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Indemnisation des victimes du nucléaire: «il va falloir se radicaliser»


Indemnisation des victimes du nucléaire: «il va falloir se radicaliser»
PAPEETE, vendredi 7 juin 2013. En fin d’année dernière, les associations de défense des victimes des essais nucléaires en Polynésie française s’estimaient trahies par le gouvernement socialiste français sur les indemnisations des victimes et la mise en application de la loi Morin. Sur les 782 dossiers envoyés au Comité d’indemnisation en décembre 2012, seuls 400 avaient été examinés. 391 dossiers avaient été rejetés. Et seulement neuf indemnisations avaient été accordées, dont quatre concernant des habitants des Gambier, Reao et Pukarua dont les dossiers n’étaient même pas présentés par les associations ! Un amer constat d’échec. Après la trahison ressentie, vient maintenant le temps de la colère. En effet, les victimes qui avaient obtenu un accord d’indemnisation en décembre dernier, ont reçu voici quelques semaines un état récapitulatif des indemnités accordées, listées préjudice par préjudice. Or, il s’avère qu’une ponction, parfois importante, est pratiquée sur le montant global de ces indemnités pour un remboursement des dépenses de santé effectuées par la CPS (Caisse de prévoyance sociale) polynésienne pour le traitement de ces malades.

Moruroa e Tatou l’association de défense des travailleurs et des victimes des essais nucléaires français dans le Pacifique fait état des quelques cas dont elle a pris connaissance par des bénéficiaires interloqués. «Un dossier concerne une personne atteinte d’un cancer de la thyroïde qui a obtenu une indemnisation de 50 000 euros (5,9 millions de Fcfp), mais qui ne percevra réellement que 30 000 euros (3,5 millions de Fcfp), le reste allant à la CPS. Ce monsieur est indigné que la CPS ait communiqué avec le Comité d’indemnisation de la loi Morin à son sujet» précisent des responsables de l’association qui ne comprennent pas comment la CPS peut obtenir des remboursements de frais sans avoir été partie prenante dans le dossier, et alors que les frais de santé sont assumés par les cotisations des salariés à la caisse de prévoyance. «La CPS se fait payer deux fois» poursuivent les responsables de Moruroa e Tatou. Dans un autre cas, «une dame des Gambier a obtenu 25 000 euros (2,9 millions de Fcfp) pour un cancer également mais à laquelle on retire là aussi 13 000 euros (1,5 millions de Fcfp) pour rembourser les frais de santé à la CPS». Ces victimes indemnisées se sont rapprochées de l’association car le montant des indemnisations était accompagné d’une décharge à signer pour que «s’ils acceptent ces indemnités accordées, ils ne puissent plus ensuite se retourner contre l’Etat». Le service contentieux de la CPS que nous avons tenté de joindre ce vendredi en début d’après-midi pour avoir des explications à ce sujet était indisponible pour cause de week-end.

La longue et difficile indemnisation des victimes des essais nucléaires parait ainsi un combat sans fin avec des incohérences notoires. Ainsi, les victimes ayant obtenu indemnisation en décembre dernier sont des habitants d’îles situées à quelques centaines de kilomètres des sites des essais nucléaires, alors que d’autres victimes recensées «sur Moruroa, au point zéro, on leur a répondu que le risque d’exposition était négligeable» détaille Bruno Barrillot ex délégué polynésien pour le suivi des conséquences des essais nucléaires. «J’ai de l’écœurement de ce système. L’Etat français nous a trahis, quel que soit les différents partis politiques, les différents gouvernements. Tout semble mis en place pour que les victimes continuent de tourner en rond, sans indemnisation. Bientôt notre association ne représentera que des morts, des fantômes et il n’y aura plus personne pour venir témoigner devant les tribunaux» martèle Roland Oldham, le président de Moruroa e Tatou qui n’hésite pas à qualifier la position de la France de négationniste sur son appréciation des conséquences des essais nucléaires en Polynésie. «Il va falloir se radicaliser sinon l’Etat ne bougera pas. Je lance ce message à qui veut l’entendre, à chacun de réfléchir avec ça. Que chacun comprenne ce message à sa manière. Il faudra peut être des manifestations plus musclées, il faudra peut-être se radicaliser».


Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 7 Juin 2013 à 15:09 | Lu 1827 fois