Tahiti Infos

Immigration: Borne tente une négociation de la dernière chance avec la droite


Crédit Bertrand GUAY / AFP
Crédit Bertrand GUAY / AFP
Paris, France | AFP | mercredi 13/12/2023 - Deux jours après le revers de la motion de rejet sur son projet de loi immigration, le gouvernement a commencé ses tractations plus que jamais ardues avec la droite, en vue d'une commission mixte paritaire (CMP) qui se réunira lundi et jouera à quitte ou double le destin du texte.

Le compte à rebours est lancé. Et la pression repose désormais sur Élisabeth Borne, qui a annulé un déplacement à l'étranger pour reprendre le dossier en main.

La Première ministre a reçu en fin de matinée Éric Ciotti, Bruno Retailleau, Olivier Marleix ou encore Annie Genevard, repartis après plus de deux heures de rendez-vous sous tension, sans aucune déclaration à la presse. Les ténors de LR ne veulent de toute façon plus discuter exclusivement avec un Gérald Darmanin "qui (les) insulte en permanence", à l'inverse d'une Première ministre "un peu plus respectueuse".

Le ministre de l'Intérieur, comme celui des Relations avec le Parlement Franck Riester, étaient toutefois présents à cette réunion, qui ouvre un bal de concertations à Matignon en vue de trouver un accord en CMP.

Mme Borne devait poursuivre les échanges avec le président du groupe des sénateurs de l'Union centriste Hervé Marseille, arrivé à la mi-journée rue de Varenne, avant de recevoir les responsables de la majorité à 16H30.

Avant Noël

Mais la majorité est pressée car "plus vite c'est fait, mieux on se porte", a reconnu le porte-parole du gouvernement Olivier Véran. 

En effet, "le temps est facteur de divergence", a expliqué le chef des sénateurs macronistes François Patriat, qui redoute que "chacun se rigidifie sur sa position", y compris dans son propre camp où un texte trop coercitif pourrait mettre à mal "l'unité" de la macronie.

Convoquée à la demande du gouvernement, la CMP se réunira à 17H00 lundi - hasard du calendrier, ce sera aussi la journée internationale des migrants - a annoncé le député macroniste Sacha Houlié. Ce fervent défenseur d'un assouplissement du texte présidera l'instance, dont fera également partie M. Retailleau notamment, selon une source parlementaire. 

Cette CMP composée de sept députés et autant de sénateurs "se met au travail dès aujourd'hui" pour "préparer" un accord, a expliqué la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, espérant que la loi soit définitivement votée "avant les vacances de Noël".

Pour cela, il faudra que "chacun fasse un pas vers l'autre" car "personne n'a la majorité" dans cette CMP, a-t-elle rappelé. Message clairement adressé aux Républicains de l'intransigeant Éric Ciotti, qui martèle que son parti n'acceptera "rien que le texte" très droitier sorti du Sénat.

Une "posture" pas du goût de Yaël Braun-Pivet, pour qui "il ne faut pas se dire +c'est à prendre ou à laisser+" sinon "ce n'est pas une discussion".

Argument repris par François Patriat: "Si on met des lignes rouges, on n'avance pas", a-t-il estimé, appelant à "des concessions de part et d'autre".

Car en cas de "désaccord" persistant, il ne "voi(t) pas comment le texte pourrait continuer", d'autant plus que "le gouvernement ne souhaite pas de 49.3 sur ce texte". 

"On ne veut pas se positionner dans une dynamique de passage par 49.3", a confirmé Olivier Véran, préférant envisager "une victoire collective".

Neuf voix 

Lors d'un dîner mardi à l'Élysée, le chef de l'État a décidé de jouer à quitte ou double avec cette CMP: soit elle est conclusive, soit le texte sera tout bonnement retiré, a-t-il fait savoir aux participants. Et il a également exclu de procéder à une dissolution de l'Assemblée en cas d'échec, alors que le patron du RN Jordan Bardella se disait déjà prêt à assumer la charge de Premier ministre de cohabitation.

Si les régularisations de travailleurs sans-papiers cristallisent les blocages à droite comme à gauche de la majorité, la droite pourrait faire un geste en renonçant à la suppression de l'aide médicale d'État.

"Ca pourrait faire partie du compromis car c'est sans doute un cavalier législatif", susceptible d'être retoqué par le Conseil constitutionnel, indique un cadre du groupe LR au Sénat. Mais "sur les fondamentaux du texte, il ne peut pas y avoir de négociation", prévient un proche du président de la chambre haute Gérard Larcher.

Un prix élevé, sans garantie de l'emporter à l'Assemblée, où la motion de rejet présentée par les écologistes est passée lundi avec les voix de la gauche, de l'extrême droite et d'une bonne partie de la droite.

"Il a manqué neuf voix dans la majorité contre cette motion de rejet. Combien en manquera-t-il?" si le compromis verse trop à droite, a persiflé le député écologiste Julien Bayou sur franceinfo. "Parce que cette fois-ci, c'est les valeurs humanistes qui sont en jeu". 

le Mercredi 13 Décembre 2023 à 05:19 | Lu 233 fois