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"Je chavire, viens vite": l'appel de détresse du patron du Bugaled Breizh raconté à Londres


Fred TANNEAU / AFP
Fred TANNEAU / AFP
Londres, Royaume-Uni | AFP | mardi 05/10/2021 - "Je chavire, viens vite": Serge Cossec, qui commandait le chalutier Eridan, a raconté mardi l'appel de détresse lancé par le patron du Bugaled Breizh, au second jour des investigations de la justice britannique sur le naufrage de ce navire, resté inexpliqué depuis 2004. 

Près de 18 ans après la tragédie, les familles des cinq marins décédés ont l'espoir de comprendre ce qui est arrivé au chalutier de Loctudy (Finistère, ouest de la France), lors de trois semaines d'audiences qui ont débuté lundi devant la Haute Cour de Londres. 

Le 15 janvier 2004, un autre chalutier breton, l'Eridan, pêche à 3 ou 4 miles du Bugaled Breizh, au large des Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre), dans des conditions météorologiques plutôt bonnes.  

"A 13h25 (heure française), j'ai un appel du patron du Bugaled Breizh me disant qu'il chavire sans me dire pour quelle raison", a témoigné Serge Cossec par vidéoconférence, se rappelant les mots d'Yves Gloaguen: "Je chavire, viens vite".

"Je lui ai demandé: +Qu'est-ce qu'il se passe?+ et il m'a répété la même chose", a raconté M. Cossec. La voix de son collègue et ami n'était "pas comme d'habitude", "il avait l'air de se demander lui-même ce qui lui arrivait".

Le patron de l'Eridan lui dit de larguer ses radeaux de survie et lui demande sa position. Puis il descend prévenir son équipage que le Bugaled Breizh est en difficulté afin qu'il se prépare à aller le secourir et remonte avec son second pour appeler de nouveau le patron du Bugaled Breizh.

"Je prends le combiné et là ça grésille", la communication est interrompue, explique le patron de l'Eridan, qui n'arrivera plus à entrer en contact avec l'autre navire. Entre ces deux appels, "peut-être une minute" s'est écoulée, estime M. Cossec.  

L'Eridan arrive sur la zone du drame environ trois quarts d'heure plus tard, mais ne voit sur place qu'"une grosse nappe de gazout à la surface et quelques débris". Aucune trace de vie: tout l'équipage du Bugaled Breizh ("Enfants de Bretagne" en breton) a été emporté par le fond.

Canots de sauvetage vides

Marc Cariou, mécanicien à bord de l'Eridan, s'est aussi souvenu mardi de ce début d'après-midi de janvier 2004. Les marins se reposaient après le déjeuner, lorsque Serge Cossec les a alertés.

"Le patron est descendu pour nous réveiller. Il nous a dit, +vite, on vire, le Bugaled Breizh est en train de chavirer+", a-t-il raconté, également par vidéoconférence. 

Après avoir remonté les filets de pêche, l'Eridan met "30 à 40 minutes" pour rejoindre la position donnée par le Bugaled Breizh. L'équipage participe aux recherches, et repère un premier canot de sauvetage, puis un autre, mais "il n'y avait personne" dedans, se rappelle le mécanicien.

M. Cariou voit aussi un sous-marin en surface qui était à "300-400 mètres de l'Eridan", selon lui. 

Des cinq victimes, seuls les corps de Patrick Gloaguen, Yves Gloaguen et Pascal Le Floch ont été retrouvés - le premier dans l'épave lors de son renflouement, les deux autres dans les eaux britanniques. C'est sur la mort de ces deux derniers que se concentre l'enquête britannique. Georges Lemétayer et Eric Guillamet ont eux été portés disparus en mer.

Les familles des victimes pensent que le chalutier a coulé après avoir été accroché par un sous-marin militaire: il se trouvait en effet dans une zone où se déroulaient des exercices militaires de l'Otan et de la Royal Navy.

Lors de l'audience de lundi, le juge Nigel Lickley a rappelé que trois sous-marins y opéraient au moment du naufrage: le sous-marin néerlandais Dolfijn, remonté en surface et le plus proche lors du premier appel de détresse à 12H25, l'allemand U22, également en surface, et un britannique. 

Le ministère britannique de la Défense et la Royal Navy ont démenti toute implication d'un sous-marin britannique.

L'objectif de la procédure au Royaume-Uni est d'éclaircir les causes des décès, inexpliquées, sans toutefois prononcer de condamnations. Cette procédure, lancée en raison des deux corps repêchés dans les eaux britanniques, avait jusqu'ici été suspendue pour donner la préséance à la justice française.

le Mercredi 6 Octobre 2021 à 05:07 | Lu 430 fois