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JO-2016 - Dopage: pas d'athlètes russes à Rio, la Russie menacée d'une exclusion collective


Lausanne, Suisse | AFP | jeudi 21/07/2016 - Yelena Isinbayeva ne sera pas à Rio pour un troisième titre olympique: le Tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne a confirmé jeudi la suspension des athlètes russes, victimes collatérales si ce n'est consentantes du système de dopage russe, ouvrant la voie à une exclusion collective de la Russie par le CIO.

Derrière la "tsarine" de la perche, c'est un géant de l'histoire de l'athlétisme qui est privé des JO. Le dauphin des Etats-Unis aux Jeux de Londres en 2012, avec 17 médailles dont 8 en or.

Pas de Isinbayeva donc, ni de Sergey Shubenkov, le champion du monde du 110 m haies. Ces deux athlètes n'ont jamais été contrôlés positifs, mais comme tous leurs compatriotes avec qui ils avaient fait appel de leur suspension par la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), ils ont été recalés jeudi par le tribunal suisse, à l'unanimité de ses trois juges.

Succès par KO donc pour l'IAAF et son président Sebastian Coe, trois jours après la publication du rapport McLaren lundi sur le "système de dopage d'Etat" russe, avec l'aide "active" des "magiciens" du FSB, les services secrets.

Le double champion olympique du 1500 m n'a pourtant pas crié victoire: "Ce n'est pas le jour pour des déclarations triomphantes", a insisté Lord Coe, dans un communiqué où l'IAAF s'est félicité qu'il y ait désormais une "compétition à armes égales" entre les athlètes.

- 'Le bon message' selon Bolt -
"Si vous trichez, vous serez poursuivi: c'est le bon message", a commenté Usain Bolt, la superstar jamaïcaine du sprint, interrogé jeudi à Londres.

"Merci à tous d'avoir enterré l'athlétisme", a par contre réagi Isinbayeva, dénonçant une décision "purement politique", comme le ministre des Sports russe Vitali Moutko.

"On ne peut que regretter profondément" cette décision concernant des "athlètes qui n'ont rien à voir avec le dopage", a déclaré de son côté le Kremlin, plus modéré.

Deux autres sports avaient déjà pris une telle mesure d'exclusion pour les JO-2016: l'haltérophilie avec la Bulgarie et le canoë-kayak en ligne avec la Roumanie et le Bélarus.

Et les sanctions pourraient ne pas s'arrêter là pour la Russie. Car cette décision du TAS rend désormais encore un peu plus envisageable une exclusion collective de la Russie par le Comité international olympique (CIO), poussé de toutes parts à une telle extrémité depuis le rapport McLaren.

Mardi le CIO avait expliqué qu'il "explorait toutes les options juridiques" à sa disposition, mais qu'il entendait attendre la décision du TAS. Mercredi il avait ajouté qu'il se donnerait "sept jours" pour étudier ce verdict. Mais jeudi, il a finalement avancé sa montre. Sa commission exécutive se réunira dimanche et un communiqué sera fait, a indiqué l'instance olympique à l'AFP.

- Vers 'l'option nucléaire' ? -
Si une telle mesure d'exclusion collective de la Russie était prise par le CIO, ce serait "l'option nucléaire", pour reprendre les termes de Dick Pound, le président fondateur de l'Agence mondiale antidopage.

Le Comité olympique allemand (DOSB) s'est prononcé lui pour une solution moins radicale jeudi: uniquement l'exclusion des sportifs russes des 20 disciplines spécifiquement mentionnées dans le rapport McLaren.

Globalement, c'est toute le sport russe qui est menacée. Un coup dur pour le Kremlin où le président Vladimir Poutine, huitième dan de judo et hockeyeur amateur, s'est toujours évertué à incarner une diplomatie sportive ambitieuse.

Cette chute de l'empire de l'athlétisme russe est le fait de l'AMA. Et de Dick Pound, dont le premier rapport de 300 pages, le 9 novembre, avait dénoncé la Russie, son gouvernement, ses athlètes et leur "culture profondément enracinée de la tricherie". Le tout pour "atteindre le principal objectif de l'Etat: produire des vainqueurs".

Ironie ? Le matin même de ce rapport Vladimir Poutine avait encore encouragé ses compatriotes à "faire du sport", assurant que si cela est "fait d'une façon subtile, le succès viendra".

C'est ce rapport qui avait entraîné la suspension provisoire de la Fédération russe d'athlétisme le 13 novembre, par 22 voix pour et 1 seule contre, par l'IAAF. Suspension définitive depuis le 17 juin.

- Klishina et Stepanova seules -
Alors certes, la Russie de l'athlétisme a perdu de sa superbe depuis Londres-2012, chasse au dopage oblige. Aux Mondiaux de Pékin en 2015, l'hymne russe n'a résonné que deux fois, pour quatre médailles au total. Un fiasco.

Et derrière Isinbayeva ou Shubenkov, ils n'étaient pas si nombreux à prétendre à des titres sur le tartan olympique de Rio, avec éventuellement les sauteurs en hauteur Mariya Kuchina (en or à Pékin) ou Ivan Ukhov (en or à Londres).

En athlétisme, toute la Russie ne sera pourtant pas absente à Rio, malgré le TAS. Deux athlètes ont échappé aux foudres de l'IAAF.

Darya Klishina d'abord. Cette spécialiste du saut en longueur a été la seule repêchée par la fédération internationale. Sa chance ? Etre basée en Floride, aux Etats-Unis, et avoir donc subi des contrôles antidopage crédibles.

La seconde athlète russe certaine de pouvoir aller au Brésil est Yulia Stepanova, la lanceuse d'alerte à l'origine de toutes les révélations sur le dopage en Russie après son témoignage à visage découvert dans un documentaire de la chaîne allemande ARD en décembre 2014.

Repêchée depuis le 1er juillet par l'IAAF, cette athlète suspendue de 2011 à 2013 pour des anomalies dans son passeport biologique devrait concourir sous la bannière olympique, ou un drapeau neutre. Elle a refusé de s'aligner sous le drapeau russe.

Rédigé par () le Jeudi 21 Juillet 2016 à 05:37 | Lu 351 fois