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Indonésie: des "familles terroristes" derrière les attaques suicide


Surabaya, Indonésie | AFP | lundi 14/05/2018 -Ils venaient de classes moyennes, aimaient les animaux de compagnie et parlaient de vacances: rien ne laissait penser que Dita Oepriyanto et son épouse entraîneraient avec eux leurs quatre enfants dans des attaques suicide contre des églises en Indonésie.

Oepriyanto, 48 ans, son épouse Puju Kuswati, 43 ans, et leurs enfants -- deux filles de 9 et 12 ans, et deux garçons de 16 et 18 ans -- sont tous morts dimanche dans des attentats suicide coordonnés visant trois églises à Surabaya, deuxième ville de ce pays d'Asie du Sud-Est.

Pour les voisins, le père de famille était un homme honnête profondément religieux, qui vendait des plantes médicinales.

"C'était le chef d'une unité de quartier (élu par la population, ndlr). Je le rencontrais presque tous les jours dans une mosquée proche de sa maison", a raconté Taufik Gan, 60 ans, au quotidien Koran Tempo.

Des photos en ligne avec le nom de Kuswati montrent une famille souriante, les deux jeunes filles portant un voile islamique rouge et tenant des fleurs dans les mains.

Kuswati avait plus de 250 amis sur un compte Facebook comportant de nombreuses photos de nature, de rafting et de chats. Elle disait être une amatrice d'un groupe local de heavy metal. Son dernier message sur Facebook remontait à 2014.

Cette mère de famille et ses deux filles sont les premières femmes kamikazes répertoriées comme telles en Indonésie, pays musulman le plus peuplé au monde.

Deux autres familles liés à celle-ci ainsi qu'à un groupe extrémiste islamiste local sont impliquées dans une séries d'attaques ces deux derniers jours à Surabaya, dans lesquelles les assaillants ont presque tous péri.

Ces attaques mettent en exergue un nouveau modus operandi: des familles entières de kamikazes.

- "Avantages tactiques" -
Il s'agit d'un changement de tactique de la part de du mouvement extrémiste islamiste Jamaah Ansharut Daulah (JAD), responsable de ces attentats, selon la police.

"L'implication de femmes est nouveau, en particulier avec des enfants", relève Nava Nuraniyah, experte à l'Institut d'analyse des conflits.

"A l'époque de JI (Jemaah Islamiyah, organisation islamiste armée indonésienne qui existait au début des années 2000, ndlr), il était interdit d'utiliser des femmes", souligne l'experte.

Par contraste, l'EI approuve la présence de femmes parmi ses combattants et l'utilisation de femmes, y compris des jeunes filles, dans des attaques, ajoute Mme Nuraniyah.

"Les femmes sont toujours considérées comme paisibles, donc les agents de sécurité font preuve de plus de mansuétude à leur égard. Ce sont des avantages tactiques" pour les organisations terroristes, souligne l'experte.

Dimanche, Kuswati et ses deux filles, le visage recouvert d'un niqab et portant des ceintures d'explosifs, ont pénétré dans l'enceinte de l'église pentecôtiste de Surabaya et se sont fait exploser.

Le père était le leader de la cellule locale de JAD, qui a prêté allégeance à l'EI, selon la police. Ses deux fils ont déclenché leur ceinture d'explosifs à bord d'une motocyclette en pénétrant dans l'enceinte de l'église Santa Maria.

En ce qui concerne les enfants, "c'est peut-être une situation où la famille a une conception des rôles traditionnels -- le rôle traditionnel du père signifiant qu'il a le pouvoir et que tout le monde doit lui obéir", explique Ade Banani, chercheur en psychologie.

"Les enfants ne savent sans doute pas ce qui se passe ou ne comprennent pas"

Rédigé par () le Lundi 14 Mai 2018 à 06:11 | Lu 487 fois