouvelles étapes d'une manière progressive. La réouverture se fait avec des conditions d'entrée assez strictes qui ont été établies par le ministère de la Santé polynésien, plus strictes qu'en métropole. C'est une démonstration du sérieux du pays. Et c'est là tout l'enjeu. Il faut être sérieux, organisé et strict en matière de sécurité sanitaire, mais il ne faut pas non plus rendre la destination aseptisée. On ne vient pas en Polynésie en confinement. On vient profiter de la Polynésie pour tous ses atouts, notamment le contact avec la population, l'accueil, la culture… La Polynésie doit conserver sa crédibilité en tant que destination touristique sérieuse mais toujours accueillante. C'est un équilibre clairement difficile à trouver. C'est pour cela que l'on a commencé une campagne de sensibilisation de la population et des professionnels le week-end dernier."
 
Concernant le secteur de la grande hôtellerie, deux établissements ont déjà annoncé leurs fermetures pour au moins 18 mois avec plans sociaux. Le secteur a-t-il besoin de davantage d’aides publiques pour éviter la crise ?

"Je pense que le Pays et l'Etat ont déjà été extrêmement réactifs pour mettre en place des plans de sauvetage des entreprises et de sauvegarde des emplois. Evidemment on peut toujours faire plus, mais encore faut-il avoir le budget pour. On parle de deux hôtels qui ont fermé mais qui vont un jour se rouvrir, mais il ne faut pas oublier qu'il y a quelques années, une douzaine d'hôtels ont fermé suite à une crise économique et politique. On n'en est encore pas là. Les mesures sont prises, et pour moi, l'important c'est, plutôt que de penser que demander un budget supplémentaire, trouver un équilibre extrêmement compliqué entre la nécessité de rouvrir et maintenir la protection sanitaire. La décision de réouverture vaut beaucoup plus que des budgets d'aides que l'on pourrait rajouter. Le Pays ne peut plus vivre en autarcie comme cela a été le cas pendant deux mois et demi. Il y aura sûrement des cas qui arriveront, mais la différence qu'il y a comparé à il y a quelques mois c'est que le Pays est beaucoup mieux préparé. Il va falloir vivre avec, sinon on s'enferme et on meurt à petit feu."

le Mercredi 10 Juin 2020 à 09:32 | Lu 3639 fois